Archives mensuelles : février 2016

Les barbelés de l’Europe précipitent la crise humanitaire en Grèce

«Cher(e) ami(e) venu(e) d’Orient, lors de ton long et difficile périple vers ton destin, tu t’es trouvé dans notre ville. Cette ville hospitalière de Trikala, qui se trouve au centre de la Grèce. Les habitants de la ville, la mairie et les autorités te souhaitent la bienvenue et te promettent de faire tout leur possible pour que ta présence ici soit sécurisée, dans les meilleures conditions d’hygiène possible» : ainsi débute la lettre du maire de Trikala, publiée lundi dans la presse locale après l’arrivée soudaine de plusieurs centaines de migrants qui font route vers le nord de la Grèce avec l’espoir assez vain de pouvoir encore franchir les frontières d’un pays désormais entouré de barbelés.

La générosité spontanée des autorités de cette petite ville grecque souligne encore plus cruellement l’égoïsme des autres nations européennes, dont l’intransigeance face aux migrants est en train de précipiter la Grèce dans une crise humanitaire sans précédent.

Ce mardi, c’est au tour du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de tirer la sonnette d’alarme, dénonçant l’absence de collaboration des gouvernements européens face à une «Grèce déjà en désarroi» (suite à la crise économique auquel le pays est confronté depuis plus de cinq ans). «Les récentes fermetures des frontières causent des souffrances inutiles et sont en contradiction avec les principes de l’Europe et tous les standards internationaux», rappelle encore l’organisation internationale.

Compte-gouttes

Face à la fronde d’un groupe de pays d’Europe centrale conduit par l’Autriche, qui refusent ou veulent limiter le nombre de migrants sur leur sol, la situation s’est encore dégradée en Grèce ces derniers jours.

25 000 migrants se trouvent pour l’instant coincés en Grèce, dont 8 500 à Idomeni, à la frontière greco-macédonienne, où des incidents ont éclaté lundi quand les réfugiés ont cherché à passer en force malgré les barbelés déployés le long des deux pays à l’initiative de Skopje.

Seule une poignée de Syriens et d’Irakiens sont autorisés désormais à franchir la frontière, au compte-gouttes. Les Afghans, qui partageaient jusqu’à récemment ce «privilège», ont rejoint le groupe des «indésirables», que l’Europe rejette. En soi, ce tri par nationalité est déjà une trahison des principes du droit d’asile, «qui doit être accordé sur une base individuelle, car dans certaines circonstances, un Algérien ou un Iranien peut tout autant avoir des raisons légitimes de craindre pour sa vie dans son pays d’origine» déplore une humanitaire jointe au téléphone à Athènes.

L’Europe va-t-elle s’effondrer à Idomeni ? L’attitude de certains pays européens face à la crise migratoire a déjà marqué un reniement des idéaux fondateurs.

«Agence de voyage»

Non content d’avoir organisé une réunion sur la crise migratoire sans inviter la Grèce, le chancelier autrichien, Werner Faymann, a récidivé en accusant dimanche Athènes de se comporter «comme une agence de voyage» en laissant les migrants remonter vers le nord de l’Europe.

«La Grèce ne peut gérer seule la situation», rétorque indirectement le HCR, qui rappelle que, malgré les promesses faites en septembre par les pays européens, seuls 325 migrants ont effectivement été relocalisés en cinq mois à partir de la Grèce. Un chiffre dérisoire, alors même que la vague migratoire se poursuit : sur les deux premiers mois de l’année, 131 724 migrants ont traversé la Méditerranée, parmi lesquels 122 637 sont arrivés en Grèce.

Si sévères avec les Grecs, qui ne bénéficient que du soutien affiché d’Angela Merkel, les Européens se montrent bien plus timorés lorsqu’il s’agit de critiquer la Turquie, d’où arrivent pourtant tous ces naufragés. Certes Ankara a, ces derniers temps, montré quelques signes de bonne volonté en arrêtant et en traduisant devant la justice certains passeurs, mais les faux gilets de sauvetage sont toujours en vente à Izmir, «aux yeux de tous, et même dans des boucheries», selon le quotidien grec Kathimerini.

Le sommet Europe-Turquie prévu lundi prochain à Bruxelles permettra-t-il de changer la donne et de desserrer l’étau sur la Grèce ? En attendant Athènes multiplie les ouvertures de centres provisoires et compte sur la bonne volonté et la générosité des habitants pour faire face à cette tragédie humaine.

Maria Malagardis

Les brigades anti-criminalité désormais équipées de fusils d’assaut

Deux cent quatre fusils d’assaut, 1 474 casques et visières balistiques, 1 835 gilets pare-balles : le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a présenté ce lundi le nouveau matériel fourni aux brigades anticriminalité (BAC) de la préfecture de Paris dans le cadre du plan BAC-PSIG 2016.

«Le seul fait d’incarner l’autorité publique, par l’uniforme que vous portez, suffit à faire de vous des cibles. Certains des criminels auxquels vous êtes confrontés n’hésitent plus désormais à faire usage contre vous d’armes lourdes, de véritables armes de guerre contre lesquelles vous devez disposer de moyens de riposte et de protection adaptés», a déclaré le ministre aux policiers présents lors de cette présentation dans le commissariat du 20e arrondissement de Paris.

Les BAC seront également équipées de 241 boucliers balistiques souples, qui avec les gilets pare-balles permettront de résister aux Kalachnikov. Les fusils d’assaut HK G 36, délivrés aux BAC, étaient jusqu’à présent réservés aux forces d’intervention d’élite. Ces nouveaux moyens, dont les livraisons s’étalent jusque fin juin, comptent aussi 116 pistolets à impulsion électrique (Taser), 134 lanceurs de balle de défense, 981 bâtons télescopiques de défense, 25 200 munitions de défense courte portée.

Le tout pour un montant de «17 millions d’euros», a précisé le ministre de l’Intérieur qui était accompagné de la ministre des Outre-mer George Pau-Langevin. «Il était nécessaire que vous soyez en mesure de répliquer aux tirs d’armes de type Kalachnikov que certains criminels n’hésitent désormais plus à utiliser contre vous», a déclaré le ministre.

Ces dotations entrent dans le cadre du plan BAC-PSIG 2016. «Les BAC et les PSIG (Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, ndlr) doivent en effet pouvoir intervenir le plus rapidement possible en renfort des premières patrouilles engagées, notamment lorsque nous sommes confrontés à des tueries de masse», a souligné Bernard Cazeneuve.

«Une telle exigence impose bien sûr un maillage resserré, ainsi qu’une articulation très fine entre police et gendarmerie, afin que l’ensemble du territoire soit couvert. C’est là mon objectif principal, et je dirai même que c’est mon obsession», a-t-il ajouté.

Alliance veut des le même matériel pour tous les policiers

«On ne va pas bouder notre plaisir sur le matériel qui arrive et qui était absolument nécessaire. Maintenant, il faut que les fonctionnaires qui sont dotés de ces équipements soient en capacité de les utiliser, donc il va falloir faire un gros effort sur la formation. Ça va être le défi d’aujourd’hui», a réagit Nicolas Comte, secrétaire général adjoint d’Unité SGP-FO.

«Les primo intervenants ce ne sont pas que les BAC. Ce sont aussi les effectifs du service général et ils n’auront pas tous ces moyens-là», a nuancé Fabien Vanhemelryck, secrétaire national d’Alliance. Pour ce syndicaliste, «le « bleu » est une cible à part entière : nous souhaitons ce matériel pour l’ensemble des effectifs».

Les policiers de la BAC avaient fait en 2011 l’objet d’une étude du sociologue Eric Fassin, laquelle étude soulignait alors les dérives, l’inefficacité, voire la contre-productivité de cette police.

A lire aussi : BAC : les flics mis en examen

AFP

Rando urbaine, ciné, expos : La To-Do-List du week-end en banlieue

Rando urbaine, ciné, expos : La To-Do-List du week-end en banlieue
Exposition « Mécatronic » au Centre des arts d’Enghien-les-Bains / © CDA Enghien-les-Bains

Week-end très urbain entre expos, rando en ville, ciné (etc.). On a quand même trouvé une idée de sortie en plein air – pour ramasser les cochonneries des citadins en goguette.

VENDREDI

Idée #1 : 3 concerts en 1 chez Mains d’Oeuvres (Saint-Ouen, 93)

Pourquoi ce concert pour commencer le week-end ? Parce que… Lenparrot, Pépite & Marie Mathématique ce sont 3 groupes entre pop, électro et chanson à des milliers de kilomètres des sentiers battus, parce que Piiaf, qui co-organise avec Vinyle rouge la soirée, est la plus cool des webradios musicales, parce qu’on a la classe parisienne au-delà du périph et ça, ça vaut tout l’or du monde… pour moins de 10€ en plus.

Infos pratiques : Mains d’Oeuvres, 1 Rue Charles Garnier, 93400 Saint-Ouen. Métro Garibaldi (L13). Résa et détails pratiques ici.

Idée #2 : « And the winner is… » Soirée Oscars (Chilly-Mazarin, 91)

Tout le monde n’a d’yeux que pour le beau Léo, ce « Revenant » qui pour arracher la statuette dorée n’a pas hésité à passer quelques nuits dans des carcasses d’animaux, à se baigner dans des rivières glacées et à manger du foie de bison cru… Que de chemin parcouru depuis l’inoubliable Gilbert Grape ! Mais bon, il n’y a pas que lui. Le cinéma François Truffaut de Chilly-Mazarin s’intéresse justement à une autre course à l’Oscar, celle des « petits » – par la taille du moins – à savoir les courts métrages, c’est-à-dire les films de moins d’une heure. Il y a cinq « short films » en lice, mis à la queue leu leu ça fait 100 minutes de cinéma. C’est ce soir et ce soir seulement, en banlieue.

  • Ave Maria, réalisé par Basil Khalil [Palestine, France, Allemagne – 2015 – 15min – VO]
  • Day One, réalisé par Henry Hughes [Etats-Unis – 2014 – 25min – VO]
  • Alles wird gut (Tout ira bien), réalisé par Patrick Vollrath [Autriche – 2015 – 30min – VO]
  • Shok (Ami), réalisé par Jamie Donoughue [Kosovo, Royaume-Unis – 2015 – 21min – VO]
  • Stutterer (Bègue), réalisé par Benjamin Cleary [Royaume-Unis, Irlande – 2015 – 12min – VO]

Infos pratiques : Soirée Oscars au cinéma François Truffaut à Chilly-Mazarin / Tarif : 4€ / Toutes les infos sur www.cinetruffaut.fr

SAMEDI

Idée #3 : Rando à travers Nanterre et La Défense (92)

Il fut un temps où La Défense n’était, avec ses fermes, ses bidonvilles, ses terrains militaires et ses pavillons épars, que la banlieue de Nanterre. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts de la Seine et, du Général à Tonton, quatre présidents ont fait de ce quasi no-man’s land le plus grand quartier d’affaires d’Europe. Cependant que la ville de Nanterre – berceau de Lutèce, selon les historiens – devenait le Camerone du communisme made in 92 et le laboratoire d’un certain urbanisme. Tout cela est passionnant. Et c’est l’objet d’une randonnée organisée par l’association A travers Paris à travers les rues, esplanades et cités.

Infos pratiques : Rando « Entre ciel et Nanterre » samedi à 15h. Rendez-vous en haut des escaliers de la grande Arche de La Défense (RER A/M1/T2). Vos guides seront Gaëlle (06 59 05 05 69) et Arielle (06 61 74 34 88) / Rando gratuite mais dons bienvenus…

nanterre.jpg

Idée #4 : La laideur s’affiche sans fard chez 60 AdaDA (Saint-Denis, 93)

Une quinzaine d’artistes plasticiens, certains tout jeunes, d’autres déjà confirmés, s’exposent dans la galerie dyonisienne qui monte, le 60 AdaDa, sur le thème de la laideur. En cinquante œuvres (peintures, vidéos, sculptures, lithographies…) ils explorent un thème difficile. Leur but, selon Sacha Ménard, le commissaire de l’expo et par ailleurs artiste en résidence dans le tout voisin 6B, est de « rejeter les images superficielles lisses, dont nous sommes abreuvés. » Ici, exit les femmes photoshopées. Au-delà de cette évidence, on sent poindre chez Sacha une fascination pour le dégoût. Ce que nous ne trouvons pas sans séduction.

Infos pratiques : Expo « Laideur : fascination et aversion » à la galerie 60 AdaDa à Saint-Denis (93) / Entrée libre / Plus de détails sur www.60adada.org

DIMANCHE

Idée #5 : Un cabinet de curiosités mécaniques (Enghien-les-Bains, 95)

C’est un peu le docteur Frankenstein des marionnettes électroniques. L’œuvre de Zaven Paré est à découvrir jusqu’au 20 mars au Centre des arts d’Enghien-les-Bains. L’expo, qui se présente comme un cabinet de curiosités mécaniques, abrite entre autres choses un chœur de 10 enfants qui murmurent, la relique d’un dieu éléphant robotisé et 28 antennes de voitures qui ont le trac.

Infos pratiques : Expo « Mécatronic » au Centre des arts d’Enghien (95) jusqu’au 20 mars / Le dimanche de 14h à 18h / Entrée libre / Tous les détails sur www.cda95.fr

Idée #6 : Opération nettoyage de forêt avec les Mountain Bikers de Barbizon (77)

La forêt de Fontainebleau est, nous en avons tous fait le triste constat un jour, confondue avec une décharge par de nombreux randonneurs, vététistes et autres professionnels du BTP… Ce dimanche, les « brigades vertes » de la Mountain Bikers Association du 77 organisent, avec l’Office National des Forêts, une journée de collecte des ordures.

Infos pratiques : Rendez-vous à 9h30 sur le parking du restaurant « L’auberge de la Caverne des Brigands » à Barbizon. Si vous souhaitez participer à cette opération, il vous suffit d’envoyer un mail à l’adresse suivante : guigui.vanoud@free.fr

Découvrez nos autres idées pour sortir dans Paris extra-muros sur www.enlargeyourparis.fr

Les victoires du classique sacrent Chamayou et Deshayes

Les victoires de la musique classique ont élu mercredi soir leur cortège de stars et révélations instrumentales et lyriques dans la Halle aux grains de Toulouse. Cette 23édition, animée pour la première fois par Claire Chazal et Frédéric Lodéon, a décerné six victoires et une victoire d’honneur au pianiste Menahem Pressler. Les récompenses consacrent des talents émergents (révélations) et confirmés. Les révélations sont élues pour moitié par les professionnels et pour moitié par le grand public, invité à voter en ligne. Un collège de 300 professionnels (musiciens, producteurs de disques et de concerts, chefs d’orchestres, critiques) élit les lauréats «confirmés».

A donc été consacrée cette année pour la révélation soliste instrumentale la trompettiste Lucienne Renaudin Vary, 17 ans. La Mancelle, aussi habile en jazz, était opposée à la violoniste Camille Bertholet et à l’altiste Adrien Boisseau. La Révélation artiste lyrique échoit à la soprano Elsa Dreisig, Franco-Danoise passée par le Conservatoire de Paris et la Hochschule de Leipzig. 

La victoire de l’artiste lyrique pour Karine Deshayes

La victoire du meilleur compositeur a été remportée par Philippe Hersant pour Cantique des trois enfants dans la fournaise, une commande de Radio France créée mi-mai à Abbeville, «en n’utilisant que des instruments d’époque et en m’inscrivant ouvertement dans une tradition baroque», expliquait le compositeur à Radio France.

Le meilleur enregistrement n’est allé ni à Julie Fuchs (artiste lyrique 2014) pour Yes, ni à Sabine Devieilhe pour The Weber Sisters, mais à Philippe Jordan, le directeur de la musique de l’Opéra de Paris, qui a enregistré pour Erato la Valse et Daphnis et Chloé de Ravel avec l’Orchestre et les chœurs de l’Opéra de Paris.

Pour les deux catégories reine, c’est d’abord la mezzo-soprano Karine Deshayes qui a reçu la victoire de l’artiste lyrique. Deshayes, actuellement en récital, donnera une Carmen à Avignon en juin. Elle dame le pion à une autre mezzo, Marianne Crebassa, et au baryton Stéphane Degout.

Et c’est le pianiste toulousain Bertrand Chamayou qui a reçu, presque à demeure, la victoire du soliste instrumental, pour son intégrale des pièces pour piano de Ravel (Erato). Au détriment du pianiste Adam Laloum et de la flûtiste Magali Mosnier.

Prestigieux invités

Le concert des victoires invite des musiciens brillants, comme cette année au côté du pianiste Menahem Pressler (92 ans) le benjamin du clavier Julian Trevelyan, 17 ans, lauréat du concours Long-Thibaud-Crespin 2015. La soprano russe Olga Peretyatko, la basse russe Ildar Abdrazakov et le ténor américain Charles Castronovo étaient également sur le plateau, avec le violoniste Nicolas Dautricourt et l’orchestre et les chœurs du Capitole dirigés par Tugan Sokhiev.

L’an dernier, l’émission avait réuni 1,5 million de téléspectateurs, soit 200 000 de plus qu’en 2014. Le palmarès avait distingué la soprano à la voix aérienne Sabine Devieilhe et le violoncelliste Edgar Moreau comme artistes de l’année, tandis que les révélations récompensaient le jeune claveciniste Jean Rondeau et le ténor Cyrille Dubois.

LIBERATION

Abattage : une nouvelle vidéo montre les pratiques d’un abattoir certifié bio du Gard

L’association de défense des animaux L214 a diffusé ce mardi une vidéo montrant des mauvais traitements infligés aux animaux dans un abattoir certifié bio au Vigan (Gard), et annonce le dépôt d’une plainte. Animaux mal étourdis, moutons lancés violemment contre les barrière, coups répétés à la matraque électrique… La vidéo, qui dure environ 4 minutes 30 secondes, est parfois difficilement soutenable.

On y voit un employé prendre des agneaux récalcitrants à rentrer dans le couloir formé par des barrières lancer à plusieurs reprises et violemment des bêtes contre les clôtures. Des bovins et des porcs, théoriquement égorgés après avoir été étourdis, sont saignés alors qu’ils bougent encore. Un employé semble s’amuser à donner des coups de matraque électrique brefs et répétés pour tester la réaction des bêtes…

Les images ne sont pas prises en caméra cachée mobile, mais sont fixes, prises depuis un angle des pièces filmées, à l’instar d’une vidéosurveillance.

Nouvelle demande de commission d’enquête parlementaire

Cette vidéo est publiée quatre mois après une première vidéo filmée en caméra cachée à l’abattoir municipal d’Alès, également dans le Gard, qui avait provoqué de vives réactions, une enquête judiciaire, et la fermeture temporaire immédiate de l’abattoir.

Concernant l’abattoir du Vigan, L214, qui dénonce «des scènes intolérables violant la réglementation et causant d’importantes souffrances aux animaux», a annoncé avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République d’Alès. Cet abattoir est «certifié bio» et «travaille en circuit court», explique l’association. «Même dans un abattoir tourné vers le bio et le local, les animaux perdent la vie dans la souffrance», déplore la chanteuse Nili Hadida, chanteuse du groupe Lilly Wood and the Prick, qui présente la vidéo.

L214 demande une nouvelle fois une commission d’enquête parlementaire sur les méthodes d’abattage dans les abattoirs français.

A lire aussi : Treize raisons de lâcher le steak barbare

AFP

Quelle langue les séries de Canal+ parlent-elle ?

Quelle langue les séries de Canal+ parlent-elle ?
George Blagden (Versailles)

Au-delà de ses dissensions internes, Canal+ maintient le cap d’une politique ambitieuse en matière de séries européennes, notamment par le biais de tournages avec des équipes dirigeantes et techniques anglaises. Derrière la cohérence de ce mode de fonctionnement se cache toutefois une surprenante hétérogénéité des séries proposées : certaines mêlent avec dextérité diverses langues et traditions régionales, tandis que d’autres préfèrent le tout-anglais à l’universalisme facilitant les ventes à l’étranger. Quelles corrélations peut-on établir entre ces choix stratégiques et la qualité artistique des produits résultants ?

Après une période de stagnation (qui s’est soldée par l’échec, tant artistique que public, du retour tant attendu des Revenants), Canal+ est reparti de l’avant avec une politique de séries ambitieuses et audacieuses. Ce n’est pas un « effet Bolloré » – dont on peut au contraire se demander quel impact aura sur la branche fiction de la chaîne le bouleversement d’organigramme auquel a procédé le capitaine d’industrie dans la foulée de sa prise de pouvoir en milieu d’année dernière –, mais plutôt le fruit d’une ouverture mûrement réfléchie sur l’Europe, avec une orientation prioritaire vers le premier pays producteur de séries de qualité du continent : l’Angleterre.

Tunnel (remake de la série suédo-danoise Bron) en 2013, puis Spotless, Panthers et Versailles en 2015, ont toutes bénéficié du concours de producteurs, de réalisateurs, de scénaristes et/ou de techniciens britanniques, au point d’être parfois considérées, sur les marchés internationaux, comme des séries anglaises à part entière. Une stratégie qui rappelle celle adoptée par HBO au début des années 2000, la BBC prenant en charge une partie des frais de production de la mini-série Band of Brothers (2001), avant de renouveler l’expérience quatre ans plus tard avec Rome (2005-2007), série historique tournée dans les mythiques studios italiens de Cinecittà.

Pour Canal+, collaborer avec des partenaires européens est un geste d’autant plus naturel que le groupe s’est solidement implanté dans le paysage audiovisuel continental en plus de deux décennies, au point de barrer l’expansion de HBO en Europe de l’Ouest au début des années 1990 [1]. La chaîne possède ses propres déclinaisons en Belgique, en Espagne, en Italie, en Pologne, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves et même en Afrique, ce qui a contraint HBO, en 1991, à rediriger son plan d’expansion vers l’Europe de l’Est, choisissant, comme première destination, la Hongrie, avant de se tourner vers une douzaine d’autre pays dans les années qui ont suivi.

Choc des cultures

L’union fait la force : dans la période de crispation et de repli sur soi que traverse actuellement l’Europe, cet adage semble plus que jamais d’actualité, comme le souligne le discours que tient une représentante de l’Union Européenne dans l’épisode final de la première (et, a priori, unique) saison de Panthers : « La zone euro ne cesse d’être remise en cause par ses détracteurs. Il est donc temps de repenser son rôle et de renforcer son unité en tissant de nouveaux liens. […] Aujourd’hui, il ne s’agit pas de commerce, mais d’espoir. Il s’agit de revenir aux principes fondateurs de l’Europe : ensemble, nous sommes plus forts que séparés. Aujourd’hui, nous oublions les crises de la zone euro et les divisions, et nous décidons de faire un pas de géant vers une véritable Europe où l’Est et l’Ouest n’ont plus d’importance, où tous les peuples vivent ensemble en tant que citoyens unis d’une nouvelle Europe. »

Tahar Rahim (Panthers)

Tahar Rahim (Panthers)

Bien entendu, ce discours idéaliste ne manque pas d’ironie sous la plume de Jack Thorne, le showrunner anglais de Panthers dont on avait déjà pu apprécier le talent à l’écriture de Skins et des déclinaisons successives de This Is England. Faut-il le rappeler, l’Angleterre ne fait pas partie de la zone euro ; et l’Europe dépeinte par la série est largement gangrenée par des affaires de corruption et de malversations. Mais il est encore permis de croire aux vertus du travail collaboratif et du transfert de compétences, pour peu que celui-ci fonctionne à double sens. Comment, en effet, ne pas apprendre les ficelles du métier auprès de professionnels aussi aguerris que Jack Thorne, les réalisateurs Johan Renck (Breaking Bad, Vikings, Panthers) et Hettie Macdonald (Hit & Miss, Tunnel), les acteurs Stephen Dillane (Game of Thrones, Tunnel), John Hurt et Samantha Morton (Panthers) ? Sans compter les centaines de techniciens anonymes rompus à des méthodes de travail ayant déjà largement fait leurs preuves au Royaume-Uni…

Le choc des cultures est d’autant plus savoureux quand il nourrit le récit lui-même. Ainsi, Tunnel porte malicieusement le concept de la série dont elle est adaptée sur le terrain de la rivalité historique franco-britannique en brocardant dès sa scène d’ouverture les « rosbifs » qui ne savent pas parler français et les « frenchies » aimables comme des portes de prison. En quelques échanges bien sentis (Karl Roebuck : « Du calme, Jeanne d’Arc, je ne cherche pas la guerre » ; Elise Wassermann : « Je ne m’appelle pas Jeanne »), l’adaptation se rit de son propre contexte de production tout en renversant les barrières culturelles qui séparent les deux populations… par l’acte même de les réaffirmer. D’entrée de jeu mis sur la touche, Karl commente d’un ton ironique : « Nous observerons à distance. Peut-être que nous apprendrons quelque chose, qui sait ? » En l’occurrence, nul doute que ce sont les équipes techniques françaises qui auront le plus appris de leurs homologues britanniques, d’autant que la série a été renouvelée pour une deuxième saison dont la diffusion est prévue pour le premier semestre 2016.

Pratique des langues

Mais au-delà de cet échange de bons procédés, se pose la question centrale de la langue. Laquelle pratiquer dans une série qui, par définition, vise le marché européen tout en gardant à l’œil le continent américain, d’ordinaire si difficile d’accès pour les séries franco-françaises ? Tunnel et Panthers, fictions dont la double nationalité s’inscrit jusque dans la diégèse (la seconde s’étend même à l’est, sur le modèle de la trilogie finlandaiseUnderworld), optent pour le multilinguisme et, par voie de conséquence, le sous-titrage lorsque la langue pratiquée n’est pas celle du téléspectateur – mieux vaut dans ce cas éviter la version doublée qui risque d’embrouiller votre esprit inutilement. Spotless choisit le tout-anglais, mais tente de le justifier en situant son action à Londres (ce qui donne lieu à des situations ubuesques au cours desquelles Jean et Martin Bastière, deux frères vendéens se retrouvant outre-Manche, parlent entre eux en anglais, de même qu’un duo de malfrats français lancés à leurs trousses depuis leur région d’origine) [2]. Quant à Versailles, la plus franco-centrée de toutes les séries évoquées jusqu’ici, elle ne cache pas ses velléités d’exportation sur le marché américain en imposant l’anglais au Roi-Soleil et à l’ensemble de sa cour.

tunnel.jpg

Clémence Poésy et Stephen Dillane (Tunnel)

Dès lors, faut-il s’étonner que le niveau artistique de ces productions s’indexe sur celui de leur pratique des langues ? Tunnel et Panthers (auxquelles on peut ajouter Le Bureau des légendes et The Missing, même s’il ne s’agit pas de coproductions franco-britanniques) sont de brillantes démonstrations de la richesse apportée par le partage des origines et le mariage des talents, au-delà des montages financiers entrant dans le cadre d’europuddings sans saveur. Ce n’est pas seulement qu’on y mêle les langues ; on y mêle aussi les cultures, au point d’émettre des points de vue qui échappent malheureusement à bon nombre de séries françaises et réinvestissent l’expression « Nul n’est prophète en son pays ».

Que Khalil Rachedi, Franco-Algérien (comme son interprète, Tahar Rahim, et l’actrice qui joue sa sœur, Camélia Jordana) parle à ses proches en français, mais prononce le prénom de son frère, Mokhtar, avec l’accent arabe, dit beaucoup du carrefour identitaire auquel il se situe dans le récit. De même, loin de toute caricature, l’acteur Saïd Taghmaoui porte en lui ses origines marocaines dans la fascinante série de BBC One, The Missing, dont l’action se partage entre la France et l’Angleterre – les deux terres d’adoption des Tamouls de Dheepan, film au dénouement autrement plus caricatural ayant pourtant permis à Jacques Audiard de remporter sa première Palme d’or en 2015…

La loi du plus fort

En optant pour l’anglais à tous les étages, Spotless perd pour sa part ce multiculturalisme qui lui aurait sans doute permis de dépasser le stade de la comédie sympatoche, malgré une esthétique léchée et une interprétation solide (à commencer par celle de Denis Ménochet, acteur-révélation aussi à l’aise avec l’anglais qu’avec ses poings). L’illustration la plus saisissante du danger artistique que représente l’internationalisation – comprenez, le tournage en anglais – d’une coproduction franco-britannique est toutefois à aller chercher du côté de… Versailles. Interrogés (forcément) sur l’incongruité de ce traitement appliqué à une série mettant en scène le règne de Louis XIV, Simon Mirren et David Wolstencroft, les deux créateurs britanniques de la série (qui ont remplacé au pied levé Andre et Maria Jacquemetton, le couple de producteurs américains de Mad Men initialement attachés au projet), nous livrent sur un ton impérialiste les clés du problème :

Simon Mirren : « Vos scénaristes n’ont pas une voix assez forte. Ils ne sont pas respectés comme nous le sommes aux États-Unis. C’est un autre système. […] Nous sommes à une période charnière, notamment avec l’évolution des nouveaux médias. La France doit se faire sa place. Pour y arriver, il vous faut sans doute serrer les dents et accepter que cette série soit en anglais. Ce sera peut-être un moyen de faire connaître le talent des équipes françaises : les costumiers, les décorateurs, etc. »

David Wolstencroft : « Si l’on pouvait aider les scénaristes français à devenir des auteurs-producteurs, à mieux développer leurs histoires, à avoir plus de pouvoir, ce serait formidable ! J’ajouterais ceci : si Louis XIV était encore en vie et occupait la fonction de producteur exécutif de la série, suite à une étrange manipulation génétique, il voudrait la faire en anglais parce qu’il connaissait le pouvoir de la communication. Si la langue dominante sur Terre était le mandarin, il la ferait en mandarin. »

Marc-André Grondin (Spotless)

Se plier à la loi du plus fort, voilà le conseil de nos deux amis scénaristes-qui-ont-tout-compris-au-système. Se fondre dans la masse, serrer les dents et attendre que ça passe. À la limite, si le jeu en valait la chandelle, pourquoi pas ; mais quand on assiste, affligé, au spectacle désolant des dix épisodes de Versailles, réalisés pour la modique somme de 27 millions d’euros, on se dit que les ficelles sont un peu grosses. Oh bien sûr, ces épisodes se sont vendus comme des petits pains à travers toute l’Europe (et même jusqu’en Nouvelle-Zélande) : ils contiennent tout ce qu’il faut de complots machiavéliques, de décors authentiques et de damoiselles au corps sculptural s’offrant à notre regard gourmand (que l’on ne vienne plus me rebattre les oreilles avec les scènes de sexe « gratuites » de Game of Thrones, après cela…). Mais qu’ont donc à apprendre les équipes de tournage françaises de telles collaborations ? Que communiquer revient à pratiquer la langue la plus répandue, en faisant fi de ses origines et de son bagage culturel ?

D’autres projets de Canal+, évoqués précédemment, ont démontré l’aptitude de la chaîne à affirmer l’identité de ses séries sans leur imposer un déni du monde qui les entoure : Tunnel, Le Bureau des légendes, Panthers, en attendant Jour polaire (en partenariat avec le groupe suédois SVT) et The Young Pope (porté conjointement par Canal+, HBO et Sky, opérateur de télévision par satellite qui s’affirme de plus en plus comme un pourvoyeur de séries d’excellence). C’est justement parce qu’elles brassent de multiples cultures et influences, sans se plier à un conformisme mondialisant lissant toute aspérité, que ces créations-là peuvent réellement être qualifiées d’originales. Pourvu qu’elles aient de beaux jours devant elles.

Photos Canal+


[1] MESCE JR. Bill, Inside the Rise of HBO. A Personal History of the Company That Transformed Television, McFarland & Company, 2015, p. 182.

[2] Notons qu’a contrario, les flashbacks nous montrant Jean et Martin enfants sont dialogués en français, ce qui atteste que la solution du sous-titrage n’était pas totalement inenvisageable.

En Ouganda, «on espère qu’on sera moins déçus à la prochaine élection»

Le changement en Ouganda attendra. Sans surprise, Yoweri Museveni a été réélu pour un cinquième mandat à la tête du pays qu’il dirige depuis trente ans, avec 60,75% des voix, selon la Commission électorale ougandaise, après l’unique tour de l’élection présidentielle du 18 février. Kizza Besigye, principale figure d’opposition (35,37%), a quant à lui été placé sous surveillance après sa troisième arrestation en une semaine.

A lire aussi L’Ouganda n’en a pas fini avec son omniprésident

D’après la police, le leader du Forum pour le changement démocratique (FDC), très populaire dans l’Ouest, dans le Nord et dans certains quartiers de la capitale, se préparait à annoncer des résultats parallèles, estimant que l’élection n’avait pas été équitable. Les mêmes critiques sont venues des observateurs de l’Union européenne, qui ont remis en cause l’indépendance de la Commission électorale tout en jugeant ne pas pouvoir remettre en cause le scrutin. Le président du groupe d’observateurs du Commonwealth, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, a quant à lui insisté sur le poids de «l’argent politique» ainsi que sur la fusion entre l’Etat ougandais et le parti au pouvoir. Au même moment, Yoweri Museveni recevait les félicitations de Pierre Nkurunziza, dont la réélection a plongé le Burundi dans un début de guerre civile.

 «Qu’est-ce que la paix quand tu n’as pas à manger ?»

A sept heures de route à l’ouest de Kampala, Kasese a retenu son souffle après une manifestation d’opposants réprimée au gaz lacrymogène. Mais à l’heure de l’annonce des résultats, c’est la joie qui prime dans cette ville au pied des montagnes, où contrairement à certains quartiers de Kampala les urnes sont arrivées à temps. «Même si les conditions de vote sont bonnes, beaucoup de gens ont été intimidés et des militants menacés jusqu’à l’élection», témoignait un observateur local au moment du dépouillement. Ici, Kizza Besigye a battu Yoweri Museveni avec 56,41% des voix et cinq des six membres du Parlement élus pour représenter le district, dont une femme, sont membres du FDC. «A Kasese, on n’a pas vu les résultats de l’action du gouvernement depuis trente ans, explique un entrepreneur. Museveni a fait la paix dans le pays, mais qu’est-ce que la paix quand tu n’as pas à manger ?»«Nous ne sommes pas contre Museveni, nuance un jeune homme, mais il faut changer. Il doit aller à la retraite. Et à vrai dire, il y a peu de différences entre lui et Besigye.»

Il est vrai que le programme de Kizza Besigye, ancien médecin personnel de Yoweri Museveni, présente peu de différences avec celui du président. Mais vu de Kasese, c’est la corruption du régime qui a été le facteur de cette victoire. «L’Ouganda a besoin d’être unifié, alors que les ministres le divisent en favorisant leurs proches», résume un mécanicien qui assiste au défilé des vainqueurs dans la ville. Dans cette région éloignée de Kampala, dont le roi coutumier s’est déclaré opposé à un nouveau mandat de Yoweri Museveni, c’est Crispus Kiyonga, le ministre de la Défense originaire de la région, qui concentre toutes les critiques. «Besigye parle aux gens ordinaires. Les gens autour de Museveni s’enrichissent et ont un train de vie extravagant, tandis qu’il n’y a pas assez d’écoles et pas assez d’hôpitaux ici, poursuit un jeune homme sans emploi. On espère qu’à la prochaine élection, nous serons moins déçus.» 



Pierre Benetti à Kasese, Ouganda

Berlinale: «Fuocoammare», documentaire sur les réfugiés, décroche l’Ours d’or

L’Ours d’or du meilleur film du festival de cinéma de Berlin a été attribué samedi au documentaire italien Fuocoammare de Gianfranco Rosi, sur le drame des migrants à Lampedusa.

Sans voix off ni commentaire, Fuocoammare raconte en parallèle le quotidien d’habitants de l’île italienne et celle de ces milliers de migrants qui y arrivent en bateau dans des conditions catastrophiques, dont beaucoup perdent la vie.

«Il n’est pas normal que des gens meurent en traversant la mer pour échapper à des tragédies», a déclaré Gianfranco Rosi après avoir reçu son prix, qu’il a dédié aux «gens de Lampedusa».

«En ce moment, toutes mes pensées vont à tous les gens qui ne sont jamais arrivés à Lampedusa», a ajouté le cinéaste, qui avait reçu le Lion d’or à Venise en 2013 pour un autre documentaire, «Sacro GRA», consacré aux personnes vivant près du périphérique romain.

À lire aussiLa Berlinale, saison de migrations

L’Ours d’argent du meilleur réalisateur a été décerné à la Française Mia Hansen-Love, 35 ans, pour L’Avenir, son cinquième long métrage. Le film raconte l’histoire d’une professeur de philosophie, interprétée par la Française Isabelle Huppert, confrontée à une liberté nouvelle lorsque son mari la quitte.

L’Ours d’argent saluant le meilleur interprète masculin est allé au Tunisien Majd Mastoura pour son rôle dans Hédi, première production arabe en compétition à la Berlinale depuis 20 ans.

Majd Mastoura a rendu hommage «au peuple tunisien» et «aux martyrs de la révolution» de 2010-11 en Tunisie en recevant son prix.

L’Ours d’argent récompensant la meilleure actrice est allé à la Danoise Trine Dyrholm pour son rôle dans Kollektivet («The Commune», «La communauté») de Thomas Vinterberg, sur l’histoire d’une communauté dans les années 70 (on en parlait ici). L’actrice de Festen ou Royal Affair, 43 ans, y interprète une femme trompée au bord du gouffre.

AFP

Nos animaux ont du talent

Cette rubrique est en vacances depuis si longtemps maintenant (le dernier épisode était un hommage à Bowie, c’est dire) que vous vous êtes probablement endormis devant votre écran…

Toutes nos excuses. On va se rattraper en organisant un énorme défilé de poilus, qui ont patiemment fait la queue sur les interwebs en attendant de monter sur la scène de Vendredi à poils pour exposer leurs talents. Ouvrons grand nos mirettes : il y a du niveau.

C’est du propre

Tout d’abord, Rosie tient à nous montrer comme elle est sage quand elle prend son bain dans le lavabo. Bravo, Rosie ! Quiconque a déjà essayé de shampouiner son chat saura apprécier cette patience à sa juste valeur.

Mamie gâteau

Quant à Chori la panda rousse, qui habite le parc Symbio Wildlife en Australie, elle a célébré le mois dernier son 16e anniversaire… Un âge très vénérable, puisque l’espérance de vie de son espèce tourne normalement autour de dix ans ! Chori est une star du parc et enchante les visiteurs grâce à «son air perpétuellement joyeux». Elle a eu droit à un magnifique gâteau d’anniversaire composé de ses fruits préférés et de feuilles de bambou.

Jeux olympiques

Sportifs, les hamsters. Dumptruck et Porkchop s’affrontent dans une course d’obstacles pas piquée des hannetons avec une passerelle à bascule, des cerceaux, des haies et un slalom. Il y a même une remise de médailles à la fin… 

«Shadow of the Colossus»

Après l’agility, place à l’épreuve d’escalade. Le premier qui arrive à la tête a gagné !

Shadow of the Colossus is such a good game. pic.twitter.com/g2Xr9Xckli

— Chris Person (@Papapishu) 31 Janvier 2016

Vertiges virtuels

A quoi servent les muscles quand on a la technologie ? Grâce au talent de scénariste-doubleur de Parole de chat, ce stupide sac en papier devient un casque de réalité virtuelle pour chat. Renversant.

Trois… deux… un…

A quoi servent les muscles quand on a la technologie ? (bis) Décollage.

Wednesday, we have lift off. pic.twitter.com/vHiaHECeF8

— Present & Correct (@presentcorrect) 17 Février 2016

Bon week-end

On doit ce clip de Run The Jewels à l’inénarrable animateur anglais Cyriak, expert en mutations animalières.

Camille Gévaudan

Vhils, les murs du sens

«J’ai toujours été timide avec les langues », dit Alexandre Farto aka Vhils, 28 ans, après plus de cinq heures passées à parler en anglais de son travail, de politique, d’éducation artistique, de la ville, et de sa prochaine exposition, ici à Hongkong. Lui qui vit et travaille avec une Française comprend notre langue mais n’ose la parler qu’avec ses beaux-parents.

Alexandre Farto a trouvé son propre langage : l’art urbain, l’art contextuel, le street art. Les aficionados savent que Vhils est l’une des étoiles montantes du moment. L’un de ceux qui renouvellent le genre tout en s’intégrant à l’histoire d’un art né à Philadelphie et New York dans les années 60. Son langage est protéiforme.

Vhils dans son atelier, janvier 2016.

Vhils dans son atelier hongkongais, janvier 2016. Photo Leo Kwok.

Vhils est un expérimentateur, un galeriste, un graffeur, un messager, un sculpteur. Avec cette constante : tout ce qu’il crée est politique. Au sens premier du terme : en lien avec la vie de la cité, de la ville. Pour comprendre pourquoi il sculpte les murs, pourquoi il les fait exploser, pourquoi ses visages nous regardent aux quatre coins du monde, il faut se glisser dans sa peau. Celui d’un jeune homme touchant et modeste, voix posée et chaleureuse, look casual et sans fioritures.

Magda Danysz, sa galeriste et grande spécialiste du street art résume bien l’homme et son travail : «Chez Vhils tout fait sens. Alors qu’il réalise quelque chose de séculaire, graver, gratter les murs, il réussit avec poésie à faire du nouveau sans que jamais l’effet ne prédomine sur le sens et l’émotion», que l’on peut parfois reprocher à certains artistes contemporains. «Du plus loin que je me souvienne, je voulais faire quelque chose en lien avec l’art et l’expérimentation. J’étais un élève moyen, je n’étais pas bon en sport, alors je dessinais.»

Ce sont les murs de sa ville qui vont lui servir de medium dès l’âge de 10 ans. Le futur Vhils (il adopte ce tag, cette signature, à 13 ans, parce qu’il en aime les lettres et qu’il peut les dessiner très vite), grandit à Seixal, dans la banlieue ouvrière de Lisbonne. Ses parents originaires de la campagne s’y sont installés quand ils sont devenus étudiants. Seixal est située de l’autre côté du pont du 25-avril qui la relie à Lisbonne. Le détail pourrait paraître anodin. Mais le mot «bridge» (pont) jalonne notre conversation. Car Vhils veut construire des ponts, au sens figuré. Des ponts entre les jeunes artistes et les institutions, entre les citoyens et leurs villes, entre le street art et l’art contemporain.

«Au milieu des années 90, certains murs de ma banlieue laissés à l’abandon ont commencé à être recouverts de graffitis. Ils faisaient face à d’autres recouverts de publicités. La mairie luttait contre ces tags, moins contre la publicité, et les couches s’accumulaient. Le changement du pays suite à la révolution de 1974 qui a mis fin à la dictature était visible sur ces murs. Les murs absorbent toujours l’histoire de la ville.» Alexandre Farto a regardé ces couches successives comme un archéologue étudie les sédiments dans le sol.

Le travail de Vhils pour l’exposition Dissection organisée à Lisbonne en 2014 :

Réhumaniser

Sa première impulsion a été d’apporter sa propre couche, en réaction à l’urbanisation qui était en marche «comme une bombe nucléaire», avec ses cercles concentriques qui n’épargnent rien. «Je faisais partie du phénomène de sédimentation.» Il commence par suivre le parcours habituel du graffeur. Passe des murs aux trains pour gagner le respect de ses camarades et des autres bandes – «crews» dans le milieu du tag.

A 14 ans, il s’attaque à celui de la première compagnie portugaise privée, réputée ultrasécurisée, Fertagus, qui relie les deux rives via le fameux pont. En une nuit, seul, il recouvre le train. Cela lui vaut illico le respect des autres crews de Lisbonne. Mais assez vite, le graff ne suffit pas. Et les murs de plus en plus épais l’obsèdent. Il sait, par son père militant communiste pendant la dictature, qu’ils ont aussi été des supports de propagande. Il va alors commencer à recouvrir des affiches de peinture blanche et ôter, en déchirant, en sculptant, les strates successives pour faire apparaître des visages, des yeux.

«Au début, ce n’était pas illégal puisque les publicités l’étaient déjà, donc je pouvais faire ça quand je voulais sans me cacher ni être arrêté.» Pourquoi des visages ? «Je voulais refléter l’impact des changements dans la ville. Comment cela touche chaque citoyen, chaque individu. Comment l’identité est affectée par chaque couche collée chaque jour sur ces murs. Comment la publicité joue sur nos vies, sur nos attentes, nos besoins. Comment notre environnement et les images qui nous entourent affectent ce que nous sommes. Finalement, est-ce que nos rêves sont encore bien les nôtres, influencés, manipulés par ces images commerciales que nous voyons au quotidien ? J’ai voulu remettre des visages dans cet univers urbain. Ceux des gens qui y vivent.»

Vhils va continuer d’explorer ces murs jusqu’à les sculpter, au marteau-piqueur et au burin. Il ne s’agit plus seulement de dénoncer la publicité colonisatrice de l’imaginaire mais de redonner du sens, de souligner le contexte et d’attirer les regards sur un endroit du monde, sur sa population. «Pour la favela de Rio Morro da Providencia, j’ai rencontré les populations qui se faisaient payer pour quitter la ville. Leurs maisons étaient détruites pour donner une bonne image lors de la Coupe du monde de football. J’ai sculpté les visages de la communauté sur les murs en ruine. Cela a attiré les médias et mis en lumière l’absence de communication, de concertation entre la mairie et les populations qui étaient chassées vers des banlieues. Je ne dis pas que les conditions de vie dans les favelas étaient bonnes mais le dialogue a pu se renouer. Pour certains, il était déjà trop tard. Pour d’autres, cela a permis d’arrêter le processus. Je ne dis pas que tout est arrivé grâce à moi, Il y avait des associations derrière.»

A l’instar d’un JR, Vhils veut réhumaniser la ville, la vie, aux quatre coins du monde. Alexandre Farto est un citoyen ouvertement engagé, le cœur à gauche, pro-européen mais qui déplore l’absence de politiques publiques tournées vers l’art et l’éducation artistique. Il s’inquiète de la montée des nationalismes et populismes, dit qu’«il suffit parfois d’une étincelle pour faire réapparaître le passé».

Vhils à la favela de Providência :

Créer du lien

Croiser le regard de l’un des portraits sculptés par Vhils est une expérience chaque fois différente. Les visages créés sont mouvants, changent selon la lumière, selon l’angle depuis lequel on les regarde. Les Parisiens peuvent faire le test avec ceux sculptés au sein de l’hôpital Necker dans le XVe arrondissement : selon le trottoir sur lequel on se trouve, des ombres se forment, la météo influe aussi sur l’humeur du visage. «Chaque mur est différent, on ne sait jamais sur quoi on va tomber quand on commence à sculpter. Certaines matières sont poreuses et laissent l’humidité s’infiltrer.»

Ce qui frappe est la fragilité. Le pochoir inversé semble tellement précaire, éphémère comme la plupart des murs sur lesquels il intervient. Ce sont ces liens, ces ponts que Vhils entend consolider. Échos de celui de son enfance qui le séparait des autres graffeurs, des réhabilitations de Lisbonne dopées par les crédits européens qui se déversaient alors sur le pays.

Vhils fait partie de la première génération d’artistes qui a grandi avec Internet. Il se souvient du tchat mIRC, l’un des premiers, créé en 1995. Ce tchat disposait de chaînes thématiques. Alexandre Farto a squatté celle consacrée au graffiti. «C’était mon Erasmus à moi. Je pouvais dialoguer avec les graffeurs de Lisbonne et du monde entier dans mon très mauvais anglais. Nous échangions des liens vers les images de nos performances. Je me souviens comme elles se chargeaient lentement. Mais je pouvais communiquer et partager. C’était aussi le moyen de se donner rendez-vous pour peindre ensemble.»

L’éphémère du street art oblige les artistes à immortaliser leurs œuvres. De ses premiers graffitis à ses façades immenses, Vhils garde tout. Il est le documentariste de son œuvre. Et désormais, grâce aux réseaux sociaux, il peut partager son travail ad libitum. Sa galeriste Magda Danysz: «Cela renforce l’idée que le street art est pour tout le monde, et donne la possibilité d’observer le “work in progress” très important dans l’œuvre de Vhils et que le public adore.»

Vhils dans le quartier Central, à Hongkong. Photo Leo Kwok.

Les vidéos de ses premières explosions par exemple, sont des œuvres d’art à part entière. Le processus filmé au ralenti permet de voir l’invisible à l’œil nu: les éclats du mur se détacher, les premiers détails du visage apparaître. «J’ai commencé à travailler avec les explosifs après la crise de 2008. J’ai pensé que du chaos naissait le sens. Il m’a fallu beaucoup d’essais pour maîtriser la technique. Je commence par recouvrir le mur d’un enduit très résistant, je dessine ou projette ensuite le visage sur le mur. Enfin, je mine avec des explosifs comme des feux d’artifice les différentes parties du mur. Le visage apparaît ensuite d’un seul coup.»

Ces explosions vont continuer d’asseoir une notoriété acquise quelques années plus tôt lors du fameux Cans festival organisé par le Britannique Banksy en 2008, à Londres. A l’invitation de la légende invisible du street art, Vhils a œuvré dans un tunnel condamné mis à disposition par Eurostar. Ses œuvres et vidéos sont vues des milliers de fois sur YouTube, son aura décolle. Il peut désormais «rendre ce qu’il a reçu de la communauté».

En 2009, il crée le festival Crono à Lisbonne avec un curateur italien génial, Angelo Milano (1). L’événement, soutenu par le maire de l’époque qui a compris que l’art et le street art «n’est pas le problème mais une partie de la solution», offre à trois artistes, trois façades oubliées, pendant trois mois. Vhils organise la rencontre entre des artistes confirmés, tels que Os Gêmeos ou Blu, locaux ou peu connus. C’est un succès. La presse du monde entier braque ses projecteurs sur Lisbonne. «Une ville a tout à gagner à favoriser l’art. Cela permet d’intégrer les artistes tout en enrichissant son offre culturelle et, si les médias en parlent, d’avoir un retour sur investissement en termes de communication. C’est donc bon socialement et économiquement.»

L’année d’après, en 2010, à 23 ans, Vhils crée une galerie à Lisbonne : Underdogs (en anglais, un joueur certain de perdre). Aux artistes, Alexandre veut donner une chance de gagner ou en tout cas de s’exprimer sans «avoir à travailler au Starbucks pour survivre». Il finance les projets à travers la vente de sérigraphies, de livres, et sur ses fonds propres. «Je me suis toujours demandé pourquoi l’art n’était pas davantage mis en avant dans l’éducation nationale ou au sein des villes. Pas pour que tous les enfants deviennent des artistes mais pour en sauver quelques-uns qui se noient dans le système. Et les villes ont tout à y gagner. Cela permet comme nous le faisons avec Underdogs de changer le panorama des villes et de replacer l’art au cœur de l’espace public.»

Hongkong pour épicentre

L’interview avait pour cadre Central – le quartier d’affaires et de luxe –, au cœur de l’île principale de Hongkong. Puis direction le studio d’Alexandre, au sud de l’île. En chemin, on note l’urbanisation saisissante, les tours modernes qui s’enchevêtrent avec de plus anciennes parfois décrépies, des instants de verdure, le trafic dense et pollué. Vhils: «Cette ville rassemble tout ce que j’aime et déteste à la fois. Hongkong est le symbole de la ville et dans le même temps, on peut se retrouver en pleine nature en quelques minutes. Elle m’inspire. J’aime par exemple rester à Causeway Bay (2), immobile, capturant le mouvement. Être immobile parmi le flot. Je travaille actuellement sur des installations spécifiques pour cette ville. Je ne peux pas en dire plus mais c’est en lien avec les premières images que je garde en tête quand je pense à Hongkong, les films de Wong Kar-wai. Cet univers, qui était si loin de moi quand j’étais petit, m’a toujours attiré.»

L’un des murs de l’hôpital Necker, à Paris XVe. Photo Stephane Bisseuil.

Son studio est situé au cœur d’un quartier en pleine réhabilitation où des immeubles de bureaux flambant neufs remplacent les usines. En entrant, on est surpris de ne pas voir une demi-douzaine de collaborateurs travailler sur l’exposition à venir. Seul son «studio manager», Tiago Silva, qui l’a rejoint dernièrement, est concentré derrière son écran. Le reste est un espace blanc quasi vide. À l’arrière, une seconde pièce ressemble d’avantage à un atelier d’artiste. De vieilles affiches déchirées sur le sol, des œuvres sérigraphiées «travaillées à l’acide pour en retirer la peinture et révéler les visages» sur une table, une porte sculptée. Cette exposition en collaboration avec la fondation privée à but non lucratif HOCA (3) qui se donne pour mission d’ouvrir les esprits à l’art contemporain à Hongkong, est pensée pour être itinérante, voyager et s’enrichir à chaque étape.

Vhils insistera sur le lien entre l’intérieur et l’extérieur, la ville, les murs, les visages, fera des interventions dans chaque ville où l’exposition fera halte. Lui semble vouloir s’établir ici, sur cette île à mi-chemin entre Asie et Occident, dans le sillage de sa compagne. Et continuer à parcourir le monde pour y laisser sa marque, (re)faire les murs. Changer la façade du monde, in fine.

(1) Créateur en 2008 du Fame Festival qui va transformer sa petite ville, Grottaglie dans les Pouilles, en haut lieu du street art. Vhils a participé à la deuxième édition.

(2) Quartier de shopping connu pour son passage piéton où se croisent des milliers de gens.

(3) Hongkong Contemporary Art.

Pour en voir plus : • alexandrefarto.com • under-dogs.net • magda-gallery.com/fr • hoca.org

Jérôme Badie