Saint-Étienne-du-Rouvray : le récit glaçant des trois religieuses

Mardi 26 juillet, la France est de nouveau touchée par un attentat. Douze jours après les 84 morts de la promenade des Anglais, à Nice. Cette fois-ci, l’attaque se déroule dans une petite ville normande. L’église de Saint-Étienne-du-Rouvray est prise pour cible par deux terroristes. À l’intérieur, le père Jacques Hamel célèbre la messe. Un couple de fidèles paroissiens est assis sur un des bancs en bois. Trois religieuses sont également présentes. Survient l’horreur. Quatre jours après le drame, le prêtre a été égorgé par les assaillants, elles témoignent dans La Vie. Le récit est glaçant.

Le style des terroristes « qu’on voit à la télé »

À 9 h 30, un jeune homme se présente. « Avec son polo bleu ciel, je l’ai pris pour un étudiant. Il voulait savoir quand l’église était ouverte. Je lui ai dit de repasser dans dix minutes, après la messe », se souvient sœur Huguette. Dix minutes plus tard, il revient. Avec une autre personne. « Ils avaient le style des terroristes qu’on voit à la télé. L’un portait un calot noir sur la tête et la barbe bien fournie. J’ai tout de suite compris », signale la deuxième religieuse, Hélène. Son intuition s’avère exacte : très vite, les deux assaillants – Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean – passent à l’action. Ils disent « une sorte de slogan en arabe » et reprochent ensuite, en français cette fois-ci, que « nous les chrétiens, nous ne soutenions pas les Arabes ». Le drame s’accélère.

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Ils jettent tout ce qui se trouve sur l’autel et demandent au prêtre de se mettre à genoux. « Jacques leur a crié : Arrêtez qu’est-ce que vous faites ? C’est là que l’un d’entre eux a porté le premier coup sur sa gorge. Je suis alors partie », signale Danielle. Elle donne l’alerte. Les deux autres sont toujours à l’intérieur de l’église, tout comme le couple, dont l’homme est affublé par les terroristes d’une caméra, avant d’être blessé. Le père Hamel est touché par un second coup de couteau, fatal. La scène a été filmée. « J’ai vu sur l’écran l’aube blanche de Jacques avec la tache rouge », raconte Huguette. « Ils nous tenaient chacune par l’épaule. L’un avait un pistolet. J’ai assez vite pensé qu’il était factice. Cela nous a été confirmé après. Celui qui me tenait avait aussi du sang sur les mains et un couteau qu’il aiguisait de temps en temps contre je ne sais quoi », ajoute Hélène.

« Quand vous arrêterez, nous arrêterons »

Après cet accès de violence, Kermiche et Petitjean changent d’attitude. « J’ai eu droit à un sourire du second. Pas un sourire de triomphe, mais un sourire doux, celui de quelqu’un d’heureux », raconte sœur Huguette. Une conversation spirituelle s’engage.  L’un des deux hommes demande à sœur Hélène si elle connaît le Coran. « Oui, je le respecte comme je respecte la Bible, j’ai déjà lu plusieurs sourates. Et ce qui m’a frappé en particulier, ce sont les sourates sur la paix », répond la religieuse. « La paix, c’est ça qu’on veut, réplique-t-il. Quand vous passerez à la télévision, vous direz à vos gouvernants que tant qu’il y aura des bombes sur la Syrie, nous continuerons les attentats. Et il y en aura tous les jours. Quand vous arrêterez, nous arrêterons. » La discussion glisse ensuite sur Jésus. Les religieuses répondent, équilibristes : ne reniant pas leur opinion tout en ne provoquant pas les terroristes. Vient l’acte final.

Pas de vrais musulmans

« Visiblement, ils attendaient la police », croit savoir sœur Hélène. Les forces de l’ordre approchent. Les trois femmes (les deux religieuses restantes et l’épouse du « caméraman ») sont utilisées comme des boucliers. Finalement, les deux hommes sont abattus, les otages libérés. « Ce sera difficile, quand on retournera dans l’église et qu’il faudra assurer les permanences dans son presbytère, analyse sœur Danielle. C’est nous, mais c’est aussi tous les autres qui ont été visés. On ne peut pas accepter cette violence. C’est inacceptable. Ce ne sont pas de vrais musulmans. » « Je ne sais pas s’ils avaient conscience de leurs actes. Il ne faut pas chercher à comprendre », conclut sœur Hélène.

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