«Très fier de cette victoire face à l’Irlande»

Le XV de France repasse au vert. Une petite haie d’honneur dressée par des vaincus venus d’Irlande, cela ne fait pas de mal, surtout après quatre années de disette (et des poussières). A la mi-temps, l’Irlande menait encore 9-3, face à des Bleus solidaires en défense mais brouillons en attaque. «On est sous pression dans notre camp, mais on marque notre territoire. Mais à la pause, on s’est dit qu’il fallait remettre une dose, une nouvelle vague d’intensité», dit Yoann Maestri, le deuxième ligne, averti par le précédent d’octobre dernier : dans la même situation, la France n’avait jamais pu remettre la main sur le ballon et la pression sur les Irlandais lors d’une défaite soldant leurs illusions en Coupe du monde (24-9).

«J’étais touché, ému, au coup de sifflet final, quand j’ai repensé aux anciens de l’équipe qui ne sont plus avec nous et ont connu tant de moments douloureux ces dernières saisons», ajoute celui qui n’a pas la mémoire courte. Bouille d’étudiant à HEC, nœud papillon ajusté sur sa chemise blanche, le demi d’ouverture Jules Plisson vient ensuite détailler une rencontre courageuse.

Quel est votre sentiment après cette rencontre ?

C’était un tout autre contexte que l’Italie. On a eu une première mi-temps difficile, mais je retiens nos intentions de jeu en seconde. La semaine dernière, il y avait du soulagement dans le vestiaire, aujourd’hui, c’était de la fierté. Nous sommes très fiers de cette victoire. Les conditions étaient difficiles, le ballon glissait, il y avait beaucoup de stress dans les premières minutes. Mais on n’a rien lâché. Comme lors du match face aux Italiens, on a su remettre notre jeu en place, et finalement les déstabiliser.

Comment vivez-vous la première période ?

On est mal sortis de notre camp en première mi-temps, on s’est mis un peu le feu. Moi-même, sur mon premier ballon, je veux faire une chandelle, et comme j’ai mis beaucoup de colle sur mes mains, le ballon reste scotché à ma main et je dévisse complètement. Je rate aussi mon deuxième ballon. Dans le jeu d’occupation, on a voulu trouver des touches, alors qu’il aurait plutôt fallu taper loin. Mais en défense, on a été très solide, on a su récupérer des ballons, mais on leur a rendu souvent trop vite, ou sur des touches trop près.

En défense, en revanche, les barbelés sont de sortie…

Je pense que les Irlandais se sont rendu compte qu’on avait eu des lacunes la semaine précédente et qu’on avait bossé. Sur tous leurs lancements de jeu, extrêmement variés, ils ne sont pas passés une fois. On a beaucoup travaillé les connexions entre leurs numéros 9, 10, 12 et 13 (la charnière et la paire de centres) et, si on a parfois concédé un peu de terrain, on n’a jamais été transpercés.

En seconde période, les Irlandais ont les traits tirés, la tête baissée.

Ils ont trois ou quatre gars pétés, Sexton (l’ouvreur) qui sort sur la fin. On était très présents, on devait se racheter après une mauvaise performance en défense face à l’Italie. Les conditions ont facilité les choses, car le ballon était glissant, et plus on montait vite, fort, plus ils étaient en difficulté. Quand tu les vois piocher, reculer, perdus sur certaines actions, tu te dis que tu as pris l’ascendant. En deuxième mi-temps, il n’y a eu qu’une seule équipe sur le terrain. Vous nous reprochiez d’avoir gardé trop peu le ballon face aux Italiens, là, je pense qu’on l’a gardé assez longtemps, cela nous a permis de créer des intervalles, et de chercher les points qu’ils nous manquaient.

Peu après l’heure du jeu, vous avancez mais choisissez de ne pas prendre les points au pied.

Le staff me dit de prendre la touche. Je sentais qu’on était dans une période plutôt bonne, on multipliait les temps de jeu, on les mettait en difficulté, on avançait sur tous les impacts. J’ai dit à Guilhem (Guirado, le capitaine) : ‘‘Pourquoi on n’irait pas en touche ?’’ On tape, on tape, on tape sur l’adversaire… Damien (Chouly) n’arrive pas à aplatir, moi, je suis à droite, je hurle pour avoir le ballon, j’en ai perdu ma voix. On conclura finalement un peu plus tard (par un essai de Maxime Médard, 69e).

La mêlée française a monté crescendo, pour finalement broyer son homologue irlandaise…

Sur la série de mêlées en seconde période, on cherchait l’essai de pénalité. Le travail des piliers Jefferson (Poirot) et Uini (Atonio) en première période s’est fait sentir. A la pause, c’était kif-kif sur les mêlées, mais quand je vois Rabah (Slimani) et Eddy (Ben Arous) rentrer pour faire souffrir leur mêlée, je me dis que ça se goupille bien.

Que vous dit votre capitaine au coup de sifflet final, quand vous vous réunissez en cercle ?

Il nous dit que c’est une victoire importante pour la suite, que nous sommes une équipe en apprentissage, et lui retient notre état d’esprit, cette seconde mi-temps où on n’encaisse aucun point. Guilhem, c’est un gros capitaine, il a mis un de ces plaquages en première mi-temps ! A chaque sortie, il nous montre l’exemple, offensivement, et surtout défensivement. Les semaines à Marcoussis sont beaucoup moins longues que par le passé. Beaucoup de joueurs se connaissent depuis longtemps. C’est une équipe de jeunes qui vit bien, mais on peut très bien vivre, et ne pas gagner, vous l’avez remarqué ces dernières années.

Mathieu Grégoire