Mads Mikkelsen : « J’ai besoin de faire un break »

Mads Mikkelsen, 51 ans le 22 novembre prochain, renoue avec sa fibre geek en enchaînant pour le compte de Disney un rôle de méchant chez Marvel et un autre plus nuancé, à découvrir dés le 14 décembre, dans Rogue One : A Star Wars Story. Interprète dans Dr Strange du très vilain magicien Kaecilius, l’ex-acteur fétiche de Nicolas Winding Refn, primé à Cannes pour le drame La Chasse, revendique son éclectisme et ne marcher qu’au coup de coeur. Le Danois au charme ensorceleur vient, en tout cas, de briser le nôtre, de coeur, en affirmant vouloir se mettre au vert ces prochains mois.

Le Point Pop : C’est étonnant de vous voir jouer les vilains de service chez Marvel. Qu’est-ce qui vous a convaincu ?

Mads Mikkelsen : À peu près tout ! Mais surtout le fait que Benedict joue le Dr Strange et le fait que Scott Derrickson m’ait pitché le film en prononçant les mots magiques « kung-fu volant »…  Comment refuser une telle offre ? Et j’adorais aussi l’idée de partir un mois dans un boot camp avant le tournage, à apprendre les mouvements de kung-fu, m’entraîner à sauter avec des câbles… Ce n’était pas si dur que ça, sauf qu’à 50 ans on se remet beaucoup plus lentement de ses bleus qu’à 20.


On a du mal à vous associer à l’univers de la pop culture.

Ça doit être parce que je suis un acteur danois, on m’imagine plus branché par les films d’auteur, et pourtant, je vous assure que la pop culture occupait une grande place dans nos vies. Je lisais des comics, Spider-Man était mon héros préféré, j’adorais les Star Wars, j’étais un fan gigantesque de Bruce Lee et des films de kung-fu. Je lisais des BD de toutes sortes, américaines mais aussi françaises comme celles de Moebius, Tardi ou Hergé. J’ai même gardé ma collection de vieux comics et, jusqu’à mes 30 ans, j’achetais particulièrement les premiers numéros de comics anciens, je les ai toujours. Plus tard, quand les super-héros ont investi de plus en plus le cinéma, j’ai été ébloui, mais je n’aurais jamais imaginé être dans l’un d’entre eux.

On vous dit féru des biographies de Staline, d’Hitler, de Mao…

Tous les grands dictateurs, oui. Mais aussi de grands hommes d’État plus pacifiques type Churchill, je vous rassure. C’est intéressant d’essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des tyrans. Mais, plus encore, comment des populations entières ont pu adhérer à leurs idées. Par quels mécanismes un démagogue l’emporte-t-il ? Certes, les dictateurs ont avant tout exercé leur emprise à travers la peur, mais aussi à travers leur pouvoir de conviction. Mon personnage dans Dr Strange est aussi un démagogue, il croit profondément dans son propre discours et arrive à le vendre d’autant plus facilement aux autres.

On trouve une philosophie sur la quête de la vie éternelle dans Dr Strange.


Un moine bouddhiste a servi de conseiller technique sur le plateau : êtes-vous aussi attiré par la spiritualité que Benedict Cumberbatch ?

J’ai vu l’homme dont vous parlez sur le tournage, mais je n’ai jamais eu affaire à lui. Il faisait méditer Benedict et les autres. Au début, j’ai cru qu’il faisait partie des figurants (rires). J’ai essayé de lui faire un « high five », mais il n’était pas très partant, on dirait. Suis-je spirituel ? Non, pas vraiment. Je suis un pragmatique, je crois en la science.

Jouer les vilains dans deux franchises Disney (Dr Strange et Rogue One), est-ce une récréation volontaire après vos rôles psychologiquement éreintants dans La Chasse, Hannibal ou les films de Nicolas Winding Refn ?

Non, c’est beaucoup plus simple. On me propose des projets et, ceux que j’aime, je dis oui. Je ne me dis jamais que mon prochain film doit être comme ci ou comme ça : quel qu’il soit, j’ai juste besoin d’aimer la vision que me propose le réalisateur.

C’est un vrai luxe que peu d’acteurs peuvent s’offrir… Il y a beaucoup de films que j’aurais aimé faire et qu’on ne m’a jamais proposés. Mais sinon, ça fait longtemps que je refuse les rôles que je ne sens pas. Même si c’est la pire chose qui va avec ce métier, rester sans travailler ne m’a jamais fait peur. J’ai commis une fois l’erreur de m’engager dans une aventure qui ne me plaisait pas. Ça ne se passe jamais bien, pour personne. Dans ces situations, on joue mal et ça ne rend pas heureux.


Vous avez d’abord été gymnaste puis danseur professionnel : qu’est-ce qui vous a amené à la comédie ?

C’est un peu surréaliste. Je ne pourrais pas vous dire comment je suis passé de danseur à acteur, j’ai juste été naturellement attiré par l’art dramatique. Ce métier est génial parce qu’il vous offre la possibilité de faire des choses pour lesquelles on doit normalement payer très cher : monter à cheval, apprendre le piano, faire du kung-fu… Il vous donne aussi  la chance de rencontrer tant de monde. Et surtout, on a l’occasion de pénétrer dans l’esprit d’autres personnages et donc d’apprendre sur soi-même.


Tout comme pour les X-Men, par exemple, pensez-vous que Doctor Strange puisse se prêter à une métaphore particulière ?

Si c’était l’objectif du film, alors on s’est planté ! Je ne suis pas certain que, dans un film de divertissement pur, on doive sans cesse se croire obligé de glisser un discours politiquement correct. Pour moi, le politiquement correct, c’est la mort immédiate de toute créativité, quel que soit le genre que vous abordez. Après, je viens d’un pays où le racisme n’est pas un problème aussi important qu’ailleurs…  Mais je pense qu’à moins de l’évoquer subtilement dans un contexte je ne suis pas sûr que d’aborder lourdement une question comme le racisme dans un blockbuster soit toujours heureux. Si vous voulez parler du racisme, faites un film qui aborde vraiment la question de front.

Je veux jouer un zombie !


Donc Doctor Strange, est-ce un divertissement à 100 % ?

Je crois quand même qu’on y trouve une philosophie… Toute cette thématique sur la quête de la vie éternelle, à quoi ressemblerait la vie si on trouvait le secret de l’éternité, c’est une question puissante que tout le monde s’est posée à un moment de son existence.

Être acteur c’est une façon d’être éternel, c’est bien connu.

Ah oui, mais j’espère quand même que le but premier des gens qui font ce métier est l’aptitude à toucher des gens plutôt que d’accéder à l’éternité !

Avec quel autre tournage enchaînerez-vous prochainement ?

Aucun ! En ce moment, je ne fais absolument rien, à part la promotion de Dr Strange. Je ferai ensuite la promotion de Rogue One et puis…. rien . J’ai décidé de faire un break, j’ai besoin de décrocher un peu pour recharger mes batteries, réfléchir à quelle direction prendre. Si on me propose un projet pour lequel j’ai un coup de foudre, j’en serai. Sinon, je ne vais courir après rien de spécial dans les mois qui viennent. Je n’arrête pas le métier, c’est juste une pause qui va me faire beaucoup de bien.

James Bond, Star Wars, Marvel… Vous commencez à collectionner les franchises de pop culture majeures. Laquelle manque encore à votre  palmarès ?

Des zombies ! Je n’en ai encore jamais fait, alors que j’adore les films de zombies. Je pourrais même jouer un zombie !