C’est l’avion de chasse le plus cher du monde, le plus furtif et le plus neuf. Le F-35 américain est la star de ce 52e Salon aéronautique du Bourget, qui ouvre ses portes au grand public ce vendredi pour trois jours. Attendu depuis longtemps, l’avion futuriste aux formes arrondies vole pour la première fois depuis le début de la semaine dans le ciel parisien. A 300 m de lui trône l’autre star du salon, un habitué du Bourget, le Rafale…
Même si l’américain, construit par Lockeed Martin, et le français, bijou technologique de Dassault, n’ont jamais combattu dans les airs l’un contre l’autre, une vraie guerre commerciale se joue entre ces deux avions, entre les Etats-Unis et la France. Si depuis 2015 Dassault peut s’enorgueillir d’avoir vendu son «bébé» en dehors de l’Hexagone, au Qatar, à l’Egypte et à l’Inde, soit 84 appareils, le «baby» de Lockeed Martin affiche au moins 450 commandes plus ou moins fermes venues des huit partenaires du programme (Australie, Canada, Danemark, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Turquie), auxquels il faut ajouter la Corée du Sud, Israël et le Japon qui l’ont déjà acquis. Et la liste n’est pas près de s’arrêter. La Belgique, la Suisse ou encore l’Allemagne doivent renouveler leurs flottes.
«Le F-35 est une vraie machine à tuer l’industrie européenne», estime Massi Begous, directeur associé chez Roland Berger et spécialiste des questions de défense. Car, outre Dassault avec son Rafale, deux autres constructeurs européens, Eurofighter (Airbus, BAE et Leonardo) et Saab avec son Gripen, cherchent désespérément des clients. «Le risque est que, peu à peu, l’Europe ne soit plus en capacité de fabriquer ses propres avions de chasse et soit totalement dépendante des Américains. Quid alors de l’Europe de la défense quand pour obtenir vos pièces de rechange vous dépendez du bon vouloir américain ?»
Comment en est-on arrivé là ? «C’est toute la force de persuasion du marketing américain, analyse une source chez Dassault. Ils ont su associer plusieurs Etats à la construction du F-35 pour le financer. Et maintenant que son coût explose, ces Etats sont pieds et poings liés.» Estimé au départ à 210 Mds€, son développement est passé à 360 Mds€, de quoi faire grincer les dents de certains pays, comme le Canada, mais aussi du président américain, Donald Trump, qui a exigé du constructeur une ristourne de plusieurs centaines de millions d’euros.
D’ailleurs, les pilotes américains ont un avis mitigé sur le F-35. L’avion de chasse made in Etats-Unis, qui ressemble à un Rafale en plus lourd, se révèle peu maniable. Qu’importe, sa furtivité et surtout sa connectivité, qui lui permet de mener des missions en réseau avec tous les autres appareils, font de lui un adversaire redoutable. «Sur le papier, oui, c’est un bel avion, reconnaît une source chez Dassault. Mais ça reste théorique. Il n’a pas encore été éprouvé au combat.» Le contraire de l’avion français, qui a pu montrer ses capacités multirôles au Mali, en Libye, en Irak et en Syrie.
«Le Rafale n’a pas à rougir de ses performances par rapport au F-35, poursuit Massi Begous. D’autant que l’avance technologique du F-35 n’est pas extraordinaire et, surtout, elle se paie bien trop cher.» Ainsi, au prix catalogue, vol en avion de chasse Paris Melun l’avion furtif américain est affiché à 110 M€ contre 80 M€ pour le Rafale.