Et dire que la solution était sous nos yeux depuis des décennies ! Ce plastique qui nous rend dingues à force d’envahir nos poubelles et d’étouffer nos océans pourrait disparaître grâce à une méthode toute bête : le donner à becter à des asticots détrousseurs de ruches. D’habitude, ceux-ci se nourrissent de miel et de cire d’abeille, mais, à l’occasion, ils ne boudent pas le polyéthylène, dont la composition n’est pas très loin de leur mets préféré.
La découverte de cet appétit pour le plastique découle d’un incroyable hasard. Chercheuse au Spanish National Research Council, l’équivalent espagnol du CNRS, Federica Bertocchini élève également des abeilles. Un beau jour, elle remarque que les cadres en bois qu’elle venait de sortir de ses ruches et de vider de leur miel sont envahis de vers en train de boulotter les restes de miel et de cire. Il s’agit, en fait, des larves du « papillon de la ruche », appelé encore la fausse teigne de sire (Galleria mellonella) Elle raconte la suite : « J’ai enlevé les vers que j’ai enfermés dans un sac en plastique pendant que je nettoyais les cadres. Quand je suis retournée dans la pièce où j’avais laissé les vers, j’ai constaté qu’ils étaient partout. Ils s’étaient échappés du sac que j’avais fermé et, en l’inspectant, j’ai vu qu’il était percé de plein de trous. » Bref, les asticots avaient bouffé le plastique. Federica a aussitôt compris l’importance de sa découverte. Elle se met aussitôt au boulot avec deux collègues de l’université de Cambridge. Première étape : mesurer l’efficacité des larves. Environ 1 100 d’entre elles seraient capables de biodégrader 1 gramme de polyéthylène en douze heures. Il ne faut pas croire, c’est une excellente performance, car celui-ci est une des matières les plus compliquées à décomposer. Livré à lui-même, il s’autodétruit en… quatre cents ans.
Le problème, c’est que l’humanité produit annuellement quelque 80 millions de tonnes de polyéthylène. Pour les dégrader, il faudrait employer 500 000 milliards d’asticots. Une sacrée usine ! Aussi Federica et ses collègues cherchent-ils plutôt à identifier l’enzyme qui, dans le corps du vers, est responsable de la dégradation du polyéthylène. Si jamais il existe, ce dont ils ne sont pas encore certains. Si donc cet enzyme existe bel et bien, il restera à trouver un moyen de le produire à l’échelle industrielle. L’idée est excellente. Reste à savoir si le processus n’engendre pas d’autres déchets.