Archives mensuelles : janvier 2016

Le RC Toulon revient de l’enfer

Mourad Boudjellal, fin gastronome et pas vraiment fan de pâté, est fixé : cette équipe de Toulon, c’est encore du foie gras ! Certes moins frais que par le passé, un peu jauni et abîmé par le temps et l’usure, mais le goût reste encore agréable en bouche, les spectateurs du stade Mayol ont vibré à l’unisson cet après-midi, au bout du suspense, exultant avec la ferveur des soulagés. Le temps réglementaire est terminé depuis quelques secondes, le RCT joue son 143e temps de jeu, les Londoniens des Wasps résistent férocement, ils tiennent la première victoire d’une équipe étrangère à Toulon en Coupe d’Europe, un petit tsunami menace d’emporter la Rade et le tenant du titre depuis mai 2013.

Une passe de Ma’a Nonu, qui a joué avec des moufles une grande partie de la rencontre (plaquages ratés, passe sautée bien trop sautée, en-avant), envoie le funambule Drew Mitchell dans l’en-but adverse. Mitchell, le plus fou de la bande, celui qui filme avec un drone son coéquipier Matt Giteau en train de se baigner à poil dans une calanque varoise, permet au RCT de continuer à rêver d’une qualification en quarts de finale et d’un quadruplé. «J’ai dit il n’y a pas longtemps que j’avais tout vécu, souffle le président Boudjellal. C’était faux, je n’avais jamais vécu ça. L’élimination ne veut pas de nous depuis trois ans et demi, mais la grande faucheuse s’est bien rapprochée. On est moins fringants que d’autres équipes, mais on s’est donné un peu de répit, on va essayer de récupérer nos blessés, notre énergie. On sait ce qui nous attend à Bath [samedi prochain, ndlr] mais on reste en vie, on revient de loin, d’une grosse défaite aux Wasps [un concassage en règle, 32-6, le 22 novembre, ndlr]

Laporte : «Ce n’est pas un grand Toulon, mais un Toulon costaud dans la tête»

A Bath, déjà éliminé mais pénible à jouer (maigre victoire 12-9 à Mayol le week-end dernier), le RCT cherchera samedi prochain une cinquième victoire consécutive en Champions Cup. Sans la maestria de Giteau, qui sera opéré des adducteurs demain et sera absent trois mois, cette formation est moins brillante. Sans la précision de Leigh Halfpenny, victime d’une rupture des ligaments du genou en septembre, elle est dépourvue de tireur d’élite. Face aux Wasps, la transformation ratée et le drop caviardé de Quade Cooper, puis les deux pénalités manquées par Frédéric Michalak, son successeur à l’ouverture, ont failli coûter très cher.

«J’ai bien cru que c’était fini… J’aurais préféré qu’on tue le match avant, mais quand tu laisses passer autant de points en route, tu te compliques la tâche, explique le manager Bernard Laporte. A la mi-temps, je leur ai dit : ‘‘Si on marque une ou deux fois, on leur met 30 points.’’ Mais on ne le fait pas. C’est comme aux cartes. Si tu as du jeu et que tu ne prends pas, ça se retourne contre toi.» Le demi-de-mêlée Eric Escande abonde : «C’est notre défaut du moment, on n’est pas assez réalistes. On essaie de mettre un gros volume de jeu, mais on fait plein de petites fautes de main. Sur la dernière action, pfff, j’ai les mains sur la tête, je suis en train de prier.» 

Laporte peut compter sur ses grognards, la puissante troisième ligne composée de Juan Smith, Steffon Armitage et Duane Vermeulen, sur l’impeccable Bryan Habana, sur l’épatant Josua Tuisova, qui a parfaitement servi Cooper pour le premier essai du match, après une série de turnovers de chaque côté. Ça suffit, pour l’instant, en espérant que l’épidémie de blessés ne dure pas. «Ce n’est pas le grand Toulon, mais un Toulon costaud dans la tête, ajoute Laporte. La dernière action, c’est comme à la pétanque, sur le dernier tir. Il ne faut pas trembler !» Après avoir chanté sous la douche, Drew Mitchell est passé dans les couloirs de Mayol avec le sourire et une bière à la main. Devant une pinte comme devant l’en-but adverse, lui ne tremble jamais. 

Mathieu Grégoire Envoyé spécial à Toulon

Rennes : pour Biotral un accident «imprévisible et inexplicable»

L’accident d’essai clinique qui a provoqué la mort cérébrale d’un patient et des troubles neurologiques chez quatre autres hospitalisés à Rennes ? «A l’heure qu’il est, nous restons toujours dans un cadre d’événements imprévisibles, inexpliqués et inexplicables», a affirmé François Peaucelle le directeur général du centre de recherche Biotrial qui menait l’essai clinique pour un laboratoire portugais. «Il reste, je crois, encore quelques personnels de la police ou de la gendarmerie qui sont sur place», a-t-il ajouté, précisant qu’il n’attendait pas de retour des inspecteurs des autorités de santé dans les jours prochains. 

«Les inspecteurs ont passé un certain nombre d’entretiens, ils ont interrogé un certain nombre de personnes qui étaient intervenues dans le projet, ils ont regardé un certain nombre de documentation, pour analyser la façon dont les process de déroulement de l’étude avaient été suivis, a-t-il détaillé. La police a saisi hier des matériels pharmaceutique, les lots de médicament incriminé».

«Les représentants de la société Bial (le laboratoire pour lequel s’effectuait cet essai) ne sont pas en mesure d’intervenir (devant la presse, ndlr) aujourd’hui parce qu’ils sont pris par les besoins de l’enquête et notamment des auditions mais ils ont l’intention de communiquer prochainement», a-t-il ajouté. «Ça fait six ans qu’on travaille avec le laboratoire Bial, c’est un laboratoire sérieux, reconnu».

Le patron de Biotral s’exprimait peu après le départ, en milieu d’après-midi, d’inspecteurs de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) «comme annoncé par la ministre» de la Santé Marisol Touraine vendredi avaient précisé ses services.

L’inspection menée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) était aussi sur place ce samedi, selon la même source. L’ANSM avait entamé dès vendredi sur place une «procédure d’inspection technique» du laboratoire.

Le ministère de la Santé et des Affaires sociales avait indiqué vendredi avoir saisi l’Igas afin de mener «une inspection sur l’organisation, les moyens, et les conditions d’intervention du laboratoire Biotrial dans la réalisation de l’essai clinique».

Les six patients dans un état «stable»

Par ailleurs, l’état de santé des six patients hospitalisés à Rennes est «stable», a indiqué samedi après-midi le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de la ville. Parmi ces six hommes, âgés de 28 à 49 ans et hospitalisés dans le courant de la semaine, l’un est dans un état de mort cérébrale, quatre ont des troubles neurologiques et un sixième, hospitalisé par précaution, ne présente pas de symptômes.

«La prise en charge des patients et des familles de ces derniers fait l’objet d’une mobilisation totale et constante des équipes médicales et soignantes du CHU. Un accompagnement social et psychologique a également été mis en œuvre», précise le communiqué selon lequel «un accompagnement juridique sera proposé aux patients et à leurs familles».

«L’ensemble des volontaires est en train d’être contacté», fait encore savoir le CHU. Les six personnes hospitalisées faisaient partie d’un groupe de 90 «volontaires sains», originaires de l’ouest de la France. Chaque année, des milliers de volontaires participent à des essais cliniques et les accidents recensés sont très rares.

AFP

«Je suis Henri Pinson», entrain digital

Vous n’allez pas croire ce qu’il est arrivé à Henri Pinson ce matin. Un truc de fou ! Une sensation qu’il n’avait jamais connue encore. Le genre qui vous transcende jusqu’au plus profond de votre être, et qui vous donne le vertige quand vous essayez de réaliser. Voilà : Henri a eu une pensée. Enfin, plus exactement, «il avait eu une pensée et l’avait entendue».

Eh, ne rigolez pas ! Vous vous rendez compte de la révolution que ça représente dans la cervelle d’un petit pinson gros comme mon pouce ? Des pensées, Henri en avait tous les matins et tous les soirs. En voyant le Soleil se lever, il comprenait que c’était l’aube et disait «Bonjour» à ses amis les pinsons. En voyant le Soleil se coucher, il en déduisait que c’était le crépuscule et disait «Bonsoir» à sa bande de pinsons. Ça lui venait tout seul, il ne s’en rendait même pas compte. La communauté des pinsons vivait en pilotage automatique.

Mais le jour où Henri a «entendu» sa pensée, tout a changé. Il a découvert qu’il avait des pensées. Il en était devenu conscient. Il en a déduit que cette pensée avait été produite par quelqu’un, en l’occurrence lui. Cogito, ergo sum. Il a donc découvert sa propre existence… «Je suis moi». Combien d’enfants sentent le monde se dérober sous leurs pieds quand ils se retrouvent, au hasard de leur monologue intérieur, nez à nez avec ce genre de révélation ?

Il y a dans Je suis Henri Pinson un bouillonnement de philosophie que l’Ecole des loisirs recommande aux cerveaux de 5 à 7 ans, mais capable de mettre en fusion les méninges de tous les publics plus âgés qui goûtent le plaisir de l’introspection. Une fois sa machine à réfléchir enclenchée, on n’arrête plus Henri Pinson : il se demande comment exploiter ce superpouvoir, se découvre des envies de célébrité, décide de changer le quotidien en attaquant «la Bête» qui le terrorisait jusqu’alors et parvient à manipuler ses pensées de prédateur pour la rendre inoffensive.

Peut-on entendre les pensées d’autrui ? Peut-on les influencer avec nos propres idées ? Les méchants ont-ils de mauvaises pensées, ou ont-ils l’impression d’être gentils ? Sont-ils vraiment méchants quand on essaye d’adopter leur point de vue ? Peut-on comprendre le monde entier en prenant simplement le temps d’y réfléchir ? La réflexion donne-t-elle du courage ? L’intelligence peut-elle nous débarrasser de la peur ? Penser nous rend-il libres ?

Oui, il y a tout ça dans l’album du jeune auteur britannique Alexis Deacon, qui plante en quelques phrases toutes simples des graines de sagesse dans notre esprit. Quant à l’illustratrice Viviane Schwarz, c’est une idée de génie qu’elle a eue en imprimant le corps d’Henri Pinson avec son doigt : «Je voulais que tous les pinsons soient semblables mais que chacun soit unique, donc j’ai utilisé des empreintes digitales, explique-t-elle. Henri est toujours imprimé avec le même doigt, et personne d’autre n’a cette empreinte particulière.» Et pour la bande d’oiseaux, «j’ai récolté les empreintes de tous les amis qui venaient me rendre visite à la maison ou au studio pour en avoir une bonne collection».Protéiforme, son dessin conjugue les délicates empreintes rouges des volatiles et le trait vif de l’encre de chine à la plume, peint l’inquiétante Bête à l’aquarelle, ses entrailles d’après les schémas scientifiques d’une oreille interne et les abîmes de réflexion dans une fulgurante double page sur fond noir. Ça dépote.

Je suis Henri Pinson De Alexis Deacon et Viviane Schwarz, 40 pages, L’école des loisirs, 13,5 euros, 2015.

Camille Gévaudan

L’acteur anglais Alan Rickman est mort à l’âge de 69 ans

L’acteur britannique Alan Rickman est décédé à l’âge de 69 ans des suites d’un cancer, annonce ce jeudi le Guardian.

Après un début de carrière au théâtre en Angleterre – il fut membre de la Royal Shakespeare Company, ce Londonien s’est fait connaître au cinéma en interprétant le méchant Hans Gruber, dans le premier volet de la série Die Hard (ou Piège de Cristal, 1988, en VF), nous valant une des chutes célèbres de l’histoire du cinéma. 

Il interprétera ensuite le shérif de Nottingham dans Robin des bois, prince des voleurs (1991) et jouera dans Love Actually (2003). Mais c’est le personnage de Rogue dans les huit volets de l’adaptation cinématographique de la série Harry Potter qui lui fera accéder à la notoriété internationale.

Alan Rickman a par ailleurs réalisé deux films : L’invitée de l’hiver (1997) et plus récemment, Les jardins du roi avec Matthias Schoenaerts et Kate Winslet. En juin dernier, il était l’invité du Tonight Show de Jimmy Fallon. Lui dont la voix était si reconnaissable y inhalait de l’hélium pour divertir, sans grande peine, l’auditoire.

 

LIBERATION

Affaire Jeanne : fin des investigations sur le financement des campagnes du FN

Une semaine après Marine Le Pen, un nouveau cadre du Front national a été placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre de l’affaire Jeanne : le maire d’Hénin-Beaumont et vice-président du parti, Steeve Briois. Intermédiaire entre celui de simple «témoin» et de «mis en examen», ce statut peut, selon le code de procédure pénale, viser tout personne «contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions».

Selon l’AFP, cette dernière audition a clos les investigations des juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi. S’ouvre désormais un délai durant lequel les mis en examen peuvent demander de nouveaux actes d’enquête, avant que le parquet de Paris prenne ses réquisitions puis que les juges d’instruction décident ou non d’un renvoi en procès. Le FN a d’ores et déjà saisi la cour d’appel pour faire annuler une partie de la procédure. Au total, celle-ci a entraîné dix mises en examen, dont celles d’un vice-président et du trésorier du FN, ainsi que celle du Front national – pour «recel d’abus de biens sociaux» et «complicité d’escroqueries».

A lire aussi :«La machine à fric des amis du FN»

Les juges ont ouvert une information judiciaire en avril 2014. Ils suspectent le microparti Jeanne, lié à Marine Le Pen, d’être au cœur d’un système de financement frauduleux, impliquant du matériel de campagne conçu par la société Riwal, et dont l’achat était très fortement recommandé par le FN à ses candidats. Les juges envisagent que le prix de ces kits ait pu être surévalué. Les candidats frontistes pouvaient ensuite souscrire un prêt auprès de Jeanne pour les acheter.

Si ces soupçons se vérifiaient, le dindon de la farce serait l’Etat, qui rembourse les dépenses électorales avec de l’argent public. Les juges soupçonnent également ces partis d’avoir été illégalement financés par Riwal via des aides financières ou en nature, comme la mise à disposition gratuite de locaux ou d’employés ou des facilités de paiement. Des accusations dont se défend le FN, qui dénonce une «persécution judiciaire» à son endroit.

Dominique Albertini (avec AFP)

Embarquement pour Labadee, Versailles des Caraïbes, «prison pour touristes»

Tôt le matin, quelques jours par semaine, Labadee s’anime. Un bateau de croisière rutilant accoste une jetée flambant neuve de 55 millions de dollars, et des milliers de blans (mot créole désignant les étrangers, qu’ils soient de blancs ou de couleur, NDLR) se déversent sur les attractions tape-à-l’œil qui jalonnent le rivage: la plus longue tyrolienne au-dessus de l’eau du monde, un salon de tressage de cheveux, des buffets-barbecues tout compris, et, pour 255 dollars supplémentaires, des huttes VIP aux toits en feuilles de palmiers. Le terrain de jeu flottant gonflable, Arawak Aqua Park, tient son nom des peuples indigènes qui habitaient l’île autrefois, et Columbus Cove, point d’arrivée d’un toboggan aquatique bleu «haletant», du représentant des puissances coloniales qui causèrent leur disparition.

Bienvenue à la Plage Privée Ultime de la Royal Caribbean, l’unique compagnie de croisières opérant à Haïti. Une haute clôture protège jalousement le monde merveilleux de Labadee. A l’intérieur, les seules traces de la riche culture et du savoir-faire d’Haïti sont les troupes folkloriques qui s’y produisent parfois et l’Artisans Village, où les habitants doivent payer un droit d’entrée pour pouvoir vendre à la criée rhum, t-shirts et porte-clés. Dehors, deux gardes nonchalamment cramponnés à leurs mitraillettes s’ennuient: cette partie d’Haïti n’a pas connu de violences depuis des années. C’est un rêve tropical au summum de son américanisation: toute la nourriture est importée (y compris les fruits), et le rhum contenu dans le cocktail-vedette, le Labadoozie, n’est pas haïtien. Les suppléments sont directement facturés à votre cabine via le SeaPass, une carte de crédit de croisière, et aucun passeport ni visa touristique n’est nécessaire. Même le nom du lieu – dérivé du marquis de La Badie, esclavagiste français dont les plantations n’étaient qu’à quelques kilomètres de l’endroit où débuta la fière révolution d’Haïti – a été simplifié au profit des langues occidentales.

A lire aussi : Retour à Haïti 

Avant le coucher du soleil, les étrangers retournent dans le ventre du paquebot et disparaissent aussi brusquement qu’ils étaient venus. Tandis que le silence retombe sur le parc à thème, le personnel local rentre dans son Labadie à lui, de l’autre côté de la baie. «Il y a deux Haïti» explique une femme de chambre du Royal Caribbean, aspirante artiste de la communauté haïtienne qui travaille 12 heures par jour sur le bateau, sept jours par semaine, à distribuer des serviettes sur le pont au bord de la piscine. «Le Haïti de CNN, et le vrai Haïti.» Des dizaines de milliers de touristes ont fréquenté les rivages d’Haïti sans jamais savoir où ils étaient.

Lorsque Labadee a ouvert en 1986, Haïti était déjà devenu synonyme de corruption et de chaos, mais là où les autres investisseurs voyaient une république bananière typique, la Royal Caribbean vit une fenêtre d’opportunités commerciales. Ce fut Jean-Claude Duvalier, connu sous le nom de Baby Doc, qui conclut le marché en personne : un bail de 64 ans sur une péninsule de 25 hectares dans l’Océan atlantique, à l’extrémité nord d’Haïti. Pendant des décennies, la compagnie de croisières n’osa pas prononcer le nom de son nouveau paradis balnéaire semi-souverain et le vendit pragmatiquement sous le nom «d’Hispaniola» à côté de destinations plus conventionnelles. Quasiment sans concurrence aucune, Labadee devint l’attraction touristique la plus populaire d’Haïti.

Un Haïtien sur 8 vit à l’étranger

Une femme a de grands projets pour changer tout cela. Stéphanie Villedrouin, ministre du tourisme aussi glamour qu’énergique et cerveau d’une offensive de charme de relations publiques, a décidé qu’Haïti serait la Prochaine Destination Incontournable du tourisme caribéen. Miami et New York ne sont qu’à quelques heures de là, et outre son magnifique littoral—partagé avec la République dominicaine, destination touristique prisée de longue date—qui pourrait résister à la culture vibrante, à la cuisine créole et à l’histoire coloniale d’Haïti? En capitalisant sur tous ces atouts, Stéphanie Villedrouin espère d’abord attirer l’immense diaspora – un Haïtien sur huit vit à l’étranger- puis tous les autres. Le tourisme, solution lucrative qui fait ses preuves dans les pays voisins depuis des dizaines d’années, est envisagé comme un remède miracle pour l’économie haïtienne en sous-performance constante. Stéphanie Villedrouin est la première à admettre que changer l’image du pays – qui n’est toujours représenté que dans un unique guide de voyages – pour le rendre «ouvert aux affaires» va nécessiter un sacré travail. «L’un des plus grands défis était la perception d’Haïti par le reste du monde, développe Stéphanie Villedrouin lors d’une interview entre deux réunions avec des investisseurs à New York. Et comment changer cette image». Armée d’un nouveau logo arborant une fleur d’hibiscus et accompagnée de consultants marketing européens, elle s’est lancée en 2011 dans une croisade mondiale visant à séduire investisseurs et visiteurs et à les attirer vers le dernier paradis caribéen encore intouché. Un concours sur les réseaux sociaux a donné naissance à un nouveau slogan touristique: «Se La Pou’w La»—«Vivez l’expérience».

HAITI_Labadie_roughcut_001 from Caterina Clerici on Vimeo. 

«Ce sont les nouvelles Caraïbes» explique Stéphanie Villedrouin sans jamais se départir de son sourire. «Ces sont les Caraïbes authentiques que nous voulons présenter au reste du monde». Une bande-son improbable baigne le Versailles des Caraïbes. Plusieurs heures durant, une ballade rythmée de Céline Dion, diffusée en boucle par des enceintes de téléphone portable, résonne entre les murs croulants. Malgré la chaleur déjà implacable du tout début de matinée, deux couples d’adolescents tournoient imperturbablement au milieu des ombres allongées des ruines centenaires du Palais Sans­-Souci. C’est une troupe de danseurs spécialisée dans les mariages qui vient ici toutes les semaines pour s’entraîner, répétant chaque mouvement jusqu’à la perfection. En contrebas, une file de pèlerins catholiques vêtus de blanc des pieds à la tête entre dans une basilique en chantant, et juste à côté de pelouses impeccablement entretenues, une dame aligne des souvenirs pour des clients invisibles.

Sans­-Souci fut construit par le premier monarque (auto-proclamé) du pays, Henri Christophe, pour rappeler aux puissances impérialistes du monde la fierté nègre incarnant la farouche indépendance qui coule toujours dans les veines haïtiennes. Jardins somptueux, fontaines et piscines: jamais alors on n’avait vu une telle splendeur dans le Nouveau Monde. La Royal Caribbean affirme qu’elle adorerait y organiser des excursions mais que les infrastructures, la politique et d’éventuels problèmes de sécurité l’en empêchent encore. «Peut-être n’avons-nous pas été assez vigilants, en tant qu’Haïtiens, pour comprendre qu’il nous fallait travailler notre image» déplore Maryse Penette Kedar, consultante senior à la Royal Caribbean et ancienne ministre du tourisme. «Haïti est un pays remarquable à l’histoire remarquable, mais bien entendu nous ne pouvons nous contenter de parler de notre histoire. Il y a des choses à faire. Nous devons mettre de l’ordre chez nous.» C’est elle qui a conçu le bail de Labadee, qu’elle a toujours considéré comme une porte d’entrée vers des visites plus enrichissantes de son pays. Il s’agissait alors de faire preuve de pragmatisme pur: s’il fallait employer un pseudonyme pour neutraliser la mauvaise réputation d’Haïti, cela valait toujours mieux que de ne pas être sur le marché du tout.

Haïti, anciennement La Isla Española

Certes le nom était trompeur, mais pas totalement mensonger : lorsque Christophe Colomb «découvrit» ce territoire en 1492, il le décrivit comme un «miracle» et le baptisa «La Isla Española»- qui allait devenir Hispaniola – avant de bâtir sa première colonie à quelques kilomètres de là seulement. A la base d’une nation encore hantée par l’exploitation étrangère, les indigènes furent anéantis et des milliers d’Africains importés depuis l’autre côté de l’Atlantique pour construire à la sueur de leur front la colonie la plus riche du monde, une cruelle plantation de canne à sucre après l’autre.

De l’autre côté des montagnes il y a d’autres montagnes, dit un proverbe créole emblématique, métaphore des difficultés qui ne deviennent visibles que lorsque l’on a atteint un premier sommet -et métaphore d’Haïti lui-même. Sur une colline derrière les ruines de Sans-Souci se dresse la citadelle Laferrière : c’est la plus majestueuse forteresse des Amériques, érigée pour se défendre contre une conquête qui ne vint jamais et où l’on peut encore voir des pyramides de boulets de canons soigneusement empilés.

Tout commença juste à côté, pendant une réunion d’esclaves dans le Bois-Caïman, le soir du 14 août 1791. Devant le feu, une jeune femme possédée par Erzulie Dantor, la mère-guerrière vaudou représentée sous les traits d’une Vierge noire, égorgea un cochon noir créole et jura de tuer les blans. Ivres du sang de l’animal et investis d’une puissance divine, les esclaves se révoltèrent contre leurs maîtres coloniaux et établirent la première république noire du monde. Un tremblement de terre dévasta Sans­-Souci en 1842 et le palais ne fut jamais reconstruit. Il n’y a plus de cochons créoles et aujourd’hui, la majeure partie des forêts de Haïti a été déboisée pour fournir du bois de chauffage.

A côté, Cap Haïtien (anciennement Cap Français), pittoresque ville balnéaire à l’architecture coloniale, est devenu un lieu de villégiature fréquenté principalement par des travailleurs humanitaires et des missionnaires qui viennent y passer le week-end. «Bien sûr, la route est longue», admet Maryse Pénette­-Kedar, prudemment optimiste. «Mais je suis certaine qu’Haïti va de nouveau surprendre le monde. Je n’en doute pas.» A l’aube reviennent les bateaux colorés aux noms poétiques, débordant de poissons et de fruits de mer. Les pêcheurs passent le reste de la matinée à nettoyer leurs filets près des quais. Une nouvelle promenade est en construction et des villageois plantent de tout jeunes palmiers le long du front de mer. Des kayaks en plastique glissant sur la lagune les regardent de loin. Quasiment personne ne met pied à terre. Le Freedom of the Seas, qui pouvait se targuer jusqu’à récemment d’être le plus grand bateau de croisière du monde, obstrue quasiment tout l’horizon. Plusieurs fois par semaine, il dépose 6 000 passagers à Labadee, de l’autre côté de la baie, et verse 10 dollars de taxe par personne dans les coffres des autorités locales. Aujourd’hui les publicités sont plus honnêtes et de nombreux drapeaux haïtiens flottent sur tout le complexe balnéaire—même si le subtil slogan Private Island Paradise («l’endroit idéal pour se détendre et s’amuser») semble donner à de nombreux visiteurs l’impression qu’il ne s’agit pas de l’île principale d’Haïti.

«La prison des touristes»

«Nous l’appelons la prison des touristes» raconte Alix Latatour, ancien employé de la compagnie de croisières né à Labadie. «C’est là qu’ils les gardent pour qu’ils ne puissent pas voir le vrai Haïti.» Les médias jugent souvent d’un œil sévère la présence de la Royal Caribbean à Haïti et mettent en avant une vision de «possédants» face à des «dépossédés», trop symboliquement séparés par la sémantique et par des barbelés. Lorsque la compagnie de croisières – immatriculée au Libéria – a décidé de poursuivre les excursions touristiques à Labadee après le séisme, sa mauvaise réputation a empiré. Des passagers racontaient que les Haïtiens mendiaient la nourriture des buffets à travers la clôture. Pour les villageois, la réalité est plus nuancée. Après tout, de l’argent été réinjecté dans l’économie et des enfants ont pu faire des études. En 2010, la Royal Caribbean a bâti une nouvelle école, à qui elle a donné son nom. Dans un pays où le taux de chômage atteint 70%, environ 200 habitants du village de Labadie vont travailler à Labadee : assistants à la tyrolienne, agents d’entretien et professeurs de surf, pour une rémunération, selon la Royal Caribbean, «bien au-dessus du salaire moyen». Les autres ont le droit de visiter la station balnéaire les jours sans croisiéristes, sur autorisation.

Ce qui attriste Alix Latatour, c’est que les deux Labadie ne se rencontrent que si rarement : que la plupart des touristes ne voient jamais comment vivent les vrais Haïtiens, ce qu’ils cuisinent, comment ils cultivent la terre, à quoi ressemble leur musique. «Les touristes ne comprennent pas bien Haïti» explique-t-il, «parce que ce qu’ils voient aux infos ou avant d’acheter leur billet, ce n’est pas la même chose que ce qu’ils voient quand ils arrivent ici.» Alix Latatour ne doute pas un instant que les touristes aimeraient tout cela, s’ils venaient. «Impossible de savoir ce que nous réserve l’avenir du pays, philosophe-t-il. Peut-être qu’un jour vous reviendrez, et vous verrez que tout a changé.»

Traduit par Bérengère Viennot

Caterina Clerici , Kim Wall

Le Festival d’Angoulême va inclure des femmes parmi les nominés pour son Grand Prix

Devant la tournure que prenaient les événements, les organisateurs du Festival d’Angoulême ne pouvaient pas ne pas réagir. La publication, mardi, d’un liste exclusivement masculine de nominés pour le Grand Prix, avait provoqué une grosse polémique. Et, dans le sillage de Riad Sattouf, l’annonce de plusieurs de ces nominés de se retirer de la sélection (Joann Sfar, Etienne Davodeau, Christophe Blain, François Bourgeon, Pierre Christin, Daniel Clowes, Charles Burns, Chris Ware et Milo Manara). 

«Ce Grand Prix récompense un auteur pour l’ensemble de son œuvre et sa carrière, or, l’histoire de la BD jusqu’aux années 80 est essentiellement d’obédience masculine, se justifiait Franck Bondoux, le délégué général du Festival, à Libération On ne va pas instaurer des quotas. Le critère doit-il être absolument d’avoir des femmes ? Le Festival reflète la réalité de cet univers. »

Mercredi, dans un communiqué embarrassé, le Festival annnonce que «sans enlever aucun autre nom, introduire de nouveau des noms d’auteures dans la liste des sélectionnés au titre du Grand Prix 2016».

LIBERATION

Diffusion en ligne d’une vidéo de viol présumé : deux jeunes arrêtés à Perpignan

Deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années ont été arrêtés à Perpignan pour la diffusion d’une vidéo de viol présumé sur les réseaux sociaux, qui avait entraîné l’ouverture d’une enquête dans l’Essonne, a-t-on appris lundi de source policière.

La sûreté départementale de Perpignan a été chargée de deux enquêtes pour «diffusion d’images pornographiques sur internet et pour suspicion de viol aggravé», a déclaré le directeur départemental Yannick Janas. Il faudra déterminer la part de contrainte de la relation sexuelle entre ces deux hommes, placés en garde à vue, et une femme elle aussi majeure, «sur fond d’alcool», a-t-il précisé. 

La vidéo incriminée, probablement tournée avec un smartphone, est un montage d’un peu moins de 5 minutes. On y voit deux hommes en survêtement, dont on n’aperçoit jamais le visage, boire du whisky et fumer des joints avec leur victime présumée, apathique, qui paraît droguée ou alcoolisée. La vidéo est agrémentée de commentaires écrits dégradants sur leur victime tout au long du viol présumé.

L’existence de cette vidéo a été largement relayée dimanche sur les réseaux sociaux par les internautes, la plupart choqués, qui ont prévenu les autorités. Une enquête en flagrance avait été initialement ouverte et confiée à la Sûreté départementale de l’Essonne, les deux agresseurs étant supposés être originaires du département.

LIBERATION

L’Europe au bord de l’abîme

François Hollande, tout à sa défense de la patrie française menacée par de sanglants binationaux, n’a pas prononcé le mot Europe lors de ses voeux, le 31 décembre. Un oubli? Que nenni! Un signe. L’Europe est clarement menacée d’implosion à cause de la médiocrité des dirigeants nationaux. Mon analyse est ici. http://www.liberation.fr/planete/2016/01/01/crise-apres-crise-l-europe-fonce-vers-l-abime_1423901

Mais ne désespérons pas, le pire n’est pas toujours certain! Bonne année 2016 à tous!