Calais est la ville de cette rentrée. Après Nicolas Sarkozy, c’est au tour de François Hollande de se rendre à la sous-préfecture du Pas-de-Calais, où le campement de la « Jungle » grossit. Ce déplacement de quelques heures, le premier de son quinquennat à Calais, survient dans un contexte de tension. Le président de la République est arrivé à Calais. « Nous devons démanteler complètement, définitivement le camp », a-t-il expliqué.
Le chef de l’État rencontrera au cours de cette visite les forces de l’ordre, des élus, ainsi que des chefs d’entreprise et des acteurs associatifs. Aucune séquence n’est prévue en revanche sur le campement de la Lande (son nom officiel) où s’entassent entre 7 000 et 10 000 personnes, selon les comptages. « Notre conviction, c’est que sur ce sujet, il est possible de faire appel à la raison des gens. Ce sont des sujets d’une très grande complexité, d’une très grande sensibilité, mais, derrière les surenchères politiques, le brouhaha médiatique, il est possible d’expliquer les choses », veut-on croire à l’Élysée, qui anticipe « un discours d’équilibre » du chef de l’État.
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« Un bobard par jour »
Samedi, déjà, François Hollande avait affirmé sa volonté de « démanteler Calais entièrement » et assuré que la France ne serait « pas un pays de campements », à l’occasion d’une visite à Tours dans l’un des 164 centres d’accueil et d’orientation (CAO) ouverts pour accueillir les migrants évacués de Calais et de Paris. Ce déplacement à Calais, initialement prévu cet été, avait été repoussé en raison des attentats de Nice et Saint-Étienne-du-Rouvray, selon l’entourage du chef de l’État. François Baroin, soutien de Nicolas Sarkozy, ne trouve cependant « pas normal » que François Hollande n’y soit pas allé « plus tôt ».
La visite intervient dans un contexte de polémiques croissantes sur la répartition des migrants de Calais, pour lesquels l’État cherche à créer 9 000 nouvelles places en CAO d’ici la fin de l’année. Le gouvernement peut bien en appeler à la solidarité nationale, et Bernard Cazeneuve répéter que la taille des centres sera proportionnée aux capacités d’accueil. Çà et là, sur le terrain, des opposants se mobilisent dans les communes concernées. Samedi encore, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Versailles et Louveciennes (Yvelines) contre le projet d’installation de centres d’accueil.
Et même si les manifestations restent somme toute peu nombreuses au regard des projets engagés, leur écho médiatique est intense, décuplé par les dénonciations du Front national. Une partie de la droite a embrayé, derrière le président par intérim du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, en agitant le chiffon de « mini-Calais » ou de « mini-campements ». Du côté du gouvernement, la menace fait bondir : il faut « arrêter avec la stratégie un bobard par jour« , a lancé vendredi le ministre de l’Intérieur.
12 migrants décédés
Bernard Cazeneuve avait annoncé le démantèlement de la Jungle lors de sa précédente visite début septembre à Calais, alors que les transporteurs et chefs d’entreprise de la région, excédés par les intrusions répétées sur la rocade, avaient décidé d’une opération escargot sur l’autoroute. Le démantèlement vise aussi à mettre un terme à une situation humanitaire extrêmement dégradée sur ce campement surpeuplé, où le climat de tensions va croissant. Une situation qui se traduit aussi par un lourd bilan humain : depuis le début de l’année 2016, douze migrants sont décédés dans le Calaisis, dont cinq percutés sur la rocade portuaire.
La visite présidentielle se déroulera d’ailleurs dans un climat électrique, en pleine construction d’un mur de béton « anti-intrusion » censé empêcher les migrants de monter dans des camions et gagner le port pour rejoindre la Grande-Bretagne. La maire de la ville, Natacha Bouchart (LR), devenue hostile depuis peu à la construction de ce mur, a menacé vendredi de prendre si besoin un « arrêté interruptif » de ces travaux. Cependant, « la préfecture peut passer outre » cet arrêté et ne pas l’appliquer, a-t-elle précisé. Dans une lettre ouverte, des associations d’aide aux migrants, dont Médecins du Monde, appellent François Hollande à « sortir d’une logique gestionnaire » de la crise et souhaitent que sa venue « soit l’occasion d’une annonce forte: (…) celle d’accueillir les personnes qui nous demandent protection ».