Les difficultés d’approvisionnement en carburant persistaient lundi soir dans certaines stations-service avec de nouveaux blocages d’opposants au projet de loi travail, tandis que les opérateurs mettaient les bouchées doubles pour réapprovisionner leurs réseaux, laissant espérer une amélioration d’ici à la fin de journée. Des militants CGT bloquaient ainsi depuis la nuit de dimanche à lundi le site de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), qui comprend notamment une raffinerie et un dépôt de carburant, rejoignant les actions pratiquées depuis plusieurs jours dans le Nord et l’Ouest. Six raffineries sur les huit que compte le pays étaient touchées lundi, contre quatre la veille.
Évoquant « des actions de blocage » qui ne sont pas « légitimes », le ministre des Finances Michel Sapin a réaffirmé que le gouvernement utiliserait « tous les instruments qui sont dans [ses] mains » pour débloquer la situation. « Parler de pénurie crée la pénurie », a-t-il averti. La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a pour sa part déploré que « des salariés », « des Français soient pris en otage ». Dimanche déjà, le Premier ministre, Manuel Valls, et le secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, avaient menacé d’employer la force publique pour « libérer » les dépôts de carburant bloqués. CRS ou gendarmes mobiles sont déjà intervenus ce week-end pour déloger les manifestants de quatre dépôts à Dunkerque (Nord), Rouen (Seine-Maritime) et Lorient (Morbihan).
1 500 stations-service sur 12 000 perturbées
Lundi soir, six des huit raffineries françaises étaient affectées comme plusieurs dépôts de carburant dans le nord-ouest de la France et le sud-est, soit par une grève de leurs salariés soit par des actions extérieures de chauffeurs routiers. Du côté des ports, où le principal appel à la grève concerne la journée de jeudi, les dockers participaient localement au blocage de dépôts pétroliers, comme celui de Donges, près de Nantes ou de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). À Nantes-Saint-Nazaire, quatrième port français, les mouvements des navires étaient autorisés dans la matinée, mais devaient à nouveau être bloqués dans l’après-midi.
Si les routiers restaient mobilisés autour des dépôts de carburant et des raffineries, selon Jérôme Vérité, secrétaire général de la CGT-Transports, leur mouvement semblait cependant en perte de vitesse après les garanties apportées par le secrétaire d’État aux Transports sur le paiement de leurs heures supplémentaires.
Ces blocages provoquent depuis plusieurs jours des difficultés d’approvisionnement de certaines stations-service, principalement dans le Nord-Ouest. À ce phénomène s’est ajoutée une ruée des automobilistes à la pompe : certains détaillants ont enregistré ce week-end une consommation « trois fois supérieure à la moyenne », selon Laurent Michel, directeur général de l’Énergie et du Climat, au ministère de l’Environnement. Lundi matin, la situation était « stable voire en légère détérioration » par rapport à dimanche, où environ 1 500 stations sur 12 000 étaient en rupture partielle ou totale, a précisé Laurent Michel à l’Agence France-Presse. Sur les 2 200 stations-service exploitées par Total en France, 509 étaient affectées lundi matin, contre 390 la veille, a précisé le groupe.
Une aubaine pour les pompistes belges
Les difficultés d’approvisionnement des stations-service françaises constituent une aubaine pour leurs homologues situées de l’autre côté de la frontière belge, a indiqué lundi la Fédération belge des négociants en combustibles et carburants (Brafco). « Les volumes vendus ont plus que quintuplé. Généralement, on n’a pas besoin de réapprovisionner les stations-service tous les jours, mais à l’heure actuelle, il y en a qui sont réapprovisionnées trois fois par jour », a expliqué à l’Agence France-Presse le porte-parole de l’association professionnelle, Olivier Neirynck.
« Depuis vendredi, il y a des files et on ne voit plus que des plaques françaises. Il y a même des personnes qui viennent en Belgique alors qu’elles habitent à plus de 50 kilomètres de la frontière », a-t-il ajouté. « Le débit habituel d’une bonne station transfrontalière tourne autour des 10 000 litres de carburant. Et depuis samedi, on est à un débit journalier de 60 000 litres », a précisé Olivier Neirynck. Le porte-parole de la Brafco a estimé qu’il n’y avait aucun risque de pénurie en Belgique. « Une centaine de stations-service » se trouvent à proximité de la frontière entre la Belgique et la France, a précisé Olivier Neirynck.
Tout en appelant les automobilistes à la « responsabilité », le gouvernement a rappelé l’existence de stocks confortables, qui permettraient d’assurer l’approvisionnement en carburant en cas de paralysie prolongée des raffineries (90 jours de « réserves stratégiques » nationales et une trentaine de jours de stocks commerciaux chez les opérateurs).