Direction Le Cap

Il y a peu, ma douce et moi avons réalisé un voyage de groupe à Cape Town Et si, en ce qui me concerne, j’ai adoré ce séjour, ma femme a franchement détesté. Pire, même : elle l’a très mal vécu. Et ce n’était pas l’organisation qui était en cause : ce qu’elle a mal digéré, en réalité, c’est le simple fait de voyager en groupe. Sur le coup, j’ai été étonné par sa réaction, sa volonté constante de fuir le groupe dès que possible. Mais avec le recul, c’était à prévoir, en fait. Même si je n’en avais jamais vraiment pris conscience, jusqu’ici, elle a une sainte horreur du groupe depuis que je la connais. Elle m’a même avoué un jour que quand elle partait en vacances avec ses amies, étant ado, elle avait déjà du mal à le supporter. Du coup, j’ai essayé de trouver l’origine de cette phobie. Et elle m’a expliqué qu’en groupe, elle avait toujours l’impression d’être jugée par les autres. Cette façon de voir, plutôt mystérieuse à mon sens, m’a fait pas mal réfléchir. Et j’en suis venu à la conclusion que sa peur a une cause toute simple : la peur de perdre le contrôle. Je crois qu’elle a du mal à dealer avec le fait de devoir faire face à un autre désir que le sien. Elle n’a jamais supporté la contrainte. Même le terme « compromis » est pour elle une insulte. Plus j’y réfléchis, et plus je suis convaincu que cette peur qu’elle éprouve trouve sa source dans son enfance. Ses parents ont vécu quasiment en autarcie. Du coup, elle a intégré cette façon de considérer le monde et voit dans le groupe une source de menace. C’est quelque chose que je ne comprendrai jamais totalement, mais je comprends que la vie de groupe ne soit pas une sinécure pour tout le monde. En tout cas, en ce qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié l’ambiance qu’il y avait dans notre groupe. Et d’ailleurs, je vous mets le lien vers l’agence par laquelle nous sommes passés pour ce voyage de groupe en Afrique du Sud. J’ai bien aimé le sérieux dont ils ont fait preuve.

Télécoms: Bouygues-Orange, rupture de fiançailles

Encore raté ! Devenu le serpent de mer des télécoms français, le passage de quatre à trois opérateurs n’aura pas lieu. En tout cas pas sous la forme, inédite à l’échelle européenne, du rachat du quatrième opérateur Bouygues Telecom par le leader du marché Orange. Pour la quatrième fois en deux ans, la tentative de rachat de l’opérateur créé en 1994 par le groupe de BTP dirigé Martin Bouygues échoue, de très près cette fois. A quand la cinquième?

Convoqués vendredi soir, les conseils d’administration des deux groupes ont acté l’échec des discussions. A l’unanimité, le conseil d’administration de Bouygues Telecom a décidé de mettre fin au rapprochement et de poursuivre son cavalier seul. Orange, de son côté, évoque «des discussions approfondies» au terme desquels un accord «n’a pu être trouvé» et «maintient l’ensemble de ses objectifs financiers». Une énorme surprise et un revers de taille pour le PDG d’Orange Stéphane Richard – «c’est du 50-50» pronostiquait-il début janvier – tant la volonté de l’ensemble des acteurs (le vendeur Bouygues Telecom, Orange, SFR Numericable et Free) de parvenir à cette concentration du marché dans leur intérêt semblait forte.

Trop d’obstacles

Après trois mois de fiançailles entamées le 5 janvier dernier et qui devaient aboutir à un contrat de mariage d’une complexité jamais vue sur fond de partage des actifs de Bouygues Telecom entre les trois opérateurs restant, les obstacles se sont finalement révélés trop importants pour célébrer l’union. A commencer par le prix de 10 milliards d’euros exigé par Martin Bouygues pour se revendre à Orange. Principal actionnaire d’Orange à hauteur de 23% de son capital, l’Etat qui n’entend pas prendre le risquer d’en perdre le contrôle, a refusé les conditions fixées par Martin Bouygues tant en termes de valorisation que de son poids dans la future gouvernance de l’opérateur historique dont il serait devenu le deuxième actionnaire.

Alors que les deux parties semblaient s’être mises d’accord sur une entrée du groupe de BTP au capital d’Orange à hauteur de 12%, l’Etat, forcément dilué par l’arrivée de ce nouvel actionnaire, souhaitait ne pas descendre en dessous de 20%. Un casse-tête pour Bercy, qui nécessitait de valoriser au maximum Orange, à un prix nettement supérieur à celui du marché. Autrement dit si l’Etat acceptait le prix de 10 milliards d’euros fixé par Martin Bouygues pour qu’Orange absorbe son opérateur télécoms qui n’est pourtant valorisé que 6 milliards d’euros dans les livres de compte du géant du BTP, la question du prix retenu pour l’action Orange n’était toujours pas tranchée. 

Danger de «bollorisation»

Autre point crucial, l’Etat représenté par son ministre de l’économie et ex-banquier d’affaires de chez Rotschild Emmanuel Macron, rompu à ce genre de négociations, souhaitait encadrer la future influence de Martin Bouygues au sein d’Orange. «Pas question de prendre le moindre risque de perdre le contrôle de l’entreprise au profit de celui qui vient de se faire racheter, explique Marc Bourreau, spécialiste de l’économie des télécoms et professeur à Telecom Paristech. Vous imaginez l’ironie de la situation.» Un danger de «bollorisation», la version capitaliste du loup dans la bergerie, qui a amené l’Etat à exiger des clauses strictes afin de bordurer l’influence future de Martin Bouygues au sein d’Orange: impossibilité pour le groupe Bouygues, via une clause dite de «standstill», de monter au capital d’Orange pendant une durée de sept ans et renoncement de la part de Martin Bouygues aux droits de vote double – qui récompensent les actionnaires fidèles – pendant une durée de dix ans. «L’Etat a tenu, ce qui est parfaitement légitime, à défendre la valeur patrimoniale de son actif et surtout à se prémunir du risque de perdre le contrôle à terme d’Orange, poursuit Marc Bourreau, mais du coup, l’accord déjà effroyablement difficile à trouver devenait moins attractif pour Martin Bouygues.» 

Les négociations ont également semble-t-il achoppé sur la nature des actifs cédés à Free, l’un des deux autres bénéficiaires de l’opération. Alors que ce «Yalta» semblait quasi-bouclé ces derniers jours (les clients à petits forfaits et professionnels à SFR pour 3,5 milliards d’euros, le réseau mobile, les fréquences et les boutiques Bouygues Telecom à Free pour 2,5 milliards), son patron Xavier Niel aurait fait monter les enchères dans les derniers jours. D’après Les Echos, il aurait demandé une rallonge dans le temps de son contrat d’itinérance avec Orange, jusqu’à 2021, en réclamant une clause suspensive en cas de refus de l’autorité de la concurrence d’avaliser ce délai. Un risque trop important à prendre pour Martin Bouygues, pour lequel un retour en arrière était inenvisageable une fois la fusion lancée.

Autant dire que le danger de voir l’opération finalement capoter dans quelques mois a dû peser lourd dans la balance. Quels que soient les coups de sonde auxquels les protagonistes du dossier ont pu procéder ces dernières semaines, les incertitudes restaient en effet très élevées sur le feu vert plus qu’hypothétique des autorités de la concurrence au redécoupage du secteur.

«Un risque élevé de ne pas aboutir»

En exigeant très probablement des «remèdes» supplémentaires afin de préserver une saine compétition dans le secteur, l’ensemble des protagonistes risquaient de se retrouver dans quelques mois ramenés à la case départ. «On n’a jamais vu un changement d’une telle ampleur être approuvé par un gendarme de la concurrence sans que ce dernier n’exige des corrections aux aménagements déjà proposées par les acteurs, conclut Marc Bourreau. Un accord entre l’Etat, Bouygues Telecom et Orange d’une part, Orange, SFR et Free d’autre part, n’était jamais que la première étape d’un long processus qui présentait toujours un risque élevé de ne pas aboutir.»

En Angleterre et en Italie, où le passage de quatre à trois opérateurs en cours reste incertain en raison des écueils soulevés par les autorités de la concurrence, il ne concerne pourtant dans aucun des deux pays le rachat d’un concurrent par le leader du marché. L’OFCOM, équivalent britannique de l’ARCEP, a récemment fait savoir qu’il était opposé au projet de fusion des opérateurs mobiles O2 et Three et a annoncé qu’il était prêt à saisir les autorités européennes qui ont le pouvoir de bloquer le rapprochement. C’est dire si Orange, avec déjà 39,99% de parts de marché sur le fixe (10,61 millions d’abonnés) et presque autant dans le mobile (38,8% et 28,4 millions de clients) n’était pas au bout de ses peines. Un risque d’autant plus grand à courir pour Martin Bouygues qu’il n’a pas pu obtenir de l’Etat des conditions à la hauteur de ses attentes pour sa rentrée au capital d’Orange. 

 

À lire aussi Notre article sur le retour au cash des opérateurs

Christophe Alix

Loi travail : une mobilisation presque multipliée par deux depuis le 9 mars

Dans les rangs de Lutte ouvrière, au moment d’installer le stand, boulevard de l’hôpital, vers 13h. Une militante de Paris, la cinquantaine, qui ne travaille plus, explique à notre journaliste Amandine Cailhol qu’elle est ici «par solidarité avec les jeunes qui vont en pâtir toute leurs vies». La manif suffira-t-elle à faire plier le gouvernement et obtenir le retrait? «Pourquoi pas, vu qu’on est proche des élections présidentielles, c’est un enjeu pour les gens au pouvoir, note-t-elle. Et puis c’est mieux d’être dans la rue que de signer des pétitions sur internet, c’est plus efficace. Après nous, à Lutte ouvrière, on y va pas par quatre chemins. Ce qu’on préconise vraiment c’est de mettre fin à la bourgeoisie.»

Même optimisme pour Julien, de LO, trentenaire et professeur de collège à Paris, qui en est à sa quatrième manif contre la loi travail : «Si la mobilisation s’amplifie, le retrait est possible. Ça s’est passé comme ça pour le CPE, il y a dix ans. Il faut des manifs plus nombreuses, plus de manifestants, mais aussi plus de grévistes. L’arme des travailleurs, ça reste la grève. Nous fêterons bientôt les 80 ans de la grève générale de 1936. Il faut donc amplifier, notamment par la grève, mais les manifs participent aussi de la mobilisation. Ça fait partie d’un tout.»

En face, à l’abri d’une terrasse de café, une rangées de CRS, boucliers au sol, font des commentaires, en rigolant, sur les militants qui s’attellent à dérouler une banderole. Entre deux éclats de rire, ils demandent: «Où est la bac?» Plus loin, la sono de la CNT crache un air de manif: «Réveille-toi».

« Hollande, Gattaz, vos lois ont en veut pas » #Manif31Mars

31.03.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

Les toiles audibles du soliste Yochko Seffer

Jusqu’au samedi 2 avril 2016, le saxophoniste qui ébranla la scène du jazz européen d’un free jazz tonitruant, illumine la coquette Galerie Hélène Nougaro, à l’ombre de l’église Saint Séverin, à deux pas du club qui célébra les légendes du jazz, Les Trois Mailletz. Yochko Seffer, musicien, expose les toiles de Yochko, peintre et sculpteur. L’improvisateur n’a jamais couru après la gloire. Pourtant son travail a marqué les esprits. André Francis, doyen de l’Académie du Jazz, expert définitif, écrit ceci dans la préface de la première biographie du Hongrois né en 1939, réfugié en France en 1956 : «un musicien en renouvellement perpétuel, du niveau d’un Portal. Avec des airs aussi bien issus de vieux folklore que de nouvelles audaces… il est le seul musicien qui joue de l’ensemble des saxes et de la flute : c’est tout à fait étonnant.» Le membre de Magma en 1971 et 1972, fondateur de Zao, Perception, Neffesh Music, Yog, se réclame de John Coltrane et de Belà Bartok. Sa musique évolue en permanence. Le dernier CD enchante (Hangosh Ethnic Duo, avec François Causse). La peinture? Hélène Nougaro relève : «ce n’est pas pour ses talents de musicien de jazz que j’ai choisi d’accrocher l’œuvre. Les tableaux présentent mille qualités, mille aspects intéressants». Yochko, épanoui : « je n’observe aucune différence entre peinture et musique. Les couleurs, comme les notes, émettent de la musique. Sur la toile, je vis la création avec le plus grand bonheur. La verticalité qui caractérise chaque tableau surgit de la barre de mesure qui régit la partition. Chaque toile part du figuratif et se poursuit vers l’abstrait. Chacune apporte sa réponse ». Le traitement de chaque sujet par le disciple de Picabia et de Marcel Duchamp détient immanquablement une signification. « La constante explique l’unité de l’oeuvre », selon la galeriste. Que l’on s’attarde sur le portrait de Monk, intitulé KNOM. Sur un fond immaculé, le magnétisme du visage s’anime. La colère du personnage, son exigence, le défi systématique à la logique, le parti-pris d’originalité, ressortent du tableau. Plus loin le tryptique sur John Mc Laughlin, guitariste virtuose parti en tournée avec la fille de Yochko, Deborah, violoniste reconnue, suit une transformation cohérente. Sur un mur, le visage de John Coltrane, comme une métaphore du père, exprime souffrance et sérénité, sur un fond calme, jaune et vert. Coltrane et Bartok : les maîtres.

Aux quatre coins de la galerie HN, les sculptures créent autant d’instruments à vent. « J’ai besoin d’une structure pour la contredire», commente l’artiste à l’assaut du saxo comme à l’assaut du pinceau. Les saxos futuristes fonctionnent. « J’ai ajouté un tuyau PVC, placé des trous, vissé un bec, collé une anche. J’en tire de la musique. Certes primitive et aléatoire. Voire cinglée. Mais inédite ». L’après-midi de clôture de l’accrochage, samedi 2 avril, Seffer père et fille donneront un concert. Impossible d’annoncer le programme. Il tiendra trop du hasard. En revanche, on ne pose aucune réserve sur le haut-niveau de la prestation.

Bruno Pfeiffer

Galerie HN (Hélène Nougaro), 17 rue du Petit Pont, 75004 Paris

CONCERT : Yochko Seffer Quartet, Le Triton, Les Lilas (25 juin 2016)

CD : Yochko Seffer, Hangosh Ethnic Duo avec François Causse – et Didier Malherbe (Acel/ Quart de Lune/ UVM Distribution)

DVD : Yochko Seffer Quartet, Red Mysticum JAZZimuth Collection

LIVRE : Jean-Jacques Leca, Yochko Seffer – Free comme Jazz, EDILIVRE

Copyright Photo Anne-Charlotte Compan pour Libération

Comment les identitaires belges instrumentalisent le milieu du foot

«Une honte pour le pays.» Le bourgmestre de Bruxelles, Yvan Mayeur, n’a pas fait dans les détails pour qualifier l’ahurissant happening d’environ 350 «hooligans» sur la place de la Bourse dimanche, où s’étaient recueillis quelques centaines de personnes, faute de «marche contre la peur», annulée pour des raisons sécuritaires. Chants nationalistes, saluts fascistes, jets de projectiles, fumigènes, insultes racistes, empoignades et vandalisme : les ultras, tout de noir vêtu, ont déroulé leur partition pendant une heure environ, avant de repartir sous la douche des canons à eau de la police anti-émeutes – qui avait pourtant escorté le cortège depuis la gare du Nord…

Dix arrestations plus tard, les images ont fait le tour du monde et la polémique s’est déplacée sur le terrain politique. Comment a-t-on pu laisser les ultras, venus de tout le pays avec l’intention de participer à une marche interdite, prendre le train en masse à Vilvorde, ville flamande à 10km de Bruxelles ? «Les maintenir à Vilvorde aurait causé trop de frustrations», a benoîtement répondu le bourgmestre Hans Bonte. Son homologue bruxellois a quant à lui chargé le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, qu’il accuse de «mentir» et d’avoir laissé faire, la venue des hooligans étant connue des autorités depuis vendredi. Du local au fédéral (en charge de la sécurité du rail), les services de police se renvoient les responsabilités, énième symptôme de la crise du mille-feuille institutionnel belge. Quant au porte-parole des Belgian Supporters, l’association des supporteurs belges, il a annoncé sa démission dimanche, accusant l’un des membres du conseil d’administration d’avoir caché la véritable nature du rassemblement.

Dimanche, le cortège avançait derrière la bannière «Casuals United, FCK ISIS». Le terme «casuals» fait référence à une forme de hooliganisme britannique remontant aux années 80, où l’accent est mis sur la bagarre et les fringues (de préférence de marque et n’affichant pas les couleurs du club, pour échapper à la police). Il s’agissait donc d’une union des «frères ennemis», selon Manuel Abramowicz, universitaire et spécialiste des mouvements radicaux belges. Ce dernier ajoute que «le slogan « FCK ISIS » est présent depuis un certain temps sur les calicots dans les stades, ce n’est pas une nouveauté».

 Right-wing demonstrators protest against terrorism in front of the old stock exchange in Brussels, Belgium. March 27. 2016. REUTERS/YVES HERMAN - RTSCEGELors du rassemblement, dimanche à Bruxelles. Photo Yves Herman. Reuters

Pour Manuel Abramowicz, il est possible que certains supporteurs aient été débordés par une centaine de militants nationalistes. «Certains hooligans évoquent aussi une surréaction dans leurs rangs car ils espéraient être traités en héros par la foule et ont vu que les gens sur place leur étaient hostiles, explique-t-il. Quant aux slogans racistes, il faut dire que le sentiment islamophobe en Belgique va bien au-delà des mouvances d’extrême droite – certains sondages estiment à 50% de la population le nombre de Belges qui ont des sentiments anti-musulmans.»

Contacté par Libération, un des membres du Hell Side, groupe d’ultras du Standard de Liège, considéré plutôt à gauche, donne sa version : «On avait fait une réunion dans un café de Bruxelles dans la semaine pour se mettre d’accord entre nous. La ligne c’était : aucune idée politique, aucune couleur de club, tous en noir pour le deuil. Mais là, ça a dérapé, les accords n’ont pas été respectés. On est dégoûtés. Dans le Hell Side, on a des musulmans, dont je fais partie, et là on voit des saluts de nazis et on se retrouve au milieu des fachos avec nos têtes d’Arabes…»

La marche des ultras a-t-elle été noyautée par les nationalistes ? C’est plus que probable. Sur son site RésistanceS, Manuel Abramowicz a recensé quelques figures historiques des mouvements néonazis locaux, qu’il s’agisse de nationalistes flamands ou d’un néonazi wallon, ex-garde du corps de Robert Faurrisson en Belgique et fondateur de la Belgium Defense League.

Les deux seuls communiqués de soutien à la manifestation de dimanche ont d’ailleurs été postés par deux groupuscules extrémistes : les néonazis francophones de Nation et les «nationalistes autonomistes» flamands de Autonome Nationalisten Vlaanderen, trop heureux de voir les ultras défier «la récupération dégoûtante des événements par les gauchistes». Le Vlaams Belang, le principal parti d’extrême droite flamand, s’est lui désolidarisé, accusant les manifestants de «démontrer un manque d’intelligence et de décence en dérangeant un lieu de deuil à Pâques».

«Ce que l’on a vu ce week-end était inédit par son ampleur en Belgique, note Manuel Abramowicz. Cependant, on remarque que les hooligans, s’ils se disent apolitiques et antisystème, se greffent assez facilement aux manifestations organisées par l’extrême droite».

Les précédents anglais et allemands

Cette articulation entre groupe anti-musulmans et hooligans n’est pas inédite. En Angleterre, l’English Defense League (EDL), formée en 2009, a pioché ses cadres parmi les «firmes» du royaume, groupes structurés d’ultras plus intéressés par la violence que les scores des matchs. De fait, le meneur de l’EDL avait pris le pseudonyme de «Tommy Robinson», figure tutélaire des hooligans de Lutton.

En Allemagne, le mouvement islamophobe Pegida a engendré la branche «Hogesa», acronyme de «Hooligans gegen salifesten» («les hooligans contre les salafistes»), capable de rassembler plusieurs milliers de sympathisants à Cologne en octobre dernier. Le Spiegel s’alarmait dès 2014 de cette «nouvelle alliance entre néonazis et hooligans». Il n’est donc pas étonnant de voir la Belgique reproduire ce modèle, d’autant que son supporteurisme est organisé sur le modèle anglais, en «firmes» concurrentes. «On sait aussi que les radicaux d’Anderlecht [qui représentaient le gros des troupes dimanche place de la Bourse, ndlr] ont des contacts avec les hooligans allemands», note Manuel Abramowicz.

«Ce ne sont pas des mouvements anodins, souligne le politologue Jean-Yves Camus. On a affaire à des centaines de militants durs et très organisés, qu’on peut regrouper facilement et qui essaiment sur le continent.» Pour ce spécialiste des mouvements d’extrême droite européens, il y a une certaine logique à voir ce type de rassemblement à Bruxelles : «On le sait, la centralité de la Belgique est une de ses principales spécificités. On peut y venir facilement d’Allemagne, de France ou des Pays-Bas. C’est donc un carrefour pour tout le monde, pas que pour les islamistes fanatiques.» Pour preuve, Génération identitaire, déclinaison «jeunesse» du Bloc identitaire français, appelle à «une grande manifestation européenne» samedi sur la place communale de Molenbeek, avec pour slogan «expulsons les islamistes». Un rassemblement interdit par la bourgmestre de la commune, Françoise Schepmans. Les événements de la place de la Bourse ont néanmoins prouvé que les identitaires locaux se passaient de la bénédiction des autorités. 

Guillaume Gendron Envoyé spécial à Bruxelles

Pays-Bas: interpellation d’un Français suspecté de préparer un attentat

La police néerlandaise a arrêté dimanche à Rotterdam un Français de 32 ans suspecté d’avoir été impliqué dans la préparation d’un attentat, a indiqué le parquet, soulignant que l’opération avait été menée à la demande de Paris.

Cet homme est soupçonné d’avoir été mandaté par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) pour commettre un attentat en France avec Reda Kriket, interpellé jeudi en banlieue parisienne, a indiqué une source policière française.

Selon cette source, le suspect arrêté à Rotterdam était parti en Syrie pour le jihad, à une date indéterminée.

Un mandat de recherche avait été émis par la France à l’encontre de ce natif de la région parisienne le 24 décembre 2015 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, selon la même source.

«Les autorités françaises ont demandé vendredi l’arrestation de ce Français» qui est suspecté «de préparation d’un attentat terroriste», avait indiqué le parquet néerlandais plus tôt dans un communiqué.

L’homme sera livré à la France «sous peu», a ajouté le parquet, sans préciser si ce suspect était concerné par les attentats de Paris ou non.

Cela peut prendre «plusieurs jours», a précisé à l’AFP le porte-parole du parquet, Wim de Bruin, refusant de fournir des détails sur le suspect: «il s’agit d’une enquête française», a-t-il ajouté.

Trois autres suspects ont été interpellés, dont deux hommes de 43 et 47 ans d’origine algérienne, ajoute le parquet. Aucun détail n’est encore connu sur la troisième personne interpellée. Le Français séjournait chez l’un d’entre eux, assurent les médias néerlandais. 

Des perquisitions ont eu lieu dans le quartier de Rotterdam-Ouest, dans deux rues distinctes. Selon des images diffusées par la télévision publique NOS, la police a d’abord envoyé un chien dans les logements où se sont déroulées les perquisitions, à la recherche d’explosifs.

Plusieurs maisons aux alentours ont été évacuées «par précaution», souligne le parquet. 

Reda Kriket, 34 ans, avait été interpellé jeudi à Boulogne-Billancourt, ville de l’ouest parisien, pour un projet d’attentat en France «à un stade avancé», selon le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Des fusils d’assaut et des explosifs avaient été retrouvés dans son appartement, situé dans une autre commune de la région parisienne.

Reda Kriket avait été condamné en son absence à Bruxelles en juillet 2015 avec Abdelhamid Abaaoud lors d’un procès d’une filière jihadiste vers la Syrie. Tué cinq jours après les attentats de Paris, Abaaoud est suspecté d’avoir eu un rôle-clé dans les attaques du 13 novembre.

Né à Courbevoie en région parisienne, Reda Kriket résidait à Ixelles, commune cosmopolite de Bruxelles, lorsqu’un mandat d’arrêt international a été émis contre lui en mars 2014. Il a également été condamné plusieurs fois en France pour des délits de droit commun, a indiqué une source proche de l’enquête, sans donner de détails.

AFP

Primaires démocrates: Sanders remporte trois victoires face à Clinton

Le sénateur américain Bernie Sanders a largement battu Hillary Clinton lors des primaires démocrates en Alaska, dans l’Etat de Washington et à Hawaï samedi, mais reste toujours largement distancé par sa rivale dans la course à l’investiture à la Maison Blanche.

Les chaînes de télévision américaines ont donné dimanche Bernie Sanders largement gagnant lors du caucus, réunion d’électeurs votant à bulletins secrets, à Hawaï, avec 71% des voix contre 29% à l’ancienne secrétaire d’Etat pour 25 sièges de délégués.

CNN et MSBNC avaient déjà donné samedi le sénateur du Vermont gagnant à 76% dans l’Etat de Washington, situé dans le nord-ouest des Etats-Unis près de la frontière canadienne, face à sa rivale (24%).

Sa victoire a été encore plus éclatante en Alaska, à l’extrême Nord américain, où 16 sièges de délégués étaient en jeu: il était donné gagnant à 79% contre 21% pour Clinton.

Mais pour rattraper et surpasser Hillary Clinton, Bernie Sanders devrait remporter les primaires restantes avec de très fortes majorités. Il a certes obtenu près de 80% des voix dans plusieurs petits Etats, mais de grands Etats à venir lui sont défavorables (New York, Pennsylvanie, Maryland en avril). L’Etat de Washington était le gros morceau de la journée, avec 101 délégués en jeu pour l’investiture démocrate.

«Merci, l’Alaska! Ensemble, nous adressons un message, celui que ce gouvernement nous appartient à tous», a tweeté Bernie Sanders, remerciant également les votants de l’Etat de Washington.

«Nous diminuons clairement l’avance de la secrétaire d’Etat Clinton et avec beaucoup de votes à venir ici dans le Wisconsin, nous avons une voie claire vers la victoire», avait-t-il auparavant lancé, sous les cris de «Bernie! Bernie!» de partisans enthousiastes, lors d’un meeting de campagne à Madison, dans le Wisconsin (nord), où aura lieu la prochaine étape de la primaire démocrate.

«Il est difficile de nier que notre campagne bénéficie d’une bonne dynamique», a insisté le candidat de 74 ans.

Bernie Sanders a organisé de grands meetings dans trois régions de l’Etat de Washington cette semaine, notamment à Seattle où il a rassemblé vendredi dans un stade de baseball une foule de 17.000 partisans, qui lui ont fait un accueil de rock-star.

«Dites haut et fort que les milliardaires ne peuvent pas tout avoir», a lancé le septuagénaire en ouverture de son discours. «Dites au monde que nous voulons un gouvernement qui nous représente tous», a poursuivi Sanders qui appelle à une «révolution politique».

Grands Etats favorables à Clinton

Hillary Clinton, 68 ans, n’avait pas réagi pour le moment à ses défaites dans le nord-ouest des Etats-Unis, où la participation a été très forte, d’après les médias locaux.

«Les gens arrivent en traîneau à chien, en surf, en Birkenstock (sandales à l’image baba cool) par milliers vers les sites où se tiennent des caucus aujourd’hui (samedi) en Alaska, à Hawaï et à Washington pour voter en faveur de Bernie!», a tweeté le cinéaste de gauche Michael Moore, qui soutient Sanders.

Seattle, la métropole du Nord-Ouest, et l’une des plus à gauche du pays, se classe première sur 50 villes américaines dans les donations à Sanders par habitant, d’après un sondage publié la semaine dernière.

A ce jour, plus de la moitié des délégués démocrates ont été distribués au terme d’une trentaine de primaires, auxquels s’ajoute l’appui déclaré de près de 500 «super délégués» à l’ancienne secrétaire d’Etat, ces responsables et élus démocrates qui voteront à la convention d’investiture dans quatre mois.

Les semaines à venir seront relativement calmes. Des primaires auront lieu le 5 avril (Wisconsin) et le 9 avril (Wyoming), avant les grands rendez-vous de New York (19 avril) et d’un nouveau «super mardi» le 26 avril dans cinq Etats.

La convention d’investiture démocrate se tiendra à Philadelphie fin juillet.

AFP

Obama : stigmatiser les musulmans fait le jeu des jihadistes

Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a estimé samedi que «stigmatiser» les musulmans faisait le jeu des jihadistes «qui veulent nous monter les uns contre les autres», condamnant implicitement des propositions de candidats républicains à la Maison Blanche. Dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), «nos partenaires les plus importants sont les Américains musulmans», a-t-il déclaré dans son allocution hebdomadaire, après des attentats mardi à Bruxelles revendiqués par l’EI qui ont fait 31 morts et quelque 300 blessés. Il a présenté ses condoléances aux deux Américains au moins tués dans ces attentats, lors desquels «au moins 14 Américains ont été blessés». «Nous devons rejeter toute tentative de stigmatiser les Américains musulmans» et saluer «leurs énormes contributions à notre pays et notre mode de vie», a-t-il affirmé.

«Ces tentatives sont contraires à notre caractère, à nos valeurs, et à notre histoire en tant que nation bâtie sur l’idée de liberté religieuse», a encore dit le président américain. «C’est aussi contreproductif. Cela fait directement le jeu des terroristes qui veulent nous monter les uns contre les autres; qui veulent avoir une raison de recruter davantage de gens pour leur cause dévouée à la haine».

Les deux principaux prétendants à l’investiture républicaine en vue de la présidentielle du 8 novembre, Donald Trump et Ted Cruz, soutiennent l’idée que la police patrouille les quartiers musulmans. Donald Trump veut en outre interdire temporairement aux musulmans d’entrer aux Etats-Unis de peur qu’un extrémiste ne se cache parmi eux.

Donald Obama a reconnu que le groupe EI «représentait une menace pour l’ensemble du monde civilisé» mais promis que «les terroristes échoueront». Il a salué notamment l’élimination par les Etats-Unis du numéro deux de l’organisation jihadiste, Abdel Rahmane al-Qadouli, annoncée vendredi. La quatrième édition du Sommet sur la sécurité nucléaire, qui réunira plusieurs chefs d’Etat à Washington jeudi et vendredi prochains, sera l’occasion d’évoquer la lutte contre l’EI et de «s’assurer que le monde reste uni dans cet effort», a précisé le président américain.

AFP