Cagnotte de « Charlie Hebdo » : la veuve d’un journaliste accuse la direction

Un an et demi après la tragédie de Charlie Hebdo, le journal satirique est une nouvelle fois sous le feu des critiques. La veuve de Michel Renaud, abattu lors de l’attaque terroriste du 7 janvier 2015, traîne en justice la nouvelle direction du titre pour « abus de confiance », comme le rapporte le quotidien régional La Montagne ce samedi 18 juin. Gala Renaud a adressé une lettre au procureur de la République de Paris dans laquelle elle accuse le directoire d’avoir détourné des millions d’euros provenant d’un appel aux dons mais aussi des recettes phénoménales engrangées par les ventes du numéro « des survivants ».

L’émotion suscitée par l’assassinat des membres de la rédaction par les frères Kouachi avait donné lieu à un formidable élan de soutien, y compris financier, de la part des Français. En tout, Me Portejoie, l’avocat de Gala Renaud, évoque dans la plainte une cagnotte atteignant plus de 16 millions d’euros : 12 millions provenant des ventes, 4,3 millions pour les dons. Des sommes censées être reversées aux familles, comme l’avait annoncé l’ex-directeur de la publication Philippe Val. Une promesse qui n’a jamais été tenue, d’après la veuve du journaliste, qui n’hésite pas à évoquer une « trahison » de la part de la nouvelle direction.

Une démarche inutile et déplacée, pour le directeur

Finalement, la direction fait volte-face et décide de conserver le bénéfice de ces ventes exceptionnelles. « Les acheteurs du journal comme les victimes de l’attentat et leurs ayants droit ont été dupés par la direction (…), qui est délibérément et unilatéralement revenue sur ses engagements. (…) Ce revirement démontre en réalité une intention de détourner les fonds promis initialement aux familles », fait savoir Gala Renaud dans le document adressé à la justice. Contacté par La Montagne, Éric Portheault, l’actuel directeur de Charlie Hebdo, se dit de son côté « étonné et choqué » de la démarche de l’épouse de Michel Renaud et réfute la volonté initiale de reverser les fonds aux proches des disparus.

« Nous avons toujours déclaré que le produit de la vente du journal serait consacré à assurer sa pérennité. Ce choix légitime ne saurait être remis en cause par cette initiative sans fondement juridique ou moral. Nous ne comprenons pas la démarche de la plaignante (…) et en déplorons le caractère inutile et déplacé. » Une démarche pourtant nécessaire aux yeux de la veuve du journaliste : « Je ne fais pas ça pour l’argent, mais pour la mémoire de mon mari », écrit Gala Renaud, qui avait auparavant demandé plus de transparence concernant les aides financières qui lui étaient attribuées par le journal pour elle et sa fille de 11 ans. « Avant la tuerie, Charlie était dans une situation financière catastrophique. C’est désormais le journal le plus riche de France. Je ressens ce déséquilibre comme une injustice profonde. Michel n’est pas mort pour ça », conclut-elle.