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« Personne n’a envie de voir la Grande-Bretagne quitter l’Union et ainsi d’ajouter une nouvelle crise à la série de crises que l’Europe traverse, c’est la chance de David Cameron », le Premier ministre de sa gracieuse Majesté, explique un diplomate européen. Autrement dit, ses partenaires vont tout faire pour lui permettre de prôner le « oui » lors du référendum sur le maintien de son pays dans l’Union qu’il a promis d’organiser avant fin 2017. Certes, il n’a rien obtenu lors du sommet des 17 et 18 décembre (lire ici), mais les chefs d’État et de gouvernement ont promis de répondre à ses préoccupations d’ici au Conseil européen des 17 et 18 février.
C’est la première fois que Cameron s’exprimait devant ses collègues depuis la lettre qu’il a fait parvenir, le 10 novembre, à Donald Tusk, le président du Conseil européen. Il a pu se rendre compte, durant la discussion qui a duré 4 heures, qu’il n’obtiendrait pas facilement satisfaction, ses partenaires n’ayant aucune intention de remettre en cause les principes fondamentaux de l’Union européenne pour ses beaux yeux. En particulier, il a d’ores et déjà été exclu de se lancer dans une renégociation à la va-vite des traités européens, dont ni la France ni l’Allemagne ne veulent entendre parler avant fin 2017, c’est-à-dire avant les élections présidentielles et législatives françaises du printemps et les législatives allemandes de l’automne. Si Berlin y serait plus encline, afin d’en profiter pour approfondir la zone euro, elle a admis que le sujet était politiquement difficile pour François Hollande, celui-ci n’ayant aucune envie de se coltiner un référendum à haut risque si les changements vont trop loin. En clair, Cameron devra se contenter d’une simple « déclaration » sans valeur juridique. Pour autant, elle engagera quand même ses partenaires, comme l’a montré le précédent danois de 1992, les dérogations alors obtenues par Copenhague (monnaie, défense, justice, police, immigration) ayant été intégrées dans les traités suivants.
Le Premier ministre britannique a aussi pu constater que chacune de ses demandes, si simple en apparence, posait d’énormes problèmes juridiques et politiques. Ainsi, en est-il de sa volonté d’obtenir la reconnaissance que l’euro n’est pas la seule monnaie de l’Union. De fait, c’est le cas, Londres et Copenhague ayant obtenu un « opt out ». Mais l’inscrire dans le traité autoriserait les États qui ne sont pas encore membre de l’euro et qui, en adhérant, se sont engagés à rejoindre la monnaie unique dès qu’ils seraient prêts, à ne plus le faire. « On pourrait cependant, dans une déclaration, sans toucher aux traités, rappeler les opt out dont bénéficient le Royaume-Uni et le Danemark », estime un diplomate proche des négociations.
De même, il n’est pas question de biffer du préambule des textes fondateurs la mention que le but de l’Union est de poursuivre « le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ». « Il s’agit des peuples, pas des États », remarque un diplomate européen. « On pourrait se contenter de rappeler que cela n’a pas empêché de reconnaître un statut différencié aux États, mais surtout sans toucher au traité. Sur l’euro et sur le préambule, on est dans l’idéologie pure, mais cela peut remettre en cause l’Europe telle qu’elle est, ce qui est inacceptable », commente un responsable européen.
Sur le renforcement du rôle des parlements nationaux qui est, pour Cameron, un moyen de réduire l’influence du Parlement européen, le consensus est aussi de ne pas toucher à ce qui existe. « Mais, en matière de subsidiarité, depuis le traité de Lisbonne, les parlements nationaux peuvent alerter l’Union qu’elle empiète sur les compétences nationales. Le processus actuel peut-être amélioré, par exemple en allongeant les délais pour permettre aux parlements de mieux se concerter entre eux », suggère un fonctionnaire de la Commission.
Pas question non plus de donner un quelconque droit de véto à la Grande-Bretagne sur les décisions prises au sein de la zone euro, comme elle le souhaite sans le dire expressément. « La peur britannique d’être mis devant le fait accompli n’est pas sérieuse puisque, juridiquement, tous les textes, y compris ceux concernant la zone euro, sont adoptés par le conseil des ministres des Finances où siègent les 28 et non par l’Eurogroupe. Mais on peut améliorer la transparence et trouver des mécanismes d’information très en amont afin de tenir compte des intérêts des pays non membres de l’euro », explique le diplomate déjà cité.
Le sujet le plus difficile sera sans doute celui des prestations sociales accordées par la Grande-Bretagne aux travailleurs de l’Union. Londres voudrait que ces derniers n’y aient droit qu’après quatre ans de séjour, ce qui induirait une discrimination entre Européens totalement interdite par les traités et la justice européenne. Toute la difficulté est que les prestations sociales sont financées en Grande-Bretagne non par des cotisations, comme en France, ce qui permet de ne les ouvrir qu’à certaines conditions, mais par l’impôt, ce qui interdit toute différenciation liée à la durée du séjour ou à la présence de la famille. Sur ce point, il n’y a pas de solution toute faite, d’autant que les États d’Europe de l’Est ne veulent pas que leurs ressortissants fassent les frais d’une discrimination qui les vise très spécifiquement…
Autant dire qu’on risque de rester dans le cosmétique ou, si l’on préfère, dans la résolution psychanalytique des peurs britanniques. La Commission a mis en place une « task force » composée de huit personnes et placée sous la direction d’un directeur général, le Britannique (mais très européen), Jonathan Faull, afin de trouver les bons mots d’ici le mois de février. Reste à savoir si cela suffira à rallier les suffrages des Britanniques. « Rien n’est moins sûr, mais ça permettra au moins à David Cameron de faire campagne pour le oui. Ça sera déjà ça », soupire un diplomate européen.