Parfois, un détail vous éclaire sur la nature d’une table. Ce peut être la vitrine et un rideau écartant le reste du monde, une chaise trop basse, un maître d’hôtel parlant tout doucement… Pris dans une imparable logique, le restaurant peut se lire ainsi dans tous ses signes. Il reste si souvent cohérent. Ici, à deux pas de la Bourse, à Paris, ce qui est frappant chez Accents, c’est l’organisation de l’espace. Mûrement pensée par le chef (Jean-Christophe Rizet) et la décoratrice d’intérieur (Caroline Tissier), celle-ci ménage dans l’entrée une grande marge étrangement calme. Juste une table étroite, le vestiaire en retrait, la cave à vin et ses vitres. Il y a un blanc. Alors que, d’habitude, le moindre centimètre carré est habité, exploité. Cela en dit long sur l’esprit de la cuisine. Elle aussi dans ses plats joue avec l’espace, fait des niches. Une respiration. Ainsi en va-t-il des ravioles de langoustines servies avec un bouillon corsé et, en contrebas du récipient, une chantilly aux feuilles de lime. C’est subtil, facétieux, d’autant que la température est très juste. Pas trop chaud (cela casse souvent les saveurs), juste une jolie tiédeur, celle de la bouche sans doute, de la paume (comme avec les sushis), si bien que l’on se glisse très vite dans cette composition tout en finesse. N’allez pas croire pour autant que la cuisine de l’ancien chef de La Truffière (1-étoile) fait dans le chuchotement, l’effleuré, le joli. Non, lorsqu’il attaque le demi-pigeon de Mesquer, de chez Rémy Anézo, cela se fait frontalement, quoique avec élégance. Comme la carte des vins défendue par Etienne Billard, qui a beaucoup de chien. Les desserts réalisés par la chef associée, la Japonaise Ayumi Sugiyama-Shinjo, prolongent cet univers, à la fois délicat et affirmé : bulle de mangue et ananas, mousse coco, coulis persil citron. Comme par capillarité, la clientèle se met au diapason et respecte la mélodie suggérée. Bien, non ?