Archives mensuelles : avril 2016

Affaire de la sextape de Valbuena : vers la nullité de la procédure ?

Si Karim Benzema est écarté de l’équipe de France et ne participera à l’Euro 2016, l’affaire de la sextape impliquant Mathieu Valbuena n’est pas terminée. L’un des mis en cause , Mustapha Zouaoui, dit « Sata », présenté comme l’un des maîtres-chanteurs, a déposé vendredi une requête en nullité de la procédure, a-t-on appris samedi auprès de son avocat. Cette demande a été déposée après que la juge d’instruction de Versailles chargée du dossier eut clos son enquête et transmis le dossier au parquet, selon l’avocat, qui a confirmé une information du journal L’Équipe. Mustapha Zouaoui, homme à tout faire qui gravite depuis des années autour des footballeurs, est présenté par les enquêteurs comme le cerveau de l’entreprise de tentative de chantage à la sextape.

Le procédé policier mis en cause

Selon l’accusation, il a ourdi la manigance contre l’international français avec deux autres maîtres-chanteurs présumés, Axel Angot et Younès Houass, tous mis en examen et un temps placés en détention provisoire. En juin, Valbuena avait reçu un appel d’un inconnu lui affirmant détenir une vidéo intime. Ce maître-chanteur proposait au footballeur de trouver un arrangement, sans évoquer le montant à payer, conduisant Valbuena à déposer plainte. Une négociation avait alors commencé entre un policier, se faisant passer pour l’homme de confiance de Valbuena, et l’escroc. Or, selon l’avocat de Sata, Me Serge Money, le procédé policier s’apparente non pas à une simple constatation de l’infraction, mais à une provocation à la commission du délit, prohibée par le code de procédure pénale.

« Sans le concours de l’enquêteur, rien n’aurait été fait », a insisté Me Money. « Il n’y a pas eu de demande d’argent, ça n’est pas vrai », a-t-il ajouté, en regrettant par ailleurs qu’aucune confrontation n’ait eu lieu durant l’instruction entre son client et Mathieu Valbuena. La demande de nullité de cet acte majeur du dossier doit désormais être examinée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles. L’affaire de la tentative de chantage à la sextape avait éclaté à l’automne, lorsque le footballeur Karim Benzema avait été mis en examen, soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire entre les maîtres-chanteurs et Valbuena.

Benzema est poursuivi pour « complicité de tentative de chantage » et « participation à une association de malfaiteurs ».

Le Brésil suspendu au sort de la présidente Dilma Rousseff

La présidente brésilienne Dilma Rousseff le 13 avril 2016 à Brasilia
La présidente brésilienne Dilma Rousseff le 13 avril 2016 à Brasilia

Le Brésil entame samedi un des week-ends les plus marquants de son histoire démocratique qui va sceller en grande partie l’avenir de sa présidente Dilma Rousseff, sur le fil du rasoir d’une destitution au Parlement.

Le compte à rebours est enclenché: plus de 200 millions de Brésiliens sont suspendus aux joutes enflammées des députés, réunis depuis vendredi pour une assemblée plénière marathon de trois jours.

Des députés brésilien favorables à la destitution de la présidente Dilma Rousseff manifestent pendant la session du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFPDes députés brésilien favorables à la destitution de la présidente Dilma Rousseff manifestent pendant la session du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFP
Des députés brésilien favorables à la destitution de la présidente Dilma Rousseff manifestent pendant la session du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFP

Dilma Rousseff parviendra-t-elle à sauvera son mandat avec l’appui d’un tiers des députés? Ou sa destitution sera-t-elle approuvée par les deux tiers de la chambre basse (342 votes requis) et soumise à l’approbation définitive du Sénat?

La tension est vive, les esprits échauffés. Verdict dimanche soir, en direct à la télévision.

En attendant, les 513 députés du géant émergent d’Amérique latine reprennent samedi leur session marathon à 11H00 (15H00 GMT). Chaque parlementaire du pays-continent s’exprimera trois minutes à la tribune.

– L’opposition y croit –

Les élus ont âprement débattu vendredi du bien-fondé de la procédure de destitution de Mme Rousseff.

Brésil: la procédure de destitution © Gustavo Izús, Anella Reta AFPBrésil: la procédure de destitution © Gustavo Izús, Anella Reta AFP
Brésil: la procédure de destitution © Gustavo Izús, Anella Reta AFP

Les députés du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir et des formations d’extrême gauche ont accusé leurs rivaux conservateurs de fomenter un « coup d’État » institutionnel pour s’emparer du pouvoir qu’ils n’ont su conquérir dans les urnes en 2014.

Dilma Rousseff et son gouvernement, « le plus corrompu de l’histoire », ont « escroqué les électeurs brésiliens » en mentant sur la gravité de la situation économique, ont rétorqué les élus conservateurs.

« Il y a eu un coup (d’Etat), oui! Quand on a caché que le pays était en faillite, quand on a masqué la situation budgétaire du pays et que l’on a continué à faire d’immenses dépenses publiques! », a lancé le juriste Miguel Reale Junior, co-auteur de la demande de destitution.

L'un des juristes ayant demandé la destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff, Miguel Reale Jr, prend la parole devant la chambre basse du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFPL'un des juristes ayant demandé la destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff, Miguel Reale Jr, prend la parole devant la chambre basse du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFP
L’un des juristes ayant demandé la destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff, Miguel Reale Jr, prend la parole devant la chambre basse du Congrès à Brasilia le 15 avril 2016 © EVARISTO SA AFP

Ces débats houleux ont ouvert l’un des chapitres les plus dramatiques de la jeune démocratie brésilienne, ébranlée simultanément par un séisme politique majeur, un gigantesque scandale de corruption (la tentaculaire affaire Petrobras) et la pire récession économique depuis des décennies.

Dilma Rousseff est dans une situation critique, considérablement affaiblie par 14 mois d’une crise qui s’est embrasée en mars. Cette semaine, elle a essuyé une avalanche de défections au sein des partis du centre mou de sa coalition hétéroclite en miette.

Les acteurs clés de la crise brésilienne © Gustavo Izús, Anella RETA AFPLes acteurs clés de la crise brésilienne © Gustavo Izús, Anella RETA AFP
Les acteurs clés de la crise brésilienne © Gustavo Izús, Anella RETA AFP

L’opposition donne sa victoire pour pratiquement acquise dimanche soir.

Il suffirait ensuite, courant mai, d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour prononcer la mise en accusation de la présidente et l’écarter du pouvoir pendant au maximum six mois, en attendant le verdict final.

Dans l’intervalle, le vice-président Michel Temer, qui brigue activement le fauteuil présidentiel, assumerait provisoirement ses fonctions.

Pratiquement aussi impopulaire que Mme Rousseff, cet homme d’appareil de 75 ans aurait alors toute latitude pour former un gouvernement de transition.

– Dimanche sous tension –

L’héritière politique de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) s’accroche à l’espoir ténu d’une victoire aux forceps.

Fidèle à son tempérament combattif, elle a promis de se battre comme un footballeur « jusqu’à la dernière minute de la seconde mi-temps ».

Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, lui a apporté son soutien vendredi.

« La procédure de destitution inquiète l’OEA, l’ONU, l’UNASUR (Union des nations sud-américaines), elle préoccupe tous les pays du continent », a-t-il déclaré, ajoutant que les « conseillers juridiques de l’OEA (…) nous ont alertés sur le manque de certitude juridique des accusations » contre Dilma Rousseff.

« Il n’y a pas d’enquête sur elle, elle n’est pas accusée, inculpée par aucune juridiction du pays, alors que beaucoup de ceux qui vont la juger au Congrès sont accusés ou font l’objet d’une enquête », a-t-il souligné. « Quand un gouvernement considère qu’il y a eu des irrégularités d’ordre politique ou judiciaire, il peut utiliser la carte démocratique de l’OEA. Le Brésil décidera en temps voulu s’il souhaite utiliser cette carte ».

La présidente envisage de prononcer samedi une discours radiotélévisé à la nation ou de s’exprimer sur les réseaux sociaux, selon une source gouvernementale.

Elle devrait saluer dans la matinée des centaines de ses partisans qui campent sous des tentes à Brasilia, près du stade Mané Garrincha.

Face au Congrès des députés, une barrière de deux mètres de haut et d’un kilomètre de long a été érigée pour séparer les « pro-impeachment » et les « anti-putsch » qui suivront le vote des députés sur des écrans géants.

La police, en état d’alerte dans tout le pays, craint des affrontements.

De grandes manifestations de chaque camp sont prévues dimanche à Rio de Janeiro (sud-est), le long de la célèbre plage de Copacabana, à des horaires différents.

A Sao Paulo (sud-est), poumon industriel du Brésil et fief de l’opposition, les autorités prévoient une affluence d’un million de manifestants.

16/04/2016 12:58:15 – Brasilia (AFP) – © 2016 AFP

La jihadologie, une matière explosive

A nouveau phénomène, nouvelle discipline ? C’est le débat qui traverse une partie du monde universitaire à propos de la jihadologie. D’ordinaire feutré, au moins vu de l’extérieur, ce petit univers se met en branle et se déchire autour de ce néologisme, apparu au lendemain du 11 Septembre et de l’invasion américaine en Irak, que la montée en puissance de l’Etat islamique a achevé de populariser. L’un de ses chantres, Aaron Zelin, chercheur au Washington Institute, un think tank américain, en a fait le titre de son blog, aujourd’hui très lu.

«Jihadologie», le terme porte en lui une prétention à la scientificité. Romain Caillet, qui a présenté la discipline lors d’un séminaire à Sciences-Po en janvier, en pondère la portée : «Je ne demande pas la création d’une chaire de jihadologie à la Sorbonne !» Pour cet ancien doctorant, aujourd’hui expert indépendant, une approche nouvelle est néanmoins nécessaire pour appréhender le phénomène jihadiste. Il prend l’exemple des études sur l’URSS qui ont vu naître la soviétologie. «Elle articulait connaissance du marxisme et des langues slaves. De la même façon, la jihadologie articule des connaissances linguistiques et de l’idéologie. Il faut maîtriser les classiques des idéologues jihadistes, le sens des chants, les références historiques…» Dominique Thomas, autre spécialiste de la mouvance jihadiste et chercheur associé à l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM), confirme lui aussi la nécessite de cette palette de compétences : «Comprendre les références, l’histoire et le narratif des jihadistes est impossible sans une connaissance de l’arabe et de l’islam.» Tout en se gardant bien de concevoir la jihadologie comme «une discipline à part entière». «Les soviétologues étaient des historiens ou des politistes sur l’URSS», note Matthieu Rey, maître de conférences au Collège de France. Cet historien, spécialiste de la Syrie, raconte une anecdote qui illustre à ses yeux les risques de créer une nouvelle discipline nommée jihadologie : «Lors d’un colloque récent, on m’a posé des questions sur Molenbeek alors que je suis historien de la Syrie !» «Le terme pose problème : il singularise un phénomène qui ne devrait pas l’être. L’EI ne peut pas être coupé du contexte sociologique irakien et syrien. Sinon, on se prive d’une partie des causes et explications», argumente dans le même sens Myriam Benraad, chercheure au CNRS à l’Iremam (Aix-en-Provence). La politiste, qui se dit sceptique devant tout néologisme, s’interroge sur la pertinence d’une nouvelle discipline alors que «les concepts opératoires, signifiants» existent déjà en science politique, sociologie, histoire… Dominique Thomas aborde ainsi le jihadisme comme «un courant qui utilise la violence armée comme mode d’action, à l’instar d’autres groupes politiques violents qui ont structuré d’autres courants de pensée et qui ont basculé dans la violence politique (nationalistes armés, gauchistes radicaux, mouvements d’extrême droite ultraradicaux)».

L’entrecroisement entre plusieurs disciplines est indéniablement ce qui rend l’étude du jihad si complexe, comme le concèdent à l’unisson promoteurs et détracteurs de la jihadologie, l’un des rares points de consensus. Suffisent-elles à rendre compte d’un mouvement en perpétuelle mutation, passé ces dernières années – en simplifiant – des grottes afghanes à une communication léchée sur les réseaux sociaux ? Pour Matthieu Rey, de nouveaux outils de compréhension doivent voir le jour. Il évoque «la tweetologie ou tweetographie», «une indispensable technique d’analyse, au même titre que l’épigraphie [l’étude des inscriptions sur la pierre, le métal, etc. ndlr].» Ce serait la première fonction de la jihadologie : devenir une nouvelle technique s’arrimant à des disciplines identifiées. Ce qui ne résout pas la question de fond qui pointe derrière ce débat : la place de l’université dans l’étude du jihad. Romain Caillet assure qu’elle n’est plus le lieu où est produit le savoir, citant Thomas Hegghammer comme l’un des plus fins connaisseurs en la matière alors qu’il travaille dans un think tank norvégien lié à l’armée. Myriam Benraad, au contraire, se demande si la controverse n’est pas un nouvel avatar d’une offensive contre l’université. «Les politiques ne lisent pas, les experts non plus», souffle-t-elle.

Pierre Alonso

Redoine Faïd, lycéennes enlevées par Boko Haram, Benzema… l’actualité du matin

Justice. Le verdict du procès du médiatique Redoine Faïd : la cour d’assises de Paris a condamné huit hommes à des peines de un à 30 ans de prison pour un braquage raté qui avait coûté la vie à la policière municipale Aurélie Fouquet, dont une peine de 18 ans pour Redoine Faïd.

Boko Haram. Le groupe Boko Haram a envoyé une «preuve de vie» deux ans après l’enlèvement à Chibok (nord-est du Nigeria) de 276 lycéennes, un événement commémoré aujourd’hui par des prières et des manifestations à travers tout le pays. CNN a rapporté que la vidéo montre une quinzaine de jeunes filles recouvertes d’un hijab noir, qui donnent leur nom, assurent avoir été enlevées à Chibok et précisent la date de l’enregistrement, le 25 décembre (photo AFP : des membres du mouvement «Bring back our girls en 2015).

Islamophobie. Aux Etats-Unis, les autorités s’inquiètent d’une augmentation de l’islamophobie : les ministres de la Justice de 11 Etats américains, dont la Californie, le Colorado, l’Utah et le Connecticut lancent une série de rencontres communautaires pour sensibiliser leurs concitoyens à ce problème. Un communiqué du département américain de la Justice mercredi explique que ces responsables se joignent aux forces de police locales et aux représentants communautaires pour dénoncer «le contrecoup à l’encontre des musulmans, arabes, sikhs et Américains originaires d’Asie du sud à la suite des tragiques attentats terroristes de Bruxelles, Paris et San Bernardino».

Football. Trois actualités à retenir : 1/ l’Olympique Marseille, à la peine cette saison en championnat de Ligue 1, est à vendre ; 2/ Karim Benzema ne jouera pas l’Euro 2015 avec les Bleus ; 3/ L’Atletico Madrid a éliminé le FC Barcelone, tenant du titre, en quart de finales de la Ligue des Champions, grâce à un doublé d’Antoine Griezmann.

NBA. Deux matchs d’anthologie cette nuit. L’ultime rencontre du légendaire Kobe Bryant avec les Lakers, dans laquelle le joueur a marqué 60 points. Au même moment, les Golden State Warriors battaient le record de la meilleure saison régulière de l’histoire du basket américain, avec 73 victoires en 82 matchs.

Mayotte, une île au bord de l’insurrection

Blocage des axes principaux, pénurie dans les supermarchés, salariés au chômage technique… Depuis deux semaines, Mayotte vit au rythme de la grève générale. Les syndicalistes, salariés du privé comme du public, réclament «l’égalité réelle» avec l’Hexagone. Ils exigent une application immédiate du code du travail national, des prestations sociales alignées sur la métropole et des mesures pour l’attractivité du territoire.

Chaque jour dès l’aube, les syndicalistes érigent de multiples barrages sur la route principale, le seul axe qui relie les différentes communes du département. Les habitants se trouvent pris en otage, incapables de se déplacer ou d’aller travailler. Dimanche, à la faveur d’un répit, ils se sont rués vers les grandes surfaces pour faire des provisions. Le souvenir de la grève générale de 2011 et de ses terribles pénuries plane encore aujourd’hui. Déjà fragile, l’économie locale menace quant à elle de s’effondrer. Les entreprises sont contraintes de réduire ou de suspendre leurs activités. «Notre chiffre d’affaires a baissé de 80% depuis le début de la grève», déplore Ben Adballah, dirigeant d’une société de BTP.

Le mouvement ne donne pas de signe d’essoufflement. Bien au contraire, le conflit s’enlise. Lundi 11 avril, les contestataires ont affirmé leur détermination à maintenir les barrages, tant qu’un émissaire ne sera pas dépêché de Paris pour examiner leurs demandes.

Plusieurs personnes poignardées

En marge du mouvement, des casseurs sévissent. Depuis samedi soir, des bandes de deux villages différents s’affrontent. A la nuit tombée, des groupes d’une cinquantaine de jeunes effectuent des descentes violentes dans les rues. Accompagnés de chiens, armés de tronçonneuses, de barres de fer, de planches cloutées, de machettes et autres armes de fortunes, ces adolescents aux visages masqués détruisent tout sur leur passage. Plusieurs personnes ont été poignardées. Un homme gravement blessé a été évacué d’urgence à La Réunion. Une autre victime a été hospitalisée ce lundi. Le jeune homme a été attaqué à la tronçonneuse. Blessé à la tête et au bras, il affirme que ses assaillants ont voulu lui couper la tête. Les semeurs de trouble ont également jeté des pierres sur les automobilistes et les forces de l’ordre. Au total, 85 véhicules ont été saccagés, selon la préfecture.

Assise sur le seuil de sa porte, avec son fils d’un an sur les genoux, cette habitante de Cavani se dit terrorisée. Les affrontements se déroulent devant chez elle. Chaque soir, elle entend l’hélicoptère de la police survoler le quartier. La jeune mère raconte avoir vu des enfants d’une dizaine d’années débouler dans la rue : «Ils traînaient des valises à roulettes derrières eux, comme pour aller à l’aéroport. J’ai ensuite compris qu’elles étaient pleines de pierres et de cailloux. Ce qui me fait peur, c’est qu’ils tabassent n’importe qui, on dirait qu’ils veulent juste se défouler. J’ai l’impression qu’on est tous exposés à ce déchaînement de violence.»

Une pétition à l’Elysée

Le 101e département français doit faire face à une immigration clandestine conséquente. On estime que les migrants représentent 40% de la population totale. Ils sont pour la plupart venus des Comores, un archipel situé à seulement 70 km des côtes mahoraises. Parmi eux, beaucoup de mineurs, souvent non scolarisés et livrés à eux-mêmes, sans perspectives d’avenir.

En mars, un collectif avait adressé une pétition à l’Elysée pour réclamer des mesures d’urgence et une prise de conscience nationale sur la situation économique et sociale. Le texte avait été signé par plus de 12 000 habitants, l’équivalent de 10% de la population de l’île. «Nous ne pouvons plus accepter de voir ces milliers d’enfants errer dans nos rues, visitant les poubelles afin de pouvoir se nourrir et pour d’autres participer à des actes de délinquances quotidiens très certainement pour les mêmes fins», déplorait le collectif.

«D’importants efforts sont faits pour mettre à niveau les infrastructures et le droit applicable à ce département ainsi que l’accompagnement social de la population. Cela ne se traduira toutefois par une amélioration du quotidien des Mahorais que si l’on arrive à contenir l’immigration clandestine. Des mesures sont prises à cet effet», avait répondu François Hollande, sans plus de précisions.

Amandine Debaere (à Mayotte)

Timide reprise après la grande crise

Bonne nouvelle pour la France: selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un mouvement de reprise économique de l’activité semble émerger dans l’hexagone. Plus optimistes que le gouvernement qui prévoit une croissance de 1,5% en 2016, les économistes de l’OFCE tablent sur 1,6% en 2016 et autant en 2017. Nettement mieux qu’en 2015 lorsque la France affichait un taux de croissance à peine supérieur à 1%. L’institut de recherches économiques, lié à Sciences-Po, souligne qu’après une année 2015 marquée par une remontée de l’épargne des ménages, un redressement des marges des entreprises et une réduction du déficit des administrations publiques, ces différents acteurs « abordent l’année 2016 avec de nouvelles marges de manœuvre » qui « pourront soutenir la consommation, l’investissement et l’emploi ». Dans un contexte où l’environnement macroéconomique extérieur reste relativement porteur (prix du pétrole, chute de l’euro taux d’intérêt historiquement bas), l’économie hexagonale aborde l’année 2016 dans des conditions meilleures que par le passé. En 2015, la baisse des dépenses budgétaires avait eu un impact négatif sur la création de richesse nationale. Il devrait s’estomper en 2016 et en 2017. Si la croissance devait prendre une courbe légèrement ascendante, celle du chômage restera plate prévoit l’OFCE. Au cours de l’année 2016, le nombre total d’emplois créés serait ainsi de l’ordre de 230 000 et le taux de chômage reviendrait à 9,5% en fin d’année, « soit une baisse de 0,5 point, dont 0,15 dû à la mise en place du plan de 500.000 formations », de demandeurs d’emploi annoncé par le gouvernement. 

« Certes, si l’on reste encore loin d’une croissance vigoureuse et du niveau de chômage d’avant-crise, la France semble cependant entamer sa lente convalescence, notamment par le redressement du pouvoir d’achat des ménages… », précise l’institut qui a aussi planché sur le reste du monde. Si la croissance n’est pas remise en cause, elle est néanmoins révisée à la baisse pour 2016 et 2017 où elle devrait atteindre respectivement 2,9 et 3,1%. « Le ralentissement touche les pays émergents avec une baisse de la croissance chinoise qui se confirme et s’accentue », explique Xavier Timbeau. Un ralentissement de l’ogre chinois qui pèse sur le commerce mondial et contribue à la faiblesse du prix du pétrole… ce qui accroît en retour les difficultés des pays producteurs de pétrole et de matières premières. De quoi freiner la croissance aux Etats-Unis. Mais pas au point d’affecter la zone euro. Du moins pour l’instant. En effet, selon les experts de l’OFCE, la reprise devrait même accélérer, portée notamment par le dynamisme de l’Allemagne et de l’Espagne et l’amélioration des perspectives en France et en Italie. Cette dynamique européenne devrait permettre de réduire le taux de chômage, mais il serait néanmoins encore 2 points au-dessus de son niveau d’avant-crise (9,3% contre 7,3% en fin d’année 2007). Si certains n’hésitent pas à entrevoir le bout du tunnel, d’autres préfèrent parler de début de convalescence… Entre les deux, l’OFCE balance. 



Vittorio De Filippis

Vivendi et Berlusconi s’allient pour contrer Netflix

La bague de fiançailles ne représente que 3,5 % du capital des sociétés respectives. Mais Vivendi et Mediaset ont annoncé hier soir leur union à travers un échange de participations croisées. Après des semaines de négociations, Vincent Bolloré et le clan Berlusconi sont en effet parvenus à un accord qui prévoit notamment à terme la constitution d’une plateforme commune de télévision sur internet pour concurrencer l’Américain Netflix.

Dans l’immédiat, l’homme d’affaires breton va aussi récupérer 100% de Mediaset Premium, le bouquet de télévision à péage de Silvio Berlusconi avec l’intention de créer des synergies avec Canal+. Reste que pour un bon connaisseur du dossier, la reprise de la chaîne payante (évaluée à 800 millions d’euros) est avant tout «le ticket d’entrée» que Vincent Bolloré a dû acquitter pour mettre le pied dans l’empire milanais.

A lire aussi : Bolloré prend ses ponctions chez Vivendi

L’an dernier, Mediaset Premium, qui compte 2 millions d’abonnés, a perdu 83,8 millions d’euros notamment en raison de droits du foot pour la Ligue des Champions démesurés. Sur le papier, l’affaire apparaît donc peu engageante. Mais «l’objectif de Vincent Bolloré est de prendre peu à peu le contrôle de Mediaset, notamment de ses trois chaînes commerciales en clair et de créer un grand groupe de communication en Europe du Sud», avance ce spécialiste.

De son côté, Silvio Berlusconi qui fêtera à l’automne ses 80 ans, organise son désengagement progressif des médias. Même si son fils cadet, Pier Silvio Berlusconi, qui est formellement aux commandes de Mediaset, a assuré hier : «à ceux qui se demandent si c’est le premier pas de la famille Berlusconi pour un retrait du monde de l’édition et des médias, la réponse est non, au contraire». Pour preuve, rappellent les Milanais, l’accord prévoit que Vivendi ne pourra pas monter à plus de 5% du capital de Mediaset dans les trois prochaines années. Mais après…

«Ce n’est pas la première fois que Silvio Berlusconi envisage de vendre son empire», rappelle un ancien collaborateur du Cavaliere. «Il y a quelques années les négociations avaient été très avancées avec Rupert Murdoch. Au dernier moment, Silvio Berlusconi avait renoncé. Mais il était plus jeune. Et puis surtout aujourd’hui, Mediaset n’est plus en aussi bonne santé que par le passé. Qui plus est Silvio Berlusconi a d’autres affaires en cours à l’étranger. Enfin, la vente de Mediaset pourrait lui permette de régler plus facilement la question de la succession entre ses cinq enfants» nés de deux lits différents.

Interrogations sur les intentions de Bolloré

Pour le président du directoire de Vivendi Arnaud de Puyfontaine, l’investissement dans Mediaset «est la preuve de notre engagement et de nos liens étroits avec l’Italie» et «confirme notre stratégie de créer un groupe paneuropéen leader dans le secteur des médias et la création de contenus». Reste à savoir quelle place sera accordée dans ce schéma à Telecom Italia, le premier opérateur téléphonique italien dont Vivendi est aussi le premier actionnaire avec 24,9% du capital. Vincent Bolloré a juré que son investissement était sur le long terme.

Mais à Rome, on s’interroge de plus en plus sur les réelles intentions du Breton. «Il ne serait pas surprenant qu’il utilise Telecom Italia pour monter dans Mediaset en offrant en échange un part du capital à Berlusconi», considère un expert qui estime que l’échec du rapprochement entre Bouygues et Orange ouvre aussi de nouvelles perspectives : «la rupture change tout. Stéphane Richard va devoir revoir sa stratégie et va chercher un partenaire. Bolloré pourrait l’aider avec Telecom Italia en échange d’une belle plus-value».  

Eric Jozsef Rome, de notre correspondant

Aymeric Caron, la voix des animaux

En 1839, 53 esclaves de Sierra Leone se révoltent et prennent le contrôle de l’Amistad, le bateau espagnol qui les amène dans les plantations cubaines. Le navire est arraisonné et les Africains emprisonnés dans le Connecticut pour y être jugés. Mais comment se défendre quand on ne connaît pas la langue de ses juges? «Ces infortunés ne pouvaient prononcer un mot pour eux-mêmes», note à l’époque l’abolitionniste Joshua Leavitt. D’anciens esclaves servirent finalement de traducteurs aux passagers de l’Amistad, qui gagnèrent leur procès et furent libérés. «Les animaux que nous élevons ne parlent pas notre langue et nous nous arrangeons pour ne pas entendre ce qu’ils expriment», compare le journaliste Aymeric Caron dans son livre paru jeudi, Antispéciste.«S’ils pouvaient décrire leur envie de vivre avec notre vocabulaire d’humains, comment oserions-nous continuer à les maltraiter et à les assassiner de la sorte ?» conclut-il.

Choquante, la comparaison entre esclavage et élevage ? Caron l’assume, tout comme les «abolitionnistes», qui militent pour l’abandon de toute forme d’exploitation animale. «Les antispécistes sont les traducteurs de l’Amistad», écrit Aymeric Caron. L’antispécisme – le mot a été inventé par le psychologue britannique Richard Ryder en 1970 – c’est cette lutte contre le spécisme, c’est à dire la supériorité supposée d’une espèce (en l’occurrence humaine) sur une autre (animale).

Pour le journaliste, c’est aussi la nouvelle révolution – éthique, mais aussi économique, sociale et culturelle -, à mener. «L’humanité a toujours progressé en étendant sa sphère de considération morale à des groupes d’individus jusque-là considérés comme des humains de rang inférieur : les Noirs, les femmes, les homosexuels… La révolution aujourd’hui consiste à élargir encore notre cercle de compassion afin d’accorder aux animaux non humains notre considération morale», assure-t-il. Appelant au boycott de la viande, des produits laitiers ou des zoo : «Des actes de désobéissance civile, pacifique, qui participent à la révolution morale et sociale de l’humanité.»

Toute révolution a ses penseurs et ses vulgarisateurs. Aymeric Caron fait partie de ses derniers. Il reprend pas à pas les questions fréquemment posées aux antispécistes. Les animaux doivent-ils considérés comme des enfants ou des handicapés mentaux ? «D’un point de vue juridique oui.» Que vont devenir les animaux d’élevage si on ne mange plus de viande ? «Disparaître. Il n’y a aucun fondement moral à faire naître un individu dans le simple but de s’en servir et de lui faire subir une vie atroce.»

L’ancien chroniqueur, haï ou adoré, de l’émission de Ruquier, On n’est pas couché se charge de populariser les noms d’André Gorz ou de René Dumont, l’utilitarisme de Peter Singer ou l’amour des mésanges de Louise Michel. Surtout, Caron veut se faire le passeur des thèses de la deep ecology – l’écologie profonde si peu connue, si peu valorisée en France – du philosophe norvégien Arne Naess. Loin de «l’écologie du renoncement» des Verts français, qui ne cherche qu’à limiter la pollution et à freiner l’épuisement des ressources, il faut bouleverser le système, «remplacer l’anthropocentrisme par le biocentrisme». Et d’abord donner des droits minimaux aux animaux. «Ne plus les manger, ne plus les enfermer, ne plus les torturer ni en faire le commerce.» Puis instaurer une «biodémocratie» faisant son miel des travaux de Michel Serres, Bruno Latour ou Corine Pelluchon.

Aussi, une «assemblée naturelle», où siégeraient des représentants d’animaux et d’organismes vivants, remplacerait le Sénat au côté de l’Assemblée nationale. Car «entre les hommes et les animaux, il n’est plus seulement question d’origines communes mais aussi maintenant d’un destin commun». En France, les thèses antispécistes séduisent, progressivement. Les vidéos dévoilant l’intérieur des abattoirs scandalisent (lire ci-contre), les végans ont leur pride, en octobre, et Michel Onfray a pu déclarer, il y a quelques jours sur France culture : «Si je pense, je deviens végétarien.»

Sonya Faure

Le Panama promet d’approfondir le dialogue avec l’OCDE sur l’échange d’informations fiscales

La vice-présidente et ministre des Affaires étrangères panaméenne Isabel De Saint Malo a annoncé que son pays, au centre du scandale des «Panama Papers», allait approfondir le dialogue avec l’OCDE sur l’échange d’informations fiscales, jeudi dans un entretien exclusif à l’AFP.

Cette annonce intervient après une conversation avec le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria. Depuis les premières révélations des médias membres du consortium d’investigation ICIJ, le Panama est cloué au pilori à cause de sa législation accommodante pour les montages fiscaux offshore et de son attitude allant à contre-courant de la tendance mondiale vers la transparence fiscale.

AFP

Canada : détenus lors d’un G20, ils pourront poursuivre la police

Une cour canadienne a autorisé mercredi deux poursuites en nom collectif contre la police pour violations présumées des droits civiques lors d’émeutes en marge d’un sommet du G20 à Toronto en 2010. Ces recours impliquent plus de 1 000 plaignants qui dénonçaient leur arrestation massive et leur détention dans des conditions déplorables dans un centre improvisé de la plus grande ville canadienne.

Quelque 20 000 policiers de tout le Canada avaient été déployés à Toronto et à Huntsville, au nord de la métropole, en juin 2010 pour assurer la sécurité du G20 réunissant les grands décideurs de la planète. La forces de l’ordre avait reçu l’ordre de «reprendre le contrôle de la rue» à Toronto après que des manifestants eurent brisé des vitrines et incendié une voiture de police.

Les plaignants dans ces recours judiciaires collectifs, dont des manifestants pacifiques, des passants et des journalistes, avaient été encerclés en grand nombre par la police. «Nous avons été arrêtés illégalement, jetés dans des cellules bondées et traités moins bien que des animaux en cage», a indiqué l’un des détenus, Thomas Taylor, à un média local après la décision de la cour. «Nous ne voudrions jamais que cela arrive à d’autres Canadiens», a-t-il ajouté.

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