Les annonces navrantes de reboots se suivent et se ressemblent tristement à Hollywood. Après avoir piétiné en 2012 le Total Recall de 1990 via un reboomake (reboot, remake, on ne sait plus trop, du coup, on fusionne) affligeant, Columbia Pictures récidive et projette désormais de cloner l’autre grand space opera de Paul Verhoeven : Starship Troopers.
Révélée par le Hollywood Reporter, l’info cumule tous les signaux avant-coureurs du nanar. Le producteur de cette mauvaise farce n’est autre que l’horrible Neal H. Moritz, l’homme qui a érigé au rang d’art maléfique l’abêtissement du blockbuster américain (les franchises Fast & Furious et xXx, c’est lui, tout comme les impérissables RIPD brigade fantôme, World Invasion : Battle Los Angeles ou encore Le Frelon vert).
Les scénaristes de ce futur Starship Troopers, Mark Swift et Damian Shannon, sont les ténors coupables de scripts de Freddy contre Jason, Vendredi 13 et bientôt… le reboomake cinéma de Baywatch/Alerte à Malibu. Pire encore, les instigateurs de ce sinistre projet se sont empressés de jurer que le reboomake de Starship Troopers n’en était pas un, mais serait plutôt une nouvelle adaptation du roman de Robert Heinlein (Étoiles, garde à vous ! en VF), classique de la science-fiction littéraire de la fin des années 50. Ben voyons, mon colon ! Le même alibi de la « relecture » nous avait déjà été servi par Columbia au moment du Total Recall de 2012, mais personne n’est dupe : ce « nouveau » Starship Troopers doit entièrement son existence à la volonté de capitaliser sur la « marque » créée voici presque 20 ans par Paul Verhoeven.
De paresseux tricoteurs
À sa sortie aux États-Unis, le chef-d’oeuvre du maître hollandais avait été paradoxalement cloué au pilori par les critiques, offusqués par la violente charge satirique d’un film brocardant de façon très provoc l’interventionnisme mondial américain. Starship Troopers avait par ailleurs essuyé un cruel revers au box-office, mais se refit une telle santé grâce au marché naissant du DVD que deux (piteuses) suites furent produites directement en vidéo. Aujourd’hui, Starship Troopers est devenu une licence forte de la pop culture et reste considéré comme l’un des plus beaux fleurons du film de science-fiction. Un jeu de massacre à la fois potache et hallucinant de sauvagerie, l’un des sommets créatifs de la carrière de Paul Verhoeven. C’est évidemment sur cette renommée et le travail du cinéaste que capitalisent les paresseux tricoteurs du reboomake à venir, et non pas sur le livre de Heinlein quasiment oublié du grand public.
Comme pour les nouvelles versions ratées de Total Recall et Robocop, il y a fort à parier que le prochain Starship Troopers fera le nettoyage par le vide de la violence et de la subversion politique de son modèle, pour livrer une crétinerie tout public sans saveur ni odeur, uniquement axée sur le spectacle. Et qui, de surcroît, se prendra probablement une gamelle au box-office. Après tant de crashes commerciaux de reboots-remakes mal fichus et édulcorés confiés à des bras cassés, on persiste à ne pas comprendre l’entêtement des studios. Pour une résurrection de Star Trek réussie (et encore…), combien de Karaté Kid, Point Break, Conan, Carrie la vengeance, The Thing, Le jour où la Terre s’arrêta, Oldboy ou SOS Fantômes sans âme, fabriqués pour les sous et finalement accidentés industriels ?
Le porte-monnaie des foules sentimentales
Lorsque Brian De Palma refaisait le Scarface de Howard Hawks ou que John Carpenter réinventait le The Thing de Christian Nyby (produit par Hawks), il s’agissait avant tout d’imposer leurs regards de metteur en scène pour une véritable relecture de classiques déjà vieux de plusieurs décennies. Et même lorsque George Lucas et Steven Spielberg signaient des remakes hybrides non officiels du cinéma de leur enfance, avec Star Wars et Les Aventuriers de l’arche perdue, ils prenaient le soin de mitonner des mythologies entièrement neuves à partir du passé.
Les reboots ou remakes crachés à la chaîne depuis une quinzaine d’années par des studios créativement à bout de souffle n’offrent qu’un grand vide artistique. Misant tout leur marketing sur le sempiternel et démagogique effet nostalgique savamment semé, ils ne visent que le porte-monnaie des foules sentimentales et toujours flouées. Ils méritent au centuple la pluie d’opprobre et l’amère récolte assurée de leur paresse cupide.