Vivendi et Berlusconi s’allient pour contrer Netflix

La bague de fiançailles ne représente que 3,5 % du capital des sociétés respectives. Mais Vivendi et Mediaset ont annoncé hier soir leur union à travers un échange de participations croisées. Après des semaines de négociations, Vincent Bolloré et le clan Berlusconi sont en effet parvenus à un accord qui prévoit notamment à terme la constitution d’une plateforme commune de télévision sur internet pour concurrencer l’Américain Netflix.

Dans l’immédiat, l’homme d’affaires breton va aussi récupérer 100% de Mediaset Premium, le bouquet de télévision à péage de Silvio Berlusconi avec l’intention de créer des synergies avec Canal+. Reste que pour un bon connaisseur du dossier, la reprise de la chaîne payante (évaluée à 800 millions d’euros) est avant tout «le ticket d’entrée» que Vincent Bolloré a dû acquitter pour mettre le pied dans l’empire milanais.

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L’an dernier, Mediaset Premium, qui compte 2 millions d’abonnés, a perdu 83,8 millions d’euros notamment en raison de droits du foot pour la Ligue des Champions démesurés. Sur le papier, l’affaire apparaît donc peu engageante. Mais «l’objectif de Vincent Bolloré est de prendre peu à peu le contrôle de Mediaset, notamment de ses trois chaînes commerciales en clair et de créer un grand groupe de communication en Europe du Sud», avance ce spécialiste.

De son côté, Silvio Berlusconi qui fêtera à l’automne ses 80 ans, organise son désengagement progressif des médias. Même si son fils cadet, Pier Silvio Berlusconi, qui est formellement aux commandes de Mediaset, a assuré hier : «à ceux qui se demandent si c’est le premier pas de la famille Berlusconi pour un retrait du monde de l’édition et des médias, la réponse est non, au contraire». Pour preuve, rappellent les Milanais, l’accord prévoit que Vivendi ne pourra pas monter à plus de 5% du capital de Mediaset dans les trois prochaines années. Mais après…

«Ce n’est pas la première fois que Silvio Berlusconi envisage de vendre son empire», rappelle un ancien collaborateur du Cavaliere. «Il y a quelques années les négociations avaient été très avancées avec Rupert Murdoch. Au dernier moment, Silvio Berlusconi avait renoncé. Mais il était plus jeune. Et puis surtout aujourd’hui, Mediaset n’est plus en aussi bonne santé que par le passé. Qui plus est Silvio Berlusconi a d’autres affaires en cours à l’étranger. Enfin, la vente de Mediaset pourrait lui permette de régler plus facilement la question de la succession entre ses cinq enfants» nés de deux lits différents.

Interrogations sur les intentions de Bolloré

Pour le président du directoire de Vivendi Arnaud de Puyfontaine, l’investissement dans Mediaset «est la preuve de notre engagement et de nos liens étroits avec l’Italie» et «confirme notre stratégie de créer un groupe paneuropéen leader dans le secteur des médias et la création de contenus». Reste à savoir quelle place sera accordée dans ce schéma à Telecom Italia, le premier opérateur téléphonique italien dont Vivendi est aussi le premier actionnaire avec 24,9% du capital. Vincent Bolloré a juré que son investissement était sur le long terme.

Mais à Rome, on s’interroge de plus en plus sur les réelles intentions du Breton. «Il ne serait pas surprenant qu’il utilise Telecom Italia pour monter dans Mediaset en offrant en échange un part du capital à Berlusconi», considère un expert qui estime que l’échec du rapprochement entre Bouygues et Orange ouvre aussi de nouvelles perspectives : «la rupture change tout. Stéphane Richard va devoir revoir sa stratégie et va chercher un partenaire. Bolloré pourrait l’aider avec Telecom Italia en échange d’une belle plus-value».  

Eric Jozsef Rome, de notre correspondant