Nous sommes chaque jour confrontés à des manipulations de nos proches. Votre voisin qui voudrait emprunter votre voiture, votre enfant cherchant à échapper à une corvée, votre supérieur qui aimerait que vous terminiez ce dossier pendant le week-end. Pour obtenir ce qu’elles désirent, ces personnes recourent – inconsciemment, le plus souvent – à des ruses, à des attitudes, dont elles espèrent qu’elles arracheront, à votre insu, votre consentement. Élodie Mielczareck, linguiste et sémiologue, les a identifiées.
Dans son livre Déjouez les manipulateurs (éditions Nouveau Monde), elle révèle les signes auxquels on reconnaît qu’une personne vous manipule. Votre interlocuteur tripote un objet, tandis qu’il vous expose son idée, il est fort probable qu’il ne soit pas sincère. L’objet qu’il touche en parlant – son stylo, son téléphone, une feuille de papier – servant d’obstacle à la relation. Autre signe de malaise : déplacer un objet. « Le sujet évoqué avec votre interlocuteur le dérange. Symboliquement, ce n’est pas l’objet qu’il déplace, c’est votre propos », écrit la formatrice en entreprise. Votre partenaire de conversation fixe soudain ses mains sur un pot à crayons, la table, ses accoudoirs, « c’est un geste de réassurance, destiné à faire baisser le stress ». Si la personne qui s’adresse à vous multiplie les mouvements répétitifs et symétriques, il est envisageable qu’elle ne vous dise pas la vérité. « Un corps plus authentique présente des ruptures de rythme avec des mouvements inattendus. »
On ne retient que 7 % du verbal
Il existerait deux grandes catégories de corps menteurs : ceux qui s’adonnent « à la théâtralisation extrême » – il gesticule, rit de manière intempestive, marche, se lève de sa chaise – et, à l’inverse, le corps « dont la rigidité confine à la crispation ». L’auteur recommande d’être plus attentif à la gestuelle du corps qu’au contenu exprimé et invite à se souvenir de la fameuse pyramide de Mehrabian, un professeur de psychologie, enseignant aux États-Unis dans les années 70. Le chercheur s’était livré à de nombreuses expériences destinées à mesurer ce qui primait dans un échange entre deux personnes. Il fit dire à des cobayes les mots « miel », « cher », « terrible », « brute », parfois en adoptant le ton et la mimique afférents – en disant « miel », le cobaye sourit doucement, mais, en prononçant « brute », il prend un visage effrayé –, d’autres fois en revanche en dissociant de manière non congruente le mot et l’attitude. Exemple : le locuteur dit « miel » d’une voix pincée, son visage exprime l’envie de vomir. Ou bien il prononce « brute » d’un ton suave en arborant une mine séduite. Résultats : celui qui reçoit le message retient 7 % du verbal (les mots), 38 % du paraverbal (l’intonation, le ton de la voix) et 55 % du non-verbal (mimique, grimaces, regard, lèvres, corps). Autrement dit, dans un échange, ce que le corps exprime s’impose bien plus que ce que notre bouche verbalise. D’où l’intérêt d’être attentif au langage non verbal si nous voulons échapper aux manipulations.