Abattage : une nouvelle vidéo montre les pratiques d’un abattoir certifié bio du Gard

L’association de défense des animaux L214 a diffusé ce mardi une vidéo montrant des mauvais traitements infligés aux animaux dans un abattoir certifié bio au Vigan (Gard), et annonce le dépôt d’une plainte. Animaux mal étourdis, moutons lancés violemment contre les barrière, coups répétés à la matraque électrique… La vidéo, qui dure environ 4 minutes 30 secondes, est parfois difficilement soutenable.

On y voit un employé prendre des agneaux récalcitrants à rentrer dans le couloir formé par des barrières lancer à plusieurs reprises et violemment des bêtes contre les clôtures. Des bovins et des porcs, théoriquement égorgés après avoir été étourdis, sont saignés alors qu’ils bougent encore. Un employé semble s’amuser à donner des coups de matraque électrique brefs et répétés pour tester la réaction des bêtes…

Les images ne sont pas prises en caméra cachée mobile, mais sont fixes, prises depuis un angle des pièces filmées, à l’instar d’une vidéosurveillance.

Nouvelle demande de commission d’enquête parlementaire

Cette vidéo est publiée quatre mois après une première vidéo filmée en caméra cachée à l’abattoir municipal d’Alès, également dans le Gard, qui avait provoqué de vives réactions, une enquête judiciaire, et la fermeture temporaire immédiate de l’abattoir.

Concernant l’abattoir du Vigan, L214, qui dénonce «des scènes intolérables violant la réglementation et causant d’importantes souffrances aux animaux», a annoncé avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République d’Alès. Cet abattoir est «certifié bio» et «travaille en circuit court», explique l’association. «Même dans un abattoir tourné vers le bio et le local, les animaux perdent la vie dans la souffrance», déplore la chanteuse Nili Hadida, chanteuse du groupe Lilly Wood and the Prick, qui présente la vidéo.

L214 demande une nouvelle fois une commission d’enquête parlementaire sur les méthodes d’abattage dans les abattoirs français.

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AFP

Quelle langue les séries de Canal+ parlent-elle ?

Quelle langue les séries de Canal+ parlent-elle ?
George Blagden (Versailles)

Au-delà de ses dissensions internes, Canal+ maintient le cap d’une politique ambitieuse en matière de séries européennes, notamment par le biais de tournages avec des équipes dirigeantes et techniques anglaises. Derrière la cohérence de ce mode de fonctionnement se cache toutefois une surprenante hétérogénéité des séries proposées : certaines mêlent avec dextérité diverses langues et traditions régionales, tandis que d’autres préfèrent le tout-anglais à l’universalisme facilitant les ventes à l’étranger. Quelles corrélations peut-on établir entre ces choix stratégiques et la qualité artistique des produits résultants ?

Après une période de stagnation (qui s’est soldée par l’échec, tant artistique que public, du retour tant attendu des Revenants), Canal+ est reparti de l’avant avec une politique de séries ambitieuses et audacieuses. Ce n’est pas un « effet Bolloré » – dont on peut au contraire se demander quel impact aura sur la branche fiction de la chaîne le bouleversement d’organigramme auquel a procédé le capitaine d’industrie dans la foulée de sa prise de pouvoir en milieu d’année dernière –, mais plutôt le fruit d’une ouverture mûrement réfléchie sur l’Europe, avec une orientation prioritaire vers le premier pays producteur de séries de qualité du continent : l’Angleterre.

Tunnel (remake de la série suédo-danoise Bron) en 2013, puis Spotless, Panthers et Versailles en 2015, ont toutes bénéficié du concours de producteurs, de réalisateurs, de scénaristes et/ou de techniciens britanniques, au point d’être parfois considérées, sur les marchés internationaux, comme des séries anglaises à part entière. Une stratégie qui rappelle celle adoptée par HBO au début des années 2000, la BBC prenant en charge une partie des frais de production de la mini-série Band of Brothers (2001), avant de renouveler l’expérience quatre ans plus tard avec Rome (2005-2007), série historique tournée dans les mythiques studios italiens de Cinecittà.

Pour Canal+, collaborer avec des partenaires européens est un geste d’autant plus naturel que le groupe s’est solidement implanté dans le paysage audiovisuel continental en plus de deux décennies, au point de barrer l’expansion de HBO en Europe de l’Ouest au début des années 1990 [1]. La chaîne possède ses propres déclinaisons en Belgique, en Espagne, en Italie, en Pologne, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves et même en Afrique, ce qui a contraint HBO, en 1991, à rediriger son plan d’expansion vers l’Europe de l’Est, choisissant, comme première destination, la Hongrie, avant de se tourner vers une douzaine d’autre pays dans les années qui ont suivi.

Choc des cultures

L’union fait la force : dans la période de crispation et de repli sur soi que traverse actuellement l’Europe, cet adage semble plus que jamais d’actualité, comme le souligne le discours que tient une représentante de l’Union Européenne dans l’épisode final de la première (et, a priori, unique) saison de Panthers : « La zone euro ne cesse d’être remise en cause par ses détracteurs. Il est donc temps de repenser son rôle et de renforcer son unité en tissant de nouveaux liens. […] Aujourd’hui, il ne s’agit pas de commerce, mais d’espoir. Il s’agit de revenir aux principes fondateurs de l’Europe : ensemble, nous sommes plus forts que séparés. Aujourd’hui, nous oublions les crises de la zone euro et les divisions, et nous décidons de faire un pas de géant vers une véritable Europe où l’Est et l’Ouest n’ont plus d’importance, où tous les peuples vivent ensemble en tant que citoyens unis d’une nouvelle Europe. »

Tahar Rahim (Panthers)

Tahar Rahim (Panthers)

Bien entendu, ce discours idéaliste ne manque pas d’ironie sous la plume de Jack Thorne, le showrunner anglais de Panthers dont on avait déjà pu apprécier le talent à l’écriture de Skins et des déclinaisons successives de This Is England. Faut-il le rappeler, l’Angleterre ne fait pas partie de la zone euro ; et l’Europe dépeinte par la série est largement gangrenée par des affaires de corruption et de malversations. Mais il est encore permis de croire aux vertus du travail collaboratif et du transfert de compétences, pour peu que celui-ci fonctionne à double sens. Comment, en effet, ne pas apprendre les ficelles du métier auprès de professionnels aussi aguerris que Jack Thorne, les réalisateurs Johan Renck (Breaking Bad, Vikings, Panthers) et Hettie Macdonald (Hit & Miss, Tunnel), les acteurs Stephen Dillane (Game of Thrones, Tunnel), John Hurt et Samantha Morton (Panthers) ? Sans compter les centaines de techniciens anonymes rompus à des méthodes de travail ayant déjà largement fait leurs preuves au Royaume-Uni…

Le choc des cultures est d’autant plus savoureux quand il nourrit le récit lui-même. Ainsi, Tunnel porte malicieusement le concept de la série dont elle est adaptée sur le terrain de la rivalité historique franco-britannique en brocardant dès sa scène d’ouverture les « rosbifs » qui ne savent pas parler français et les « frenchies » aimables comme des portes de prison. En quelques échanges bien sentis (Karl Roebuck : « Du calme, Jeanne d’Arc, je ne cherche pas la guerre » ; Elise Wassermann : « Je ne m’appelle pas Jeanne »), l’adaptation se rit de son propre contexte de production tout en renversant les barrières culturelles qui séparent les deux populations… par l’acte même de les réaffirmer. D’entrée de jeu mis sur la touche, Karl commente d’un ton ironique : « Nous observerons à distance. Peut-être que nous apprendrons quelque chose, qui sait ? » En l’occurrence, nul doute que ce sont les équipes techniques françaises qui auront le plus appris de leurs homologues britanniques, d’autant que la série a été renouvelée pour une deuxième saison dont la diffusion est prévue pour le premier semestre 2016.

Pratique des langues

Mais au-delà de cet échange de bons procédés, se pose la question centrale de la langue. Laquelle pratiquer dans une série qui, par définition, vise le marché européen tout en gardant à l’œil le continent américain, d’ordinaire si difficile d’accès pour les séries franco-françaises ? Tunnel et Panthers, fictions dont la double nationalité s’inscrit jusque dans la diégèse (la seconde s’étend même à l’est, sur le modèle de la trilogie finlandaiseUnderworld), optent pour le multilinguisme et, par voie de conséquence, le sous-titrage lorsque la langue pratiquée n’est pas celle du téléspectateur – mieux vaut dans ce cas éviter la version doublée qui risque d’embrouiller votre esprit inutilement. Spotless choisit le tout-anglais, mais tente de le justifier en situant son action à Londres (ce qui donne lieu à des situations ubuesques au cours desquelles Jean et Martin Bastière, deux frères vendéens se retrouvant outre-Manche, parlent entre eux en anglais, de même qu’un duo de malfrats français lancés à leurs trousses depuis leur région d’origine) [2]. Quant à Versailles, la plus franco-centrée de toutes les séries évoquées jusqu’ici, elle ne cache pas ses velléités d’exportation sur le marché américain en imposant l’anglais au Roi-Soleil et à l’ensemble de sa cour.

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Clémence Poésy et Stephen Dillane (Tunnel)

Dès lors, faut-il s’étonner que le niveau artistique de ces productions s’indexe sur celui de leur pratique des langues ? Tunnel et Panthers (auxquelles on peut ajouter Le Bureau des légendes et The Missing, même s’il ne s’agit pas de coproductions franco-britanniques) sont de brillantes démonstrations de la richesse apportée par le partage des origines et le mariage des talents, au-delà des montages financiers entrant dans le cadre d’europuddings sans saveur. Ce n’est pas seulement qu’on y mêle les langues ; on y mêle aussi les cultures, au point d’émettre des points de vue qui échappent malheureusement à bon nombre de séries françaises et réinvestissent l’expression « Nul n’est prophète en son pays ».

Que Khalil Rachedi, Franco-Algérien (comme son interprète, Tahar Rahim, et l’actrice qui joue sa sœur, Camélia Jordana) parle à ses proches en français, mais prononce le prénom de son frère, Mokhtar, avec l’accent arabe, dit beaucoup du carrefour identitaire auquel il se situe dans le récit. De même, loin de toute caricature, l’acteur Saïd Taghmaoui porte en lui ses origines marocaines dans la fascinante série de BBC One, The Missing, dont l’action se partage entre la France et l’Angleterre – les deux terres d’adoption des Tamouls de Dheepan, film au dénouement autrement plus caricatural ayant pourtant permis à Jacques Audiard de remporter sa première Palme d’or en 2015…

La loi du plus fort

En optant pour l’anglais à tous les étages, Spotless perd pour sa part ce multiculturalisme qui lui aurait sans doute permis de dépasser le stade de la comédie sympatoche, malgré une esthétique léchée et une interprétation solide (à commencer par celle de Denis Ménochet, acteur-révélation aussi à l’aise avec l’anglais qu’avec ses poings). L’illustration la plus saisissante du danger artistique que représente l’internationalisation – comprenez, le tournage en anglais – d’une coproduction franco-britannique est toutefois à aller chercher du côté de… Versailles. Interrogés (forcément) sur l’incongruité de ce traitement appliqué à une série mettant en scène le règne de Louis XIV, Simon Mirren et David Wolstencroft, les deux créateurs britanniques de la série (qui ont remplacé au pied levé Andre et Maria Jacquemetton, le couple de producteurs américains de Mad Men initialement attachés au projet), nous livrent sur un ton impérialiste les clés du problème :

Simon Mirren : « Vos scénaristes n’ont pas une voix assez forte. Ils ne sont pas respectés comme nous le sommes aux États-Unis. C’est un autre système. […] Nous sommes à une période charnière, notamment avec l’évolution des nouveaux médias. La France doit se faire sa place. Pour y arriver, il vous faut sans doute serrer les dents et accepter que cette série soit en anglais. Ce sera peut-être un moyen de faire connaître le talent des équipes françaises : les costumiers, les décorateurs, etc. »

David Wolstencroft : « Si l’on pouvait aider les scénaristes français à devenir des auteurs-producteurs, à mieux développer leurs histoires, à avoir plus de pouvoir, ce serait formidable ! J’ajouterais ceci : si Louis XIV était encore en vie et occupait la fonction de producteur exécutif de la série, suite à une étrange manipulation génétique, il voudrait la faire en anglais parce qu’il connaissait le pouvoir de la communication. Si la langue dominante sur Terre était le mandarin, il la ferait en mandarin. »

Marc-André Grondin (Spotless)

Se plier à la loi du plus fort, voilà le conseil de nos deux amis scénaristes-qui-ont-tout-compris-au-système. Se fondre dans la masse, serrer les dents et attendre que ça passe. À la limite, si le jeu en valait la chandelle, pourquoi pas ; mais quand on assiste, affligé, au spectacle désolant des dix épisodes de Versailles, réalisés pour la modique somme de 27 millions d’euros, on se dit que les ficelles sont un peu grosses. Oh bien sûr, ces épisodes se sont vendus comme des petits pains à travers toute l’Europe (et même jusqu’en Nouvelle-Zélande) : ils contiennent tout ce qu’il faut de complots machiavéliques, de décors authentiques et de damoiselles au corps sculptural s’offrant à notre regard gourmand (que l’on ne vienne plus me rebattre les oreilles avec les scènes de sexe « gratuites » de Game of Thrones, après cela…). Mais qu’ont donc à apprendre les équipes de tournage françaises de telles collaborations ? Que communiquer revient à pratiquer la langue la plus répandue, en faisant fi de ses origines et de son bagage culturel ?

D’autres projets de Canal+, évoqués précédemment, ont démontré l’aptitude de la chaîne à affirmer l’identité de ses séries sans leur imposer un déni du monde qui les entoure : Tunnel, Le Bureau des légendes, Panthers, en attendant Jour polaire (en partenariat avec le groupe suédois SVT) et The Young Pope (porté conjointement par Canal+, HBO et Sky, opérateur de télévision par satellite qui s’affirme de plus en plus comme un pourvoyeur de séries d’excellence). C’est justement parce qu’elles brassent de multiples cultures et influences, sans se plier à un conformisme mondialisant lissant toute aspérité, que ces créations-là peuvent réellement être qualifiées d’originales. Pourvu qu’elles aient de beaux jours devant elles.

Photos Canal+


[1] MESCE JR. Bill, Inside the Rise of HBO. A Personal History of the Company That Transformed Television, McFarland & Company, 2015, p. 182.

[2] Notons qu’a contrario, les flashbacks nous montrant Jean et Martin enfants sont dialogués en français, ce qui atteste que la solution du sous-titrage n’était pas totalement inenvisageable.

En Ouganda, «on espère qu’on sera moins déçus à la prochaine élection»

Le changement en Ouganda attendra. Sans surprise, Yoweri Museveni a été réélu pour un cinquième mandat à la tête du pays qu’il dirige depuis trente ans, avec 60,75% des voix, selon la Commission électorale ougandaise, après l’unique tour de l’élection présidentielle du 18 février. Kizza Besigye, principale figure d’opposition (35,37%), a quant à lui été placé sous surveillance après sa troisième arrestation en une semaine.

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D’après la police, le leader du Forum pour le changement démocratique (FDC), très populaire dans l’Ouest, dans le Nord et dans certains quartiers de la capitale, se préparait à annoncer des résultats parallèles, estimant que l’élection n’avait pas été équitable. Les mêmes critiques sont venues des observateurs de l’Union européenne, qui ont remis en cause l’indépendance de la Commission électorale tout en jugeant ne pas pouvoir remettre en cause le scrutin. Le président du groupe d’observateurs du Commonwealth, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, a quant à lui insisté sur le poids de «l’argent politique» ainsi que sur la fusion entre l’Etat ougandais et le parti au pouvoir. Au même moment, Yoweri Museveni recevait les félicitations de Pierre Nkurunziza, dont la réélection a plongé le Burundi dans un début de guerre civile.

 «Qu’est-ce que la paix quand tu n’as pas à manger ?»

A sept heures de route à l’ouest de Kampala, Kasese a retenu son souffle après une manifestation d’opposants réprimée au gaz lacrymogène. Mais à l’heure de l’annonce des résultats, c’est la joie qui prime dans cette ville au pied des montagnes, où contrairement à certains quartiers de Kampala les urnes sont arrivées à temps. «Même si les conditions de vote sont bonnes, beaucoup de gens ont été intimidés et des militants menacés jusqu’à l’élection», témoignait un observateur local au moment du dépouillement. Ici, Kizza Besigye a battu Yoweri Museveni avec 56,41% des voix et cinq des six membres du Parlement élus pour représenter le district, dont une femme, sont membres du FDC. «A Kasese, on n’a pas vu les résultats de l’action du gouvernement depuis trente ans, explique un entrepreneur. Museveni a fait la paix dans le pays, mais qu’est-ce que la paix quand tu n’as pas à manger ?»«Nous ne sommes pas contre Museveni, nuance un jeune homme, mais il faut changer. Il doit aller à la retraite. Et à vrai dire, il y a peu de différences entre lui et Besigye.»

Il est vrai que le programme de Kizza Besigye, ancien médecin personnel de Yoweri Museveni, présente peu de différences avec celui du président. Mais vu de Kasese, c’est la corruption du régime qui a été le facteur de cette victoire. «L’Ouganda a besoin d’être unifié, alors que les ministres le divisent en favorisant leurs proches», résume un mécanicien qui assiste au défilé des vainqueurs dans la ville. Dans cette région éloignée de Kampala, dont le roi coutumier s’est déclaré opposé à un nouveau mandat de Yoweri Museveni, c’est Crispus Kiyonga, le ministre de la Défense originaire de la région, qui concentre toutes les critiques. «Besigye parle aux gens ordinaires. Les gens autour de Museveni s’enrichissent et ont un train de vie extravagant, tandis qu’il n’y a pas assez d’écoles et pas assez d’hôpitaux ici, poursuit un jeune homme sans emploi. On espère qu’à la prochaine élection, nous serons moins déçus.» 



Pierre Benetti à Kasese, Ouganda

Berlinale: «Fuocoammare», documentaire sur les réfugiés, décroche l’Ours d’or

L’Ours d’or du meilleur film du festival de cinéma de Berlin a été attribué samedi au documentaire italien Fuocoammare de Gianfranco Rosi, sur le drame des migrants à Lampedusa.

Sans voix off ni commentaire, Fuocoammare raconte en parallèle le quotidien d’habitants de l’île italienne et celle de ces milliers de migrants qui y arrivent en bateau dans des conditions catastrophiques, dont beaucoup perdent la vie.

«Il n’est pas normal que des gens meurent en traversant la mer pour échapper à des tragédies», a déclaré Gianfranco Rosi après avoir reçu son prix, qu’il a dédié aux «gens de Lampedusa».

«En ce moment, toutes mes pensées vont à tous les gens qui ne sont jamais arrivés à Lampedusa», a ajouté le cinéaste, qui avait reçu le Lion d’or à Venise en 2013 pour un autre documentaire, «Sacro GRA», consacré aux personnes vivant près du périphérique romain.

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L’Ours d’argent du meilleur réalisateur a été décerné à la Française Mia Hansen-Love, 35 ans, pour L’Avenir, son cinquième long métrage. Le film raconte l’histoire d’une professeur de philosophie, interprétée par la Française Isabelle Huppert, confrontée à une liberté nouvelle lorsque son mari la quitte.

L’Ours d’argent saluant le meilleur interprète masculin est allé au Tunisien Majd Mastoura pour son rôle dans Hédi, première production arabe en compétition à la Berlinale depuis 20 ans.

Majd Mastoura a rendu hommage «au peuple tunisien» et «aux martyrs de la révolution» de 2010-11 en Tunisie en recevant son prix.

L’Ours d’argent récompensant la meilleure actrice est allé à la Danoise Trine Dyrholm pour son rôle dans Kollektivet («The Commune», «La communauté») de Thomas Vinterberg, sur l’histoire d’une communauté dans les années 70 (on en parlait ici). L’actrice de Festen ou Royal Affair, 43 ans, y interprète une femme trompée au bord du gouffre.

AFP

Nos animaux ont du talent

Cette rubrique est en vacances depuis si longtemps maintenant (le dernier épisode était un hommage à Bowie, c’est dire) que vous vous êtes probablement endormis devant votre écran…

Toutes nos excuses. On va se rattraper en organisant un énorme défilé de poilus, qui ont patiemment fait la queue sur les interwebs en attendant de monter sur la scène de Vendredi à poils pour exposer leurs talents. Ouvrons grand nos mirettes : il y a du niveau.

C’est du propre

Tout d’abord, Rosie tient à nous montrer comme elle est sage quand elle prend son bain dans le lavabo. Bravo, Rosie ! Quiconque a déjà essayé de shampouiner son chat saura apprécier cette patience à sa juste valeur.

Mamie gâteau

Quant à Chori la panda rousse, qui habite le parc Symbio Wildlife en Australie, elle a célébré le mois dernier son 16e anniversaire… Un âge très vénérable, puisque l’espérance de vie de son espèce tourne normalement autour de dix ans ! Chori est une star du parc et enchante les visiteurs grâce à «son air perpétuellement joyeux». Elle a eu droit à un magnifique gâteau d’anniversaire composé de ses fruits préférés et de feuilles de bambou.

Jeux olympiques

Sportifs, les hamsters. Dumptruck et Porkchop s’affrontent dans une course d’obstacles pas piquée des hannetons avec une passerelle à bascule, des cerceaux, des haies et un slalom. Il y a même une remise de médailles à la fin… 

«Shadow of the Colossus»

Après l’agility, place à l’épreuve d’escalade. Le premier qui arrive à la tête a gagné !

Shadow of the Colossus is such a good game. pic.twitter.com/g2Xr9Xckli

— Chris Person (@Papapishu) 31 Janvier 2016

Vertiges virtuels

A quoi servent les muscles quand on a la technologie ? Grâce au talent de scénariste-doubleur de Parole de chat, ce stupide sac en papier devient un casque de réalité virtuelle pour chat. Renversant.

Trois… deux… un…

A quoi servent les muscles quand on a la technologie ? (bis) Décollage.

Wednesday, we have lift off. pic.twitter.com/vHiaHECeF8

— Present & Correct (@presentcorrect) 17 Février 2016

Bon week-end

On doit ce clip de Run The Jewels à l’inénarrable animateur anglais Cyriak, expert en mutations animalières.

Camille Gévaudan

Vhils, les murs du sens

«J’ai toujours été timide avec les langues », dit Alexandre Farto aka Vhils, 28 ans, après plus de cinq heures passées à parler en anglais de son travail, de politique, d’éducation artistique, de la ville, et de sa prochaine exposition, ici à Hongkong. Lui qui vit et travaille avec une Française comprend notre langue mais n’ose la parler qu’avec ses beaux-parents.

Alexandre Farto a trouvé son propre langage : l’art urbain, l’art contextuel, le street art. Les aficionados savent que Vhils est l’une des étoiles montantes du moment. L’un de ceux qui renouvellent le genre tout en s’intégrant à l’histoire d’un art né à Philadelphie et New York dans les années 60. Son langage est protéiforme.

Vhils dans son atelier, janvier 2016.

Vhils dans son atelier hongkongais, janvier 2016. Photo Leo Kwok.

Vhils est un expérimentateur, un galeriste, un graffeur, un messager, un sculpteur. Avec cette constante : tout ce qu’il crée est politique. Au sens premier du terme : en lien avec la vie de la cité, de la ville. Pour comprendre pourquoi il sculpte les murs, pourquoi il les fait exploser, pourquoi ses visages nous regardent aux quatre coins du monde, il faut se glisser dans sa peau. Celui d’un jeune homme touchant et modeste, voix posée et chaleureuse, look casual et sans fioritures.

Magda Danysz, sa galeriste et grande spécialiste du street art résume bien l’homme et son travail : «Chez Vhils tout fait sens. Alors qu’il réalise quelque chose de séculaire, graver, gratter les murs, il réussit avec poésie à faire du nouveau sans que jamais l’effet ne prédomine sur le sens et l’émotion», que l’on peut parfois reprocher à certains artistes contemporains. «Du plus loin que je me souvienne, je voulais faire quelque chose en lien avec l’art et l’expérimentation. J’étais un élève moyen, je n’étais pas bon en sport, alors je dessinais.»

Ce sont les murs de sa ville qui vont lui servir de medium dès l’âge de 10 ans. Le futur Vhils (il adopte ce tag, cette signature, à 13 ans, parce qu’il en aime les lettres et qu’il peut les dessiner très vite), grandit à Seixal, dans la banlieue ouvrière de Lisbonne. Ses parents originaires de la campagne s’y sont installés quand ils sont devenus étudiants. Seixal est située de l’autre côté du pont du 25-avril qui la relie à Lisbonne. Le détail pourrait paraître anodin. Mais le mot «bridge» (pont) jalonne notre conversation. Car Vhils veut construire des ponts, au sens figuré. Des ponts entre les jeunes artistes et les institutions, entre les citoyens et leurs villes, entre le street art et l’art contemporain.

«Au milieu des années 90, certains murs de ma banlieue laissés à l’abandon ont commencé à être recouverts de graffitis. Ils faisaient face à d’autres recouverts de publicités. La mairie luttait contre ces tags, moins contre la publicité, et les couches s’accumulaient. Le changement du pays suite à la révolution de 1974 qui a mis fin à la dictature était visible sur ces murs. Les murs absorbent toujours l’histoire de la ville.» Alexandre Farto a regardé ces couches successives comme un archéologue étudie les sédiments dans le sol.

Le travail de Vhils pour l’exposition Dissection organisée à Lisbonne en 2014 :

Réhumaniser

Sa première impulsion a été d’apporter sa propre couche, en réaction à l’urbanisation qui était en marche «comme une bombe nucléaire», avec ses cercles concentriques qui n’épargnent rien. «Je faisais partie du phénomène de sédimentation.» Il commence par suivre le parcours habituel du graffeur. Passe des murs aux trains pour gagner le respect de ses camarades et des autres bandes – «crews» dans le milieu du tag.

A 14 ans, il s’attaque à celui de la première compagnie portugaise privée, réputée ultrasécurisée, Fertagus, qui relie les deux rives via le fameux pont. En une nuit, seul, il recouvre le train. Cela lui vaut illico le respect des autres crews de Lisbonne. Mais assez vite, le graff ne suffit pas. Et les murs de plus en plus épais l’obsèdent. Il sait, par son père militant communiste pendant la dictature, qu’ils ont aussi été des supports de propagande. Il va alors commencer à recouvrir des affiches de peinture blanche et ôter, en déchirant, en sculptant, les strates successives pour faire apparaître des visages, des yeux.

«Au début, ce n’était pas illégal puisque les publicités l’étaient déjà, donc je pouvais faire ça quand je voulais sans me cacher ni être arrêté.» Pourquoi des visages ? «Je voulais refléter l’impact des changements dans la ville. Comment cela touche chaque citoyen, chaque individu. Comment l’identité est affectée par chaque couche collée chaque jour sur ces murs. Comment la publicité joue sur nos vies, sur nos attentes, nos besoins. Comment notre environnement et les images qui nous entourent affectent ce que nous sommes. Finalement, est-ce que nos rêves sont encore bien les nôtres, influencés, manipulés par ces images commerciales que nous voyons au quotidien ? J’ai voulu remettre des visages dans cet univers urbain. Ceux des gens qui y vivent.»

Vhils va continuer d’explorer ces murs jusqu’à les sculpter, au marteau-piqueur et au burin. Il ne s’agit plus seulement de dénoncer la publicité colonisatrice de l’imaginaire mais de redonner du sens, de souligner le contexte et d’attirer les regards sur un endroit du monde, sur sa population. «Pour la favela de Rio Morro da Providencia, j’ai rencontré les populations qui se faisaient payer pour quitter la ville. Leurs maisons étaient détruites pour donner une bonne image lors de la Coupe du monde de football. J’ai sculpté les visages de la communauté sur les murs en ruine. Cela a attiré les médias et mis en lumière l’absence de communication, de concertation entre la mairie et les populations qui étaient chassées vers des banlieues. Je ne dis pas que les conditions de vie dans les favelas étaient bonnes mais le dialogue a pu se renouer. Pour certains, il était déjà trop tard. Pour d’autres, cela a permis d’arrêter le processus. Je ne dis pas que tout est arrivé grâce à moi, Il y avait des associations derrière.»

A l’instar d’un JR, Vhils veut réhumaniser la ville, la vie, aux quatre coins du monde. Alexandre Farto est un citoyen ouvertement engagé, le cœur à gauche, pro-européen mais qui déplore l’absence de politiques publiques tournées vers l’art et l’éducation artistique. Il s’inquiète de la montée des nationalismes et populismes, dit qu’«il suffit parfois d’une étincelle pour faire réapparaître le passé».

Vhils à la favela de Providência :

Créer du lien

Croiser le regard de l’un des portraits sculptés par Vhils est une expérience chaque fois différente. Les visages créés sont mouvants, changent selon la lumière, selon l’angle depuis lequel on les regarde. Les Parisiens peuvent faire le test avec ceux sculptés au sein de l’hôpital Necker dans le XVe arrondissement : selon le trottoir sur lequel on se trouve, des ombres se forment, la météo influe aussi sur l’humeur du visage. «Chaque mur est différent, on ne sait jamais sur quoi on va tomber quand on commence à sculpter. Certaines matières sont poreuses et laissent l’humidité s’infiltrer.»

Ce qui frappe est la fragilité. Le pochoir inversé semble tellement précaire, éphémère comme la plupart des murs sur lesquels il intervient. Ce sont ces liens, ces ponts que Vhils entend consolider. Échos de celui de son enfance qui le séparait des autres graffeurs, des réhabilitations de Lisbonne dopées par les crédits européens qui se déversaient alors sur le pays.

Vhils fait partie de la première génération d’artistes qui a grandi avec Internet. Il se souvient du tchat mIRC, l’un des premiers, créé en 1995. Ce tchat disposait de chaînes thématiques. Alexandre Farto a squatté celle consacrée au graffiti. «C’était mon Erasmus à moi. Je pouvais dialoguer avec les graffeurs de Lisbonne et du monde entier dans mon très mauvais anglais. Nous échangions des liens vers les images de nos performances. Je me souviens comme elles se chargeaient lentement. Mais je pouvais communiquer et partager. C’était aussi le moyen de se donner rendez-vous pour peindre ensemble.»

L’éphémère du street art oblige les artistes à immortaliser leurs œuvres. De ses premiers graffitis à ses façades immenses, Vhils garde tout. Il est le documentariste de son œuvre. Et désormais, grâce aux réseaux sociaux, il peut partager son travail ad libitum. Sa galeriste Magda Danysz: «Cela renforce l’idée que le street art est pour tout le monde, et donne la possibilité d’observer le “work in progress” très important dans l’œuvre de Vhils et que le public adore.»

Vhils dans le quartier Central, à Hongkong. Photo Leo Kwok.

Les vidéos de ses premières explosions par exemple, sont des œuvres d’art à part entière. Le processus filmé au ralenti permet de voir l’invisible à l’œil nu: les éclats du mur se détacher, les premiers détails du visage apparaître. «J’ai commencé à travailler avec les explosifs après la crise de 2008. J’ai pensé que du chaos naissait le sens. Il m’a fallu beaucoup d’essais pour maîtriser la technique. Je commence par recouvrir le mur d’un enduit très résistant, je dessine ou projette ensuite le visage sur le mur. Enfin, je mine avec des explosifs comme des feux d’artifice les différentes parties du mur. Le visage apparaît ensuite d’un seul coup.»

Ces explosions vont continuer d’asseoir une notoriété acquise quelques années plus tôt lors du fameux Cans festival organisé par le Britannique Banksy en 2008, à Londres. A l’invitation de la légende invisible du street art, Vhils a œuvré dans un tunnel condamné mis à disposition par Eurostar. Ses œuvres et vidéos sont vues des milliers de fois sur YouTube, son aura décolle. Il peut désormais «rendre ce qu’il a reçu de la communauté».

En 2009, il crée le festival Crono à Lisbonne avec un curateur italien génial, Angelo Milano (1). L’événement, soutenu par le maire de l’époque qui a compris que l’art et le street art «n’est pas le problème mais une partie de la solution», offre à trois artistes, trois façades oubliées, pendant trois mois. Vhils organise la rencontre entre des artistes confirmés, tels que Os Gêmeos ou Blu, locaux ou peu connus. C’est un succès. La presse du monde entier braque ses projecteurs sur Lisbonne. «Une ville a tout à gagner à favoriser l’art. Cela permet d’intégrer les artistes tout en enrichissant son offre culturelle et, si les médias en parlent, d’avoir un retour sur investissement en termes de communication. C’est donc bon socialement et économiquement.»

L’année d’après, en 2010, à 23 ans, Vhils crée une galerie à Lisbonne : Underdogs (en anglais, un joueur certain de perdre). Aux artistes, Alexandre veut donner une chance de gagner ou en tout cas de s’exprimer sans «avoir à travailler au Starbucks pour survivre». Il finance les projets à travers la vente de sérigraphies, de livres, et sur ses fonds propres. «Je me suis toujours demandé pourquoi l’art n’était pas davantage mis en avant dans l’éducation nationale ou au sein des villes. Pas pour que tous les enfants deviennent des artistes mais pour en sauver quelques-uns qui se noient dans le système. Et les villes ont tout à y gagner. Cela permet comme nous le faisons avec Underdogs de changer le panorama des villes et de replacer l’art au cœur de l’espace public.»

Hongkong pour épicentre

L’interview avait pour cadre Central – le quartier d’affaires et de luxe –, au cœur de l’île principale de Hongkong. Puis direction le studio d’Alexandre, au sud de l’île. En chemin, on note l’urbanisation saisissante, les tours modernes qui s’enchevêtrent avec de plus anciennes parfois décrépies, des instants de verdure, le trafic dense et pollué. Vhils: «Cette ville rassemble tout ce que j’aime et déteste à la fois. Hongkong est le symbole de la ville et dans le même temps, on peut se retrouver en pleine nature en quelques minutes. Elle m’inspire. J’aime par exemple rester à Causeway Bay (2), immobile, capturant le mouvement. Être immobile parmi le flot. Je travaille actuellement sur des installations spécifiques pour cette ville. Je ne peux pas en dire plus mais c’est en lien avec les premières images que je garde en tête quand je pense à Hongkong, les films de Wong Kar-wai. Cet univers, qui était si loin de moi quand j’étais petit, m’a toujours attiré.»

L’un des murs de l’hôpital Necker, à Paris XVe. Photo Stephane Bisseuil.

Son studio est situé au cœur d’un quartier en pleine réhabilitation où des immeubles de bureaux flambant neufs remplacent les usines. En entrant, on est surpris de ne pas voir une demi-douzaine de collaborateurs travailler sur l’exposition à venir. Seul son «studio manager», Tiago Silva, qui l’a rejoint dernièrement, est concentré derrière son écran. Le reste est un espace blanc quasi vide. À l’arrière, une seconde pièce ressemble d’avantage à un atelier d’artiste. De vieilles affiches déchirées sur le sol, des œuvres sérigraphiées «travaillées à l’acide pour en retirer la peinture et révéler les visages» sur une table, une porte sculptée. Cette exposition en collaboration avec la fondation privée à but non lucratif HOCA (3) qui se donne pour mission d’ouvrir les esprits à l’art contemporain à Hongkong, est pensée pour être itinérante, voyager et s’enrichir à chaque étape.

Vhils insistera sur le lien entre l’intérieur et l’extérieur, la ville, les murs, les visages, fera des interventions dans chaque ville où l’exposition fera halte. Lui semble vouloir s’établir ici, sur cette île à mi-chemin entre Asie et Occident, dans le sillage de sa compagne. Et continuer à parcourir le monde pour y laisser sa marque, (re)faire les murs. Changer la façade du monde, in fine.

(1) Créateur en 2008 du Fame Festival qui va transformer sa petite ville, Grottaglie dans les Pouilles, en haut lieu du street art. Vhils a participé à la deuxième édition.

(2) Quartier de shopping connu pour son passage piéton où se croisent des milliers de gens.

(3) Hongkong Contemporary Art.

Pour en voir plus : • alexandrefarto.com • under-dogs.net • magda-gallery.com/fr • hoca.org

Jérôme Badie

Le périlleux exercice d’équilibriste des soutiens de Nicolas Sarkozy

Au lendemain de la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour «financement illégal de la campagne», les réactions ont été unanimes à droite : il s’agit d’une «forme d’acharnement» à l’encontre de l’ancien chef de l’Etat.

A l’exception de Gérard Larcher, toutefois précédé par l’avocat de Nicolas Sarkozy au micro d’Europe 1, c’est la garde rapprochée du chef de file du parti Les républicains qui a été envoyée ce mercredi matin au-devant des médias. Eric Ciotti, Brice Hortefeux et Henri Guaino ont – à raison – appelé à la prudence et au respect de la présomption d’innocence de l’ex-président de la République tout en tentant – plus ou moins habilement – de minimiser la portée de ses affaires judiciaires.

Suite logique

Pour Brice Hortefeux, invité de Guillaume Durand sur Radio Classique, l’audition de Nicolas Sarkozy n’est ainsi pas une surprise. A en croire l’actuel député européen, celle-ci «s’inscrivait dans une suite logique, prévisible, sur une affaire qu’on a appelée à juste titre l’affaire Bygmalion».

Occultant la mise en examen pour financement illégal de la campagne présidentielle de 2012, il prend la défense de Nicolas Sarkozy sur le cas Bygmalion : «Il l’a dit, il l’a écrit, il a répété qu’il n’avait aucun lien avec [la société Bygmalion]. Et finalement, aujourd’hui, l’élément important, c’est que c’est précisément ce que le magistrat a reconnu clairement. […] Cette décision est, bien sûr, très forte, puisqu’elle confirme la véracité de ce qu’a toujours dit Nicolas Sarkozy.»

Relancé par son intervieweur sur les déclarations de Jérôme Lavrilleux (directeur adjoint de la campagne de 2012), l’ancien ministre de l’Intérieur parle d’«extrapolation» et ajoute que Nicolas Sarkozy, en sa qualité de candidat à la présidentielle, ne pouvait avoir conscience de ces dépassements budgétaires, arguant que «les comptabilités désormais, dans notre pays, sont d’une complexité…»

(A partir de 0’40 » sur la vidéo)


Dénonçant un acharnement, Brice Hortefeux poursuit en affirmant que «ce qui est sûr, c’est que jamais – à ma connaissance – la situation d’un homme public n’a été autant disséquée, décortiquée, passée au microscope».

Une ligne de défense reprise par Eric Citotti, qui note «une forme d’acharnement sur Nicolas Sarkozy. Qui, sous la Ve République, a été autant suivi, ausculté ? Rien n’aura été épargné à Nicolas Sarkozy. Jusqu’à maintenant, chaque fois qu’il y a eu des accusations – Bettencourt, amendes de l’UMP –, chaque fois ça a débouché sur un non-lieu.» Fervent partisan du prédécesseur de François Hollande, le député LR des Alpes-Maritimes avance même l’hypothèse d’une «forme de compétition pour qui ferait tomber Nicolas Sarkozy, y compris dans la justice» ; postulat auquel il répond immédiatement en affirmant que l’on peut avoir «peut-être un peu ce sentiment qu’il y a une conjugaison de tous ceux qui voient en Nicolas Sarkozy un obstacle». Et d’ajouter : «Pour Nicolas Sarkozy, il n’y a pas eu les pudeurs ou les réserves qu’il y a eu pour d’autres.»

(A partir de 1’12 » sur la vidéo)


Sur le plateau de BFMTV, l’ancien conseiller spécial Henri Guaino a, lui aussi, émis des doutes à propos du système judiciaire : «Dans cette affaire, je voudrais juste être sûr qu’il s’agit bien de justice, et pas de politique, d’acharnement ou de lynchage.»

Montants mirobolants

S’il ajoute que «pour le reste, l’enquête le dira», Henri Guaino se pose néanmoins la question des montants mirobolants de dépassement de budget évoqués pour la campagne. Tout en veillant soigneusement à épargner Nicolas Sarkozy. «Honnêtement, j’aimerais savoir où est passé l’argent. Quand même une campagne de 40 ou 50 millions… Ça me paraît énorme pour penser que ça n’est allé dans la poche de personne mais, voilà, je n’en sais pas plus.»


Plus modéré, le président du Sénat, Gérard Larcher, a également «eu le sentiment qu’on condamnait» Nicolas Sarkozy. Celui qui sera également arbitre de la primaire au sein du parti Les Républicains a confirmé sur Europe 1 que, si l’ancien chef de l’Etat envisageait de se présenter à ce scrutin interne, il restait «qualifié, comme d’autres, pour s’y présenter».

Un souhait partagé par Eric Ciotti et Brice Hortefeux, qui «pense qu’il devrait être candidat. […] Nous avons besoin d’hommes qui aient à la fois la légitimité de Nicolas Sarkozy – puisqu’il a été élu chef de l’opposition -, la crédibilité et l’autorité.»

Sylvain Moreau

Mélenchon : «Une occasion se présente, il ne faut pas la laisser passer»

Jean-Luc Mélenchon, première. Lundi soir, à l’occasion de la nouvelle édition de son livre, l’Ere du peuple, le candidat à la présidentielle a organisé une petite soirée au théâtre Déjazet, à Paris. Dans la salle, près de 500 sympathisants. L’occasion de régler les contentieux à voix haute. Depuis l’annonce de sa «proposition» de candidature pour 2017 et son refus de participer à quelque primaire que ce soit, les critiques pleuvent. «Le peuple de gauche n’avait pas besoin d’une candidature en solo», a enragé le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles. La candidature de Jean-Luc Mélenchon écrase l’espérance de vie du Front de gauche. Lors de la présidentielle de 2012, la petite bande avait réalisé le joli score de 11,11%. Une autre époque. Selon Jean-Luc Mélenchon, le Front de gauche s’est «perdu dans le margouillis de ses alliances à géométrie variable, illisibles et incompréhensibles».

Aujourd’hui, le fondateur du Parti de gauche postule à l’Elysée sans parti, se posant en «déclencheur» d’un mouvement : «Une occasion se présente, il ne faut pas la laisser passer. Ne laissez pas l’élection de la sixième puissance économique du monde être confisquée par une bande de mariols qui ont décidé de transformer ça en un jeu de petits chevaux.» Puis : «Quelqu’un a dit : on n’a jamais vu une démarche aussi césarienne de la part de quelqu’un qui condamne la Ve République. Mais alors condamner la pollution de l’air nous obligerait à ne pas respirer ? Je suis un démocrate, républicain, j’évolue dans les institutions dont le pays est doté et je tâche d’en tirer le mieux, y compris dans ce que je condamne le plus fermement de leur fonctionnement.»

L’inquiétude est ailleurs 

A l’image de son nouveau modèle, le candidat à la primaire démocrate Bernie Sanders, Mélenchon place les citoyens au cœur de sa campagne. Ils sont invités à écrire le «projet» présidentiel autour de thèmes définis, comme la VIe République, la sortie des traités européens ou l’écologie. Mais une campagne ça coûte cher : les meetings, les affiches, les déplacements. Le candidat ne montre pas de signe d’inquiétude. «L’argent, on va le trouver, tout le monde va mettre la main à la poche, trois euros par-ci, trois euros par-là.» Le tout, sur la nouvelle plateforme, jlm2017.fr. En fait, l’inquiétude est ailleurs. Les prochains mois, Jean-Luc Mélenchon se lancera à la chasse des 500 signatures, sésame pour une candidature au premier tour. Il compte sur un mouvement populaire pour convaincre les maires de lui accorder le «droit d’exister».

Au fil de son premier discours de candidat, Jean-Luc Mélenchon, a comme toujours fracassé ses anciens camarades socialistes : «Ces gens sont dangereux. Pas personnellement, mais une fois qu’ils sont tous ensemble.» Il a abordé la déchéance de nationalité, le droit du sol. Il a également dénoncé le «communautarisme, tous les communautarismes». Puis, il est revenu à l’essentiel, sa candidature : «Le dernier qui m’a dit que j’étais seul s’appelait Jérôme Cahuzac. A l’heure qu’il est, je me demande qui est le plus seul.»

Rachid Laïreche

Jean-François Copé candidat à la primaire de la droite

L’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé, a déclaré dimanche sur France 2 qu’il était candidat pour la primaire de la droite de novembre 2016 en vue de la présidentielle de 2017.

«Je serai candidat à cette élection», a lancé le député-maire de Meaux (Les Républicains), s’estimant «prêt». «Jamais je n’aurais imaginé être candidat si j’étais mis en examen», en référence à l’affaire Bygmalion, dans laquelle il est témoin assisté, a aussi affirmé Copé. En 2015, Nicolas Sarkozy avait été mis en examen pour «corruption active», «trafic d’influence» et «violation du secret professionnel» dans l’affaire dite des «écoutes».

Ce weekend, lors du conseil national de LR,  Jean-François Copé s’était exprimé pour la première fois depuis que cette «triste affaire Bygmalion» l’avait poussé à la démission.  Le 20 janvier, il avait signé son retour en politique avec la publication d’un ouvrage, Le sursaut français (Stock). Dans cet ouvrage écrit après un «tour de France» et une cure de silence médiatique auto-administrée de dix-huit mois, cet élu affirme qu’il a pu «remettre de l’ordre dans (s)es idées».

«Mon intuition est qu’en 2017, en France, le coup de l’homme providentiel qui va tout régler par la seule magie d’un slogan et de quelques propositions bien ordonnées, ça ne marchera pas ( ) Faire de la politique autrement, c’est aussi rompre avec la politique de communication pour faire de la politique de fond», y écrit le Maire de Meaux.

LIBERATION avec AFP

«Très fier de cette victoire face à l’Irlande»

Le XV de France repasse au vert. Une petite haie d’honneur dressée par des vaincus venus d’Irlande, cela ne fait pas de mal, surtout après quatre années de disette (et des poussières). A la mi-temps, l’Irlande menait encore 9-3, face à des Bleus solidaires en défense mais brouillons en attaque. «On est sous pression dans notre camp, mais on marque notre territoire. Mais à la pause, on s’est dit qu’il fallait remettre une dose, une nouvelle vague d’intensité», dit Yoann Maestri, le deuxième ligne, averti par le précédent d’octobre dernier : dans la même situation, la France n’avait jamais pu remettre la main sur le ballon et la pression sur les Irlandais lors d’une défaite soldant leurs illusions en Coupe du monde (24-9).

«J’étais touché, ému, au coup de sifflet final, quand j’ai repensé aux anciens de l’équipe qui ne sont plus avec nous et ont connu tant de moments douloureux ces dernières saisons», ajoute celui qui n’a pas la mémoire courte. Bouille d’étudiant à HEC, nœud papillon ajusté sur sa chemise blanche, le demi d’ouverture Jules Plisson vient ensuite détailler une rencontre courageuse.

Quel est votre sentiment après cette rencontre ?

C’était un tout autre contexte que l’Italie. On a eu une première mi-temps difficile, mais je retiens nos intentions de jeu en seconde. La semaine dernière, il y avait du soulagement dans le vestiaire, aujourd’hui, c’était de la fierté. Nous sommes très fiers de cette victoire. Les conditions étaient difficiles, le ballon glissait, il y avait beaucoup de stress dans les premières minutes. Mais on n’a rien lâché. Comme lors du match face aux Italiens, on a su remettre notre jeu en place, et finalement les déstabiliser.

Comment vivez-vous la première période ?

On est mal sortis de notre camp en première mi-temps, on s’est mis un peu le feu. Moi-même, sur mon premier ballon, je veux faire une chandelle, et comme j’ai mis beaucoup de colle sur mes mains, le ballon reste scotché à ma main et je dévisse complètement. Je rate aussi mon deuxième ballon. Dans le jeu d’occupation, on a voulu trouver des touches, alors qu’il aurait plutôt fallu taper loin. Mais en défense, on a été très solide, on a su récupérer des ballons, mais on leur a rendu souvent trop vite, ou sur des touches trop près.

En défense, en revanche, les barbelés sont de sortie…

Je pense que les Irlandais se sont rendu compte qu’on avait eu des lacunes la semaine précédente et qu’on avait bossé. Sur tous leurs lancements de jeu, extrêmement variés, ils ne sont pas passés une fois. On a beaucoup travaillé les connexions entre leurs numéros 9, 10, 12 et 13 (la charnière et la paire de centres) et, si on a parfois concédé un peu de terrain, on n’a jamais été transpercés.

En seconde période, les Irlandais ont les traits tirés, la tête baissée.

Ils ont trois ou quatre gars pétés, Sexton (l’ouvreur) qui sort sur la fin. On était très présents, on devait se racheter après une mauvaise performance en défense face à l’Italie. Les conditions ont facilité les choses, car le ballon était glissant, et plus on montait vite, fort, plus ils étaient en difficulté. Quand tu les vois piocher, reculer, perdus sur certaines actions, tu te dis que tu as pris l’ascendant. En deuxième mi-temps, il n’y a eu qu’une seule équipe sur le terrain. Vous nous reprochiez d’avoir gardé trop peu le ballon face aux Italiens, là, je pense qu’on l’a gardé assez longtemps, cela nous a permis de créer des intervalles, et de chercher les points qu’ils nous manquaient.

Peu après l’heure du jeu, vous avancez mais choisissez de ne pas prendre les points au pied.

Le staff me dit de prendre la touche. Je sentais qu’on était dans une période plutôt bonne, on multipliait les temps de jeu, on les mettait en difficulté, on avançait sur tous les impacts. J’ai dit à Guilhem (Guirado, le capitaine) : ‘‘Pourquoi on n’irait pas en touche ?’’ On tape, on tape, on tape sur l’adversaire… Damien (Chouly) n’arrive pas à aplatir, moi, je suis à droite, je hurle pour avoir le ballon, j’en ai perdu ma voix. On conclura finalement un peu plus tard (par un essai de Maxime Médard, 69e).

La mêlée française a monté crescendo, pour finalement broyer son homologue irlandaise…

Sur la série de mêlées en seconde période, on cherchait l’essai de pénalité. Le travail des piliers Jefferson (Poirot) et Uini (Atonio) en première période s’est fait sentir. A la pause, c’était kif-kif sur les mêlées, mais quand je vois Rabah (Slimani) et Eddy (Ben Arous) rentrer pour faire souffrir leur mêlée, je me dis que ça se goupille bien.

Que vous dit votre capitaine au coup de sifflet final, quand vous vous réunissez en cercle ?

Il nous dit que c’est une victoire importante pour la suite, que nous sommes une équipe en apprentissage, et lui retient notre état d’esprit, cette seconde mi-temps où on n’encaisse aucun point. Guilhem, c’est un gros capitaine, il a mis un de ces plaquages en première mi-temps ! A chaque sortie, il nous montre l’exemple, offensivement, et surtout défensivement. Les semaines à Marcoussis sont beaucoup moins longues que par le passé. Beaucoup de joueurs se connaissent depuis longtemps. C’est une équipe de jeunes qui vit bien, mais on peut très bien vivre, et ne pas gagner, vous l’avez remarqué ces dernières années.

Mathieu Grégoire