Loi travail : 62 interpellations dont 32 gardes à vue dans toute la France

Plusieurs milliers de personnes battaient le pavé jeudi partout en France afin de réclamer l’abrogation de la loi travail. Comme lors des précédentes journées, des échauffourées ont éclaté entre CRS et des jeunes à Paris, avec des tirs de gaz lacrymogène et des dégradations. Certains manifestants ont lancé des projectiles, dont des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué en tirant des grenades de gaz lacrymogène dans la foule. Selon la préfecture de Paris, seize personnes ont été interpellées avant et pendant la manifestation : au moins cinq pour jets de projectiles, deux pour violences sur agent de la force publique et cinq pour rébellion ou port d’arme prohibé. Parmi les 12 blessés légers, un CRS a été brûlé à la jambe après le jet de cocktails Molotov devant un café place de la République. Un manifestant a été blessé par des jets de projectiles, avait précisé en milieu d’après-midi la préfecture de police (PP) de Paris. Un membre des forces de l’ordre, blessé à la tête après un jet de projectile, a été hélitreuillé.

Dans toute la France, Bernard Cazeneuve annonce 62 interpellations, dont 32 gardes à vue. « Au total, 15 policiers et gendarmes ont été blessés à Paris et en province, dont deux grièvement, qui ont été hospitalisés », a-t-il ajouté, regrettant des incidents dans la capitale mais aussi à Nantes, Rennes, Rouen, Grenoble, Toulouse et Montpellier.

#Manif15Septembre 17 interpellés. Blessés: 4 manifestants, 8 policiers & gendarmes dont 2 présentant des brûlures pic.twitter.com/daIAcxjBoP

— Préfecture de police (@prefpolice) 15 septembre 2016

Paris, Tours, Marseille, Nantes, Rennes, Le Havre, Lyon, Clermont-Ferrand, Grenoble, Châteauroux… : des manifestations, parfois émaillées de violences, étaient organisées dans plus de 110 villes pour cette 13e journée d’action depuis mars – la 14e en comptant le 1er mai – contre le texte promulgué en août, qui aura déclenché des mois d’affrontements politiques et de conflit social, sans faire plier l’exécutif.

Une journée aux allures de baroud d’honneur, alors que le gouvernement veut aller vite sur ce dossier épineux et que la plupart des décrets de la loi, dont les plus décriés (temps de travail, référendum en entreprise, accords offensifs), doivent être publiés en octobre.

Baisse de fréquentation

À Paris, plusieurs milliers de personnes manifestaient dans l’après-midi, à l’appel de l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl et UNL), entre Bastille et République, sous la surveillance de 1 200 policiers. « Il y aura moins de monde parce qu’il y a déjà eu douze journées de manif, c’est beaucoup pour les salariés, c’est compliqué », a prévenu le leader de FO, Jean-Claude Mailly. « J’ai eu les chiffres de la mobilisation en province, ce n’est pas ce que j’appelle un baroud d’honneur », a en revanche estimé Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.

Lors de la précédente journée, le 5 juillet, à peine 30 000 personnes avaient manifesté dans toute la France, selon la police, qui en avait recensé entre 6 500 et 7 500 à Paris (45 000, selon les syndicats). Au plus fort de la contestation, le 31 mars, entre 390 000 personnes (autorités) et 1,2 million (syndicats) étaient descendues dans la rue.

« On va leur montrer que, loi ou pas, ils nous trouveront toujours face à eux », a expliqué François Roche, délégué du personnel CGT chez Airbus Helicopters, dans le défilé à Marseille, où quelques milliers de personnes ont battu le pavé. Au Havre, baptisée au printemps « capitale » de la mobilisation, ils étaient 3 000, selon la police, 12 000, selon l’intersyndicale. En marchant à Nantes, Rebecca, 32 ans, déjà quelques manifs à son actif, a voulu « montrer qu’on est toujours là et qu’on n’est pas d’accord ». Le défilé nantais, qui a réuni environ 4 000 personnes, a été émaillé de quelques affrontements avec la police. Plusieurs personnes ont été interpellées. Le cortège rennais a lui aussi été tendu. À Belfort, le défilé s’est transformé en manifestation des « Alsthommes », qui ont voulu « marquer le coup » pour réclamer le maintien dans leur ville de l’activité ferroviaire d’Alstom, une semaine après l’annonce de son transfert vers l’Alsace d’ici à 2018.

Abrogation du texte de loi

Des appels à la grève ont été lancés dans la fonction publique, à La Poste, chez Air France, à France Télévisions ou chez les intermittents du spectacle. À la SNCF et à la RATP, le trafic était normal. Mais dans le ciel, plus de 20 % des vols ont été annulés jeudi matin à Orly. Le mot d’ordre : l’abrogation d’un texte qui instaure notamment la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche en matière de temps de travail, et que ses opposants considèrent comme facteur de moins-disant social. « On n’est pas perdants, on a obtenu des modifications. Le grand perdant de cette loi, c’est François Hollande », a déclaré Jean-Claude Mailly.

Treize journées de mobilisation, une pétition record, des sondages défavorables, recours à l’article 49.3 pour faire passer le texte sans vote au Parlement… : cette réforme a connu un parcours particulièrement agité. Fort du soutien de la CFDT, l’exécutif est resté inflexible, défendant un texte de « progrès social » et le présentant comme une solution pour lutter contre le chômage. Aucune nouvelle date de mobilisation n’est prévue, mais les contestataires espèrent maintenir la pression et empêcher l’application de la loi, en entreprise et devant la justice.