«Cher(e) ami(e) venu(e) d’Orient, lors de ton long et difficile périple vers ton destin, tu t’es trouvé dans notre ville. Cette ville hospitalière de Trikala, qui se trouve au centre de la Grèce. Les habitants de la ville, la mairie et les autorités te souhaitent la bienvenue et te promettent de faire tout leur possible pour que ta présence ici soit sécurisée, dans les meilleures conditions d’hygiène possible» : ainsi débute la lettre du maire de Trikala, publiée lundi dans la presse locale après l’arrivée soudaine de plusieurs centaines de migrants qui font route vers le nord de la Grèce avec l’espoir assez vain de pouvoir encore franchir les frontières d’un pays désormais entouré de barbelés.
La générosité spontanée des autorités de cette petite ville grecque souligne encore plus cruellement l’égoïsme des autres nations européennes, dont l’intransigeance face aux migrants est en train de précipiter la Grèce dans une crise humanitaire sans précédent.
Ce mardi, c’est au tour du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de tirer la sonnette d’alarme, dénonçant l’absence de collaboration des gouvernements européens face à une «Grèce déjà en désarroi» (suite à la crise économique auquel le pays est confronté depuis plus de cinq ans). «Les récentes fermetures des frontières causent des souffrances inutiles et sont en contradiction avec les principes de l’Europe et tous les standards internationaux», rappelle encore l’organisation internationale.
Compte-gouttes
Face à la fronde d’un groupe de pays d’Europe centrale conduit par l’Autriche, qui refusent ou veulent limiter le nombre de migrants sur leur sol, la situation s’est encore dégradée en Grèce ces derniers jours.
25 000 migrants se trouvent pour l’instant coincés en Grèce, dont 8 500 à Idomeni, à la frontière greco-macédonienne, où des incidents ont éclaté lundi quand les réfugiés ont cherché à passer en force malgré les barbelés déployés le long des deux pays à l’initiative de Skopje.
Seule une poignée de Syriens et d’Irakiens sont autorisés désormais à franchir la frontière, au compte-gouttes. Les Afghans, qui partageaient jusqu’à récemment ce «privilège», ont rejoint le groupe des «indésirables», que l’Europe rejette. En soi, ce tri par nationalité est déjà une trahison des principes du droit d’asile, «qui doit être accordé sur une base individuelle, car dans certaines circonstances, un Algérien ou un Iranien peut tout autant avoir des raisons légitimes de craindre pour sa vie dans son pays d’origine» déplore une humanitaire jointe au téléphone à Athènes.
L’Europe va-t-elle s’effondrer à Idomeni ? L’attitude de certains pays européens face à la crise migratoire a déjà marqué un reniement des idéaux fondateurs.
«Agence de voyage»
Non content d’avoir organisé une réunion sur la crise migratoire sans inviter la Grèce, le chancelier autrichien, Werner Faymann, a récidivé en accusant dimanche Athènes de se comporter «comme une agence de voyage» en laissant les migrants remonter vers le nord de l’Europe.
«La Grèce ne peut gérer seule la situation», rétorque indirectement le HCR, qui rappelle que, malgré les promesses faites en septembre par les pays européens, seuls 325 migrants ont effectivement été relocalisés en cinq mois à partir de la Grèce. Un chiffre dérisoire, alors même que la vague migratoire se poursuit : sur les deux premiers mois de l’année, 131 724 migrants ont traversé la Méditerranée, parmi lesquels 122 637 sont arrivés en Grèce.
Si sévères avec les Grecs, qui ne bénéficient que du soutien affiché d’Angela Merkel, les Européens se montrent bien plus timorés lorsqu’il s’agit de critiquer la Turquie, d’où arrivent pourtant tous ces naufragés. Certes Ankara a, ces derniers temps, montré quelques signes de bonne volonté en arrêtant et en traduisant devant la justice certains passeurs, mais les faux gilets de sauvetage sont toujours en vente à Izmir, «aux yeux de tous, et même dans des boucheries», selon le quotidien grec Kathimerini.
Le sommet Europe-Turquie prévu lundi prochain à Bruxelles permettra-t-il de changer la donne et de desserrer l’étau sur la Grèce ? En attendant Athènes multiplie les ouvertures de centres provisoires et compte sur la bonne volonté et la générosité des habitants pour faire face à cette tragédie humaine.
Maria Malagardis