«Je suis Henri Pinson», entrain digital

Vous n’allez pas croire ce qu’il est arrivé à Henri Pinson ce matin. Un truc de fou ! Une sensation qu’il n’avait jamais connue encore. Le genre qui vous transcende jusqu’au plus profond de votre être, et qui vous donne le vertige quand vous essayez de réaliser. Voilà : Henri a eu une pensée. Enfin, plus exactement, «il avait eu une pensée et l’avait entendue».

Eh, ne rigolez pas ! Vous vous rendez compte de la révolution que ça représente dans la cervelle d’un petit pinson gros comme mon pouce ? Des pensées, Henri en avait tous les matins et tous les soirs. En voyant le Soleil se lever, il comprenait que c’était l’aube et disait «Bonjour» à ses amis les pinsons. En voyant le Soleil se coucher, il en déduisait que c’était le crépuscule et disait «Bonsoir» à sa bande de pinsons. Ça lui venait tout seul, il ne s’en rendait même pas compte. La communauté des pinsons vivait en pilotage automatique.

Mais le jour où Henri a «entendu» sa pensée, tout a changé. Il a découvert qu’il avait des pensées. Il en était devenu conscient. Il en a déduit que cette pensée avait été produite par quelqu’un, en l’occurrence lui. Cogito, ergo sum. Il a donc découvert sa propre existence… «Je suis moi». Combien d’enfants sentent le monde se dérober sous leurs pieds quand ils se retrouvent, au hasard de leur monologue intérieur, nez à nez avec ce genre de révélation ?

Il y a dans Je suis Henri Pinson un bouillonnement de philosophie que l’Ecole des loisirs recommande aux cerveaux de 5 à 7 ans, mais capable de mettre en fusion les méninges de tous les publics plus âgés qui goûtent le plaisir de l’introspection. Une fois sa machine à réfléchir enclenchée, on n’arrête plus Henri Pinson : il se demande comment exploiter ce superpouvoir, se découvre des envies de célébrité, décide de changer le quotidien en attaquant «la Bête» qui le terrorisait jusqu’alors et parvient à manipuler ses pensées de prédateur pour la rendre inoffensive.

Peut-on entendre les pensées d’autrui ? Peut-on les influencer avec nos propres idées ? Les méchants ont-ils de mauvaises pensées, ou ont-ils l’impression d’être gentils ? Sont-ils vraiment méchants quand on essaye d’adopter leur point de vue ? Peut-on comprendre le monde entier en prenant simplement le temps d’y réfléchir ? La réflexion donne-t-elle du courage ? L’intelligence peut-elle nous débarrasser de la peur ? Penser nous rend-il libres ?

Oui, il y a tout ça dans l’album du jeune auteur britannique Alexis Deacon, qui plante en quelques phrases toutes simples des graines de sagesse dans notre esprit. Quant à l’illustratrice Viviane Schwarz, c’est une idée de génie qu’elle a eue en imprimant le corps d’Henri Pinson avec son doigt : «Je voulais que tous les pinsons soient semblables mais que chacun soit unique, donc j’ai utilisé des empreintes digitales, explique-t-elle. Henri est toujours imprimé avec le même doigt, et personne d’autre n’a cette empreinte particulière.» Et pour la bande d’oiseaux, «j’ai récolté les empreintes de tous les amis qui venaient me rendre visite à la maison ou au studio pour en avoir une bonne collection».Protéiforme, son dessin conjugue les délicates empreintes rouges des volatiles et le trait vif de l’encre de chine à la plume, peint l’inquiétante Bête à l’aquarelle, ses entrailles d’après les schémas scientifiques d’une oreille interne et les abîmes de réflexion dans une fulgurante double page sur fond noir. Ça dépote.

Je suis Henri Pinson De Alexis Deacon et Viviane Schwarz, 40 pages, L’école des loisirs, 13,5 euros, 2015.

Camille Gévaudan

L’acteur anglais Alan Rickman est mort à l’âge de 69 ans

L’acteur britannique Alan Rickman est décédé à l’âge de 69 ans des suites d’un cancer, annonce ce jeudi le Guardian.

Après un début de carrière au théâtre en Angleterre – il fut membre de la Royal Shakespeare Company, ce Londonien s’est fait connaître au cinéma en interprétant le méchant Hans Gruber, dans le premier volet de la série Die Hard (ou Piège de Cristal, 1988, en VF), nous valant une des chutes célèbres de l’histoire du cinéma. 

Il interprétera ensuite le shérif de Nottingham dans Robin des bois, prince des voleurs (1991) et jouera dans Love Actually (2003). Mais c’est le personnage de Rogue dans les huit volets de l’adaptation cinématographique de la série Harry Potter qui lui fera accéder à la notoriété internationale.

Alan Rickman a par ailleurs réalisé deux films : L’invitée de l’hiver (1997) et plus récemment, Les jardins du roi avec Matthias Schoenaerts et Kate Winslet. En juin dernier, il était l’invité du Tonight Show de Jimmy Fallon. Lui dont la voix était si reconnaissable y inhalait de l’hélium pour divertir, sans grande peine, l’auditoire.

 

LIBERATION

Affaire Jeanne : fin des investigations sur le financement des campagnes du FN

Une semaine après Marine Le Pen, un nouveau cadre du Front national a été placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre de l’affaire Jeanne : le maire d’Hénin-Beaumont et vice-président du parti, Steeve Briois. Intermédiaire entre celui de simple «témoin» et de «mis en examen», ce statut peut, selon le code de procédure pénale, viser tout personne «contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions».

Selon l’AFP, cette dernière audition a clos les investigations des juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi. S’ouvre désormais un délai durant lequel les mis en examen peuvent demander de nouveaux actes d’enquête, avant que le parquet de Paris prenne ses réquisitions puis que les juges d’instruction décident ou non d’un renvoi en procès. Le FN a d’ores et déjà saisi la cour d’appel pour faire annuler une partie de la procédure. Au total, celle-ci a entraîné dix mises en examen, dont celles d’un vice-président et du trésorier du FN, ainsi que celle du Front national – pour «recel d’abus de biens sociaux» et «complicité d’escroqueries».

A lire aussi :«La machine à fric des amis du FN»

Les juges ont ouvert une information judiciaire en avril 2014. Ils suspectent le microparti Jeanne, lié à Marine Le Pen, d’être au cœur d’un système de financement frauduleux, impliquant du matériel de campagne conçu par la société Riwal, et dont l’achat était très fortement recommandé par le FN à ses candidats. Les juges envisagent que le prix de ces kits ait pu être surévalué. Les candidats frontistes pouvaient ensuite souscrire un prêt auprès de Jeanne pour les acheter.

Si ces soupçons se vérifiaient, le dindon de la farce serait l’Etat, qui rembourse les dépenses électorales avec de l’argent public. Les juges soupçonnent également ces partis d’avoir été illégalement financés par Riwal via des aides financières ou en nature, comme la mise à disposition gratuite de locaux ou d’employés ou des facilités de paiement. Des accusations dont se défend le FN, qui dénonce une «persécution judiciaire» à son endroit.

Dominique Albertini (avec AFP)

Embarquement pour Labadee, Versailles des Caraïbes, «prison pour touristes»

Tôt le matin, quelques jours par semaine, Labadee s’anime. Un bateau de croisière rutilant accoste une jetée flambant neuve de 55 millions de dollars, et des milliers de blans (mot créole désignant les étrangers, qu’ils soient de blancs ou de couleur, NDLR) se déversent sur les attractions tape-à-l’œil qui jalonnent le rivage: la plus longue tyrolienne au-dessus de l’eau du monde, un salon de tressage de cheveux, des buffets-barbecues tout compris, et, pour 255 dollars supplémentaires, des huttes VIP aux toits en feuilles de palmiers. Le terrain de jeu flottant gonflable, Arawak Aqua Park, tient son nom des peuples indigènes qui habitaient l’île autrefois, et Columbus Cove, point d’arrivée d’un toboggan aquatique bleu «haletant», du représentant des puissances coloniales qui causèrent leur disparition.

Bienvenue à la Plage Privée Ultime de la Royal Caribbean, l’unique compagnie de croisières opérant à Haïti. Une haute clôture protège jalousement le monde merveilleux de Labadee. A l’intérieur, les seules traces de la riche culture et du savoir-faire d’Haïti sont les troupes folkloriques qui s’y produisent parfois et l’Artisans Village, où les habitants doivent payer un droit d’entrée pour pouvoir vendre à la criée rhum, t-shirts et porte-clés. Dehors, deux gardes nonchalamment cramponnés à leurs mitraillettes s’ennuient: cette partie d’Haïti n’a pas connu de violences depuis des années. C’est un rêve tropical au summum de son américanisation: toute la nourriture est importée (y compris les fruits), et le rhum contenu dans le cocktail-vedette, le Labadoozie, n’est pas haïtien. Les suppléments sont directement facturés à votre cabine via le SeaPass, une carte de crédit de croisière, et aucun passeport ni visa touristique n’est nécessaire. Même le nom du lieu – dérivé du marquis de La Badie, esclavagiste français dont les plantations n’étaient qu’à quelques kilomètres de l’endroit où débuta la fière révolution d’Haïti – a été simplifié au profit des langues occidentales.

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Avant le coucher du soleil, les étrangers retournent dans le ventre du paquebot et disparaissent aussi brusquement qu’ils étaient venus. Tandis que le silence retombe sur le parc à thème, le personnel local rentre dans son Labadie à lui, de l’autre côté de la baie. «Il y a deux Haïti» explique une femme de chambre du Royal Caribbean, aspirante artiste de la communauté haïtienne qui travaille 12 heures par jour sur le bateau, sept jours par semaine, à distribuer des serviettes sur le pont au bord de la piscine. «Le Haïti de CNN, et le vrai Haïti.» Des dizaines de milliers de touristes ont fréquenté les rivages d’Haïti sans jamais savoir où ils étaient.

Lorsque Labadee a ouvert en 1986, Haïti était déjà devenu synonyme de corruption et de chaos, mais là où les autres investisseurs voyaient une république bananière typique, la Royal Caribbean vit une fenêtre d’opportunités commerciales. Ce fut Jean-Claude Duvalier, connu sous le nom de Baby Doc, qui conclut le marché en personne : un bail de 64 ans sur une péninsule de 25 hectares dans l’Océan atlantique, à l’extrémité nord d’Haïti. Pendant des décennies, la compagnie de croisières n’osa pas prononcer le nom de son nouveau paradis balnéaire semi-souverain et le vendit pragmatiquement sous le nom «d’Hispaniola» à côté de destinations plus conventionnelles. Quasiment sans concurrence aucune, Labadee devint l’attraction touristique la plus populaire d’Haïti.

Un Haïtien sur 8 vit à l’étranger

Une femme a de grands projets pour changer tout cela. Stéphanie Villedrouin, ministre du tourisme aussi glamour qu’énergique et cerveau d’une offensive de charme de relations publiques, a décidé qu’Haïti serait la Prochaine Destination Incontournable du tourisme caribéen. Miami et New York ne sont qu’à quelques heures de là, et outre son magnifique littoral—partagé avec la République dominicaine, destination touristique prisée de longue date—qui pourrait résister à la culture vibrante, à la cuisine créole et à l’histoire coloniale d’Haïti? En capitalisant sur tous ces atouts, Stéphanie Villedrouin espère d’abord attirer l’immense diaspora – un Haïtien sur huit vit à l’étranger- puis tous les autres. Le tourisme, solution lucrative qui fait ses preuves dans les pays voisins depuis des dizaines d’années, est envisagé comme un remède miracle pour l’économie haïtienne en sous-performance constante. Stéphanie Villedrouin est la première à admettre que changer l’image du pays – qui n’est toujours représenté que dans un unique guide de voyages – pour le rendre «ouvert aux affaires» va nécessiter un sacré travail. «L’un des plus grands défis était la perception d’Haïti par le reste du monde, développe Stéphanie Villedrouin lors d’une interview entre deux réunions avec des investisseurs à New York. Et comment changer cette image». Armée d’un nouveau logo arborant une fleur d’hibiscus et accompagnée de consultants marketing européens, elle s’est lancée en 2011 dans une croisade mondiale visant à séduire investisseurs et visiteurs et à les attirer vers le dernier paradis caribéen encore intouché. Un concours sur les réseaux sociaux a donné naissance à un nouveau slogan touristique: «Se La Pou’w La»—«Vivez l’expérience».

HAITI_Labadie_roughcut_001 from Caterina Clerici on Vimeo. 

«Ce sont les nouvelles Caraïbes» explique Stéphanie Villedrouin sans jamais se départir de son sourire. «Ces sont les Caraïbes authentiques que nous voulons présenter au reste du monde». Une bande-son improbable baigne le Versailles des Caraïbes. Plusieurs heures durant, une ballade rythmée de Céline Dion, diffusée en boucle par des enceintes de téléphone portable, résonne entre les murs croulants. Malgré la chaleur déjà implacable du tout début de matinée, deux couples d’adolescents tournoient imperturbablement au milieu des ombres allongées des ruines centenaires du Palais Sans­-Souci. C’est une troupe de danseurs spécialisée dans les mariages qui vient ici toutes les semaines pour s’entraîner, répétant chaque mouvement jusqu’à la perfection. En contrebas, une file de pèlerins catholiques vêtus de blanc des pieds à la tête entre dans une basilique en chantant, et juste à côté de pelouses impeccablement entretenues, une dame aligne des souvenirs pour des clients invisibles.

Sans­-Souci fut construit par le premier monarque (auto-proclamé) du pays, Henri Christophe, pour rappeler aux puissances impérialistes du monde la fierté nègre incarnant la farouche indépendance qui coule toujours dans les veines haïtiennes. Jardins somptueux, fontaines et piscines: jamais alors on n’avait vu une telle splendeur dans le Nouveau Monde. La Royal Caribbean affirme qu’elle adorerait y organiser des excursions mais que les infrastructures, la politique et d’éventuels problèmes de sécurité l’en empêchent encore. «Peut-être n’avons-nous pas été assez vigilants, en tant qu’Haïtiens, pour comprendre qu’il nous fallait travailler notre image» déplore Maryse Penette Kedar, consultante senior à la Royal Caribbean et ancienne ministre du tourisme. «Haïti est un pays remarquable à l’histoire remarquable, mais bien entendu nous ne pouvons nous contenter de parler de notre histoire. Il y a des choses à faire. Nous devons mettre de l’ordre chez nous.» C’est elle qui a conçu le bail de Labadee, qu’elle a toujours considéré comme une porte d’entrée vers des visites plus enrichissantes de son pays. Il s’agissait alors de faire preuve de pragmatisme pur: s’il fallait employer un pseudonyme pour neutraliser la mauvaise réputation d’Haïti, cela valait toujours mieux que de ne pas être sur le marché du tout.

Haïti, anciennement La Isla Española

Certes le nom était trompeur, mais pas totalement mensonger : lorsque Christophe Colomb «découvrit» ce territoire en 1492, il le décrivit comme un «miracle» et le baptisa «La Isla Española»- qui allait devenir Hispaniola – avant de bâtir sa première colonie à quelques kilomètres de là seulement. A la base d’une nation encore hantée par l’exploitation étrangère, les indigènes furent anéantis et des milliers d’Africains importés depuis l’autre côté de l’Atlantique pour construire à la sueur de leur front la colonie la plus riche du monde, une cruelle plantation de canne à sucre après l’autre.

De l’autre côté des montagnes il y a d’autres montagnes, dit un proverbe créole emblématique, métaphore des difficultés qui ne deviennent visibles que lorsque l’on a atteint un premier sommet -et métaphore d’Haïti lui-même. Sur une colline derrière les ruines de Sans-Souci se dresse la citadelle Laferrière : c’est la plus majestueuse forteresse des Amériques, érigée pour se défendre contre une conquête qui ne vint jamais et où l’on peut encore voir des pyramides de boulets de canons soigneusement empilés.

Tout commença juste à côté, pendant une réunion d’esclaves dans le Bois-Caïman, le soir du 14 août 1791. Devant le feu, une jeune femme possédée par Erzulie Dantor, la mère-guerrière vaudou représentée sous les traits d’une Vierge noire, égorgea un cochon noir créole et jura de tuer les blans. Ivres du sang de l’animal et investis d’une puissance divine, les esclaves se révoltèrent contre leurs maîtres coloniaux et établirent la première république noire du monde. Un tremblement de terre dévasta Sans­-Souci en 1842 et le palais ne fut jamais reconstruit. Il n’y a plus de cochons créoles et aujourd’hui, la majeure partie des forêts de Haïti a été déboisée pour fournir du bois de chauffage.

A côté, Cap Haïtien (anciennement Cap Français), pittoresque ville balnéaire à l’architecture coloniale, est devenu un lieu de villégiature fréquenté principalement par des travailleurs humanitaires et des missionnaires qui viennent y passer le week-end. «Bien sûr, la route est longue», admet Maryse Pénette­-Kedar, prudemment optimiste. «Mais je suis certaine qu’Haïti va de nouveau surprendre le monde. Je n’en doute pas.» A l’aube reviennent les bateaux colorés aux noms poétiques, débordant de poissons et de fruits de mer. Les pêcheurs passent le reste de la matinée à nettoyer leurs filets près des quais. Une nouvelle promenade est en construction et des villageois plantent de tout jeunes palmiers le long du front de mer. Des kayaks en plastique glissant sur la lagune les regardent de loin. Quasiment personne ne met pied à terre. Le Freedom of the Seas, qui pouvait se targuer jusqu’à récemment d’être le plus grand bateau de croisière du monde, obstrue quasiment tout l’horizon. Plusieurs fois par semaine, il dépose 6 000 passagers à Labadee, de l’autre côté de la baie, et verse 10 dollars de taxe par personne dans les coffres des autorités locales. Aujourd’hui les publicités sont plus honnêtes et de nombreux drapeaux haïtiens flottent sur tout le complexe balnéaire—même si le subtil slogan Private Island Paradise («l’endroit idéal pour se détendre et s’amuser») semble donner à de nombreux visiteurs l’impression qu’il ne s’agit pas de l’île principale d’Haïti.

«La prison des touristes»

«Nous l’appelons la prison des touristes» raconte Alix Latatour, ancien employé de la compagnie de croisières né à Labadie. «C’est là qu’ils les gardent pour qu’ils ne puissent pas voir le vrai Haïti.» Les médias jugent souvent d’un œil sévère la présence de la Royal Caribbean à Haïti et mettent en avant une vision de «possédants» face à des «dépossédés», trop symboliquement séparés par la sémantique et par des barbelés. Lorsque la compagnie de croisières – immatriculée au Libéria – a décidé de poursuivre les excursions touristiques à Labadee après le séisme, sa mauvaise réputation a empiré. Des passagers racontaient que les Haïtiens mendiaient la nourriture des buffets à travers la clôture. Pour les villageois, la réalité est plus nuancée. Après tout, de l’argent été réinjecté dans l’économie et des enfants ont pu faire des études. En 2010, la Royal Caribbean a bâti une nouvelle école, à qui elle a donné son nom. Dans un pays où le taux de chômage atteint 70%, environ 200 habitants du village de Labadie vont travailler à Labadee : assistants à la tyrolienne, agents d’entretien et professeurs de surf, pour une rémunération, selon la Royal Caribbean, «bien au-dessus du salaire moyen». Les autres ont le droit de visiter la station balnéaire les jours sans croisiéristes, sur autorisation.

Ce qui attriste Alix Latatour, c’est que les deux Labadie ne se rencontrent que si rarement : que la plupart des touristes ne voient jamais comment vivent les vrais Haïtiens, ce qu’ils cuisinent, comment ils cultivent la terre, à quoi ressemble leur musique. «Les touristes ne comprennent pas bien Haïti» explique-t-il, «parce que ce qu’ils voient aux infos ou avant d’acheter leur billet, ce n’est pas la même chose que ce qu’ils voient quand ils arrivent ici.» Alix Latatour ne doute pas un instant que les touristes aimeraient tout cela, s’ils venaient. «Impossible de savoir ce que nous réserve l’avenir du pays, philosophe-t-il. Peut-être qu’un jour vous reviendrez, et vous verrez que tout a changé.»

Traduit par Bérengère Viennot

Caterina Clerici , Kim Wall

Le Festival d’Angoulême va inclure des femmes parmi les nominés pour son Grand Prix

Devant la tournure que prenaient les événements, les organisateurs du Festival d’Angoulême ne pouvaient pas ne pas réagir. La publication, mardi, d’un liste exclusivement masculine de nominés pour le Grand Prix, avait provoqué une grosse polémique. Et, dans le sillage de Riad Sattouf, l’annonce de plusieurs de ces nominés de se retirer de la sélection (Joann Sfar, Etienne Davodeau, Christophe Blain, François Bourgeon, Pierre Christin, Daniel Clowes, Charles Burns, Chris Ware et Milo Manara). 

«Ce Grand Prix récompense un auteur pour l’ensemble de son œuvre et sa carrière, or, l’histoire de la BD jusqu’aux années 80 est essentiellement d’obédience masculine, se justifiait Franck Bondoux, le délégué général du Festival, à Libération On ne va pas instaurer des quotas. Le critère doit-il être absolument d’avoir des femmes ? Le Festival reflète la réalité de cet univers. »

Mercredi, dans un communiqué embarrassé, le Festival annnonce que «sans enlever aucun autre nom, introduire de nouveau des noms d’auteures dans la liste des sélectionnés au titre du Grand Prix 2016».

LIBERATION

Diffusion en ligne d’une vidéo de viol présumé : deux jeunes arrêtés à Perpignan

Deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années ont été arrêtés à Perpignan pour la diffusion d’une vidéo de viol présumé sur les réseaux sociaux, qui avait entraîné l’ouverture d’une enquête dans l’Essonne, a-t-on appris lundi de source policière.

La sûreté départementale de Perpignan a été chargée de deux enquêtes pour «diffusion d’images pornographiques sur internet et pour suspicion de viol aggravé», a déclaré le directeur départemental Yannick Janas. Il faudra déterminer la part de contrainte de la relation sexuelle entre ces deux hommes, placés en garde à vue, et une femme elle aussi majeure, «sur fond d’alcool», a-t-il précisé. 

La vidéo incriminée, probablement tournée avec un smartphone, est un montage d’un peu moins de 5 minutes. On y voit deux hommes en survêtement, dont on n’aperçoit jamais le visage, boire du whisky et fumer des joints avec leur victime présumée, apathique, qui paraît droguée ou alcoolisée. La vidéo est agrémentée de commentaires écrits dégradants sur leur victime tout au long du viol présumé.

L’existence de cette vidéo a été largement relayée dimanche sur les réseaux sociaux par les internautes, la plupart choqués, qui ont prévenu les autorités. Une enquête en flagrance avait été initialement ouverte et confiée à la Sûreté départementale de l’Essonne, les deux agresseurs étant supposés être originaires du département.

LIBERATION

L’Europe au bord de l’abîme

François Hollande, tout à sa défense de la patrie française menacée par de sanglants binationaux, n’a pas prononcé le mot Europe lors de ses voeux, le 31 décembre. Un oubli? Que nenni! Un signe. L’Europe est clarement menacée d’implosion à cause de la médiocrité des dirigeants nationaux. Mon analyse est ici. http://www.liberation.fr/planete/2016/01/01/crise-apres-crise-l-europe-fonce-vers-l-abime_1423901

Mais ne désespérons pas, le pire n’est pas toujours certain! Bonne année 2016 à tous!

Attentats de Paris : une dixième personne inculpée à Bruxelles, pour «assassinats terroristes»

Une dixième personne, un jeune homme de 22 ans, a été placée en détention préventive à Bruxelles pour «assassinats terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste» dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Paris, a annoncé ce jeudi le parquet fédéral belge.

Ayoub B., un Belge né en 1993, a été interpellé mercredi au moment d’une perquisition dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean. «Le juge d’instruction a délivré ce matin (jeudi) un mandat d’arrêt à son encontre du chef d’assassinats terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste», selon un communiqué.

Une dizaine de téléphones portables, «en cours d’examen», ont été saisis au cours de la perquisition, qui a eu lieu selon les médias belges dans la même maison déjà fouillée trois jours après les attentats du 13 novembre. A l’époque, l’opération avait donné lieu à un spectaculaire déploiement des forces de l’ordre au coeur de Molenbeek, d’où est originaire Salah Abdeslam et qui a servi de port d’attache à plusieurs membres de cellules jihadistes.

A lire aussi Chronologie de l’enquête depuis les attentats à Paris

La maison d’une famille proche de Salah Abdeslam

Selon des informations de la chaîne publique RTBF, des «traces» du passage de Salah Abdeslam, un des principaux suspects en fuite, avait été détectées lors de cette première perquisition. La RTBF en tirait comme conclusion qu’il avait été extrait par des complices avant l’intervention des forces de l’ordre.

Le quotidien Het Laatste Nieuwsa rapporté jeudi que la maison était celle d’une famille proche de Salah Abdeslam, dont cinq membres sont partis en Syrie. Ni armes ni explosifs n’ont été découverts lors de la perquisition de mercredi, a précisé le parquet.

Selon la procédure judiciaire belge, ce nouveau suspect devra comparaître dans les cinq jours devant un juge qui décidera de son maintien ou non en détention préventive.

AFP

Des noms derrière les migrants morts à Calais

Des migrants meurent à Calais. On retrouve leur corps sur le bord de l’autoroute, fauché par une voiture, percuté par un train, électrocuté à l’entrée du tunnel sous la Manche ou encore noyé dans les bassins de rétention d’Eurotunnel. D’autres ont les jambes brisées sous les roues des camions. Des amputés, des grands brûlés survivent. Ils tentent de rallier l’Angleterre, mais l’Europe de Schengen a fait de la frontière de Calais une zone de plus en plus étanche.

Ceux qui n’ont pas d’argent pour payer les passeurs – entre 1 500 et 6 000 euros la traversée, selon qu’elle est ou non «garantie», en camion par le port ou le tunnel –, ceux-là tentent leur chance par petits groupes. A l’assaut des trains, ils risquent leur vie. Les barrières et les barbelés qui barricadent toujours plus les accès au port les incitent à prendre de plus en plus de risques. La nuit, ils trouvent des raccourcis pour traverser l’autoroute, sautent sur les trains qui démarrent au tunnel. Eurotunnel a distribué des tracts et placardé des affiches en neuf langues pour expliquer que le site est «dangereux». Même la mort ne les arrête pas.

Ils et elles s’appellent Zebiba, Ganet, Getnet, Mohammad, Nawal. Ils sont Syriens, Soudanais, Erythréens, Afghans. Certains sont sans identité connue. Libération, avec l’aide de Médecins du Monde, tente de donner un nom et un visage à ces morts de 2015.

 Cliquez sur les silhouettes pour en savoir plus.

Haydée Sabéran Correspondante à Lille

Les besoins simples

J’ai eu l’opportunité d’assister à un séminaire à Deauville sur la généralisation de l’extrapolation des besoins simples. Quand on achète un oiseau chez l’oiseleur, ce brave homme nous dit brièvement ce qu’il faut à notre nouveau pensionnaire, et tout cela, hygiène, nourriture et le reste, tient en quelques mots. De même, pour résumer les besoins essentiels de la plupart des êtres, quelques indications sommaires suffiraient. Leur régime est en général d’une extrême simplicité et tant qu’ils le suivent ils se portent bien comme des enfants obéissants de mère nature. Qu’ils s’en écartent, les complications surviennent, la santé s’altère, la gaîté s’en va. Seule, la vie simple et naturelle peut maintenir un organisme en pleine vigueur. Faute de nous souvenir de ce principe élémentaire, nous tombons dans les plus étranges aberrations. Que faut-il à un homme pour vivre matériellement dans les meilleures conditions possibles? Une nourriture saine, des vêtements simples, une demeure salubre, de l’air et du mouvement. Je ne vais pas entrer dans des détails d’hygiène, ni composer des menus, ou indiquer des modèles d’habitation et des coupes de vêtements. Mon but est de marquer une direction et de dire quel avantage il y aurait pour chacun à ordonner sa vie dans un esprit de simplicité.—Pour nous assurer que cet esprit ne règne pas assez dans notre société, il suffit de voir vivre les hommes de toutes les classes. Posez à différents individus, de milieux très distincts, cette question: Que vous faut-il pour vivre?… Vous verrez ce qu’ils répondront. Il n’y a rien d’instructif comme cela. Pour les uns, autochtones de l’asphalte parisien, il n’y a pas de vie possible en dehors d’une certaine région circonscrite par quelques boulevards. Là est l’air respirable, la bonne lumière, la température normale, la cuisine classique, et, à discrétion, tant d’autres choses sans lesquelles il ne vaudrait pas la peine de se promener sur la machine ronde. Aux divers échelons de la vie bourgeoise, on répond à la question que faut-il pour vivre, par un chiffre, variable selon le degré d’ambition, ou d’éducation, et par éducation, on entend, le plus souvent, les habitudes extérieures de la vie, la façon de se loger, de se vêtir et de se nourrir, une éducation toute à fleur de peau. À partir d’un certain chiffre de rente, de bénéfice, ou de traitement, la vie devient possible. Au-dessous, elle est impossible. On a vu des gens se suicider parce que leur avoir était descendu au-dessous d’un certain minimum. Ils ont préféré disparaître que de se restreindre. Notez que ce minimum, cause de leur désespoir, eût sans doute été acceptable encore pour d’autres, aux besoins moins exigeants, et enviable pour des gens aux goûts modestes. Dans les hautes montagnes la flore change suivant l’altitude. Il y a la région des cultures ordinaires, celle des forêts, celle des pâturages, celle des rochers nus et des glaciers.—À partir d’une certaine zone on ne trouve plus de blé, mais la vigne prospère encore; le chêne cesse dans une région assez basse, le sapin se plaît à des hauteurs considérables. La vie humaine avec ses besoins rappelle ces phénomènes de la végétation. A retrouver et lire plus en détail sur le site de l’agence séminaire à Deauville.

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